- Serie A
- J15
- Atalanta-Venezia
Mattia Caldara, la renaissance vénitienne
En 2017, Mattia Caldara symbolisait le futur de la défense italienne. Beau, jeune, cultivé, le natif de Bergame avait tout pour prendre la suite de Giorgio Chiellini ou de Leonardo Bonucci. Quatre ans plus tard, les galères et les pépins physiques l’ont obligé à se relancer du côté du promu Venezia, dans le cadre d'un prêt de l'AC Milan. Mardi soir, le Lombard retrouve son club formateur, l’Atalanta, et espère réaliser sa meilleure partition. Pour prouver qu’il va mieux.
Trois ans, dix mois et vingt-six jours. Pour Mattia Caldara – malgré son poste de défenseur central –, cela représente une éternité sans faire trembler les filets. Face à l’AS Roma le 7 novembre dernier, le joueur de Venezia n’a donc pas caché sa joie lorsqu’il a vu sa déviation du bout du pied finir au fond des cages gardées par Rui Patrício. Une exultation sans retenue symbolisant le travail thérapeutique commencé il y a plusieurs mois dans le seul but de retrouver goût au football. Mais pour que cette reconstruction soit complète, en bon féru de littérature, le jeune homme de 27 ans a décidé de coucher sur la toile toutes les étapes par lesquelles il est passé.
Atalanta, l’empire perdu
« Je venais d’un groupe où chacun de tes potes était ton frère », écrit Caldara dès les premières lignes. Un de ces fratello, rencontré dès l’arrivée au centre de formation de l’Atalanta à l’âge de 9 ans, c’est Daniele Mologni. Les deux compères forment un duo de nerds avec le nez toujours fourré dans des feuilles de cours ou dans des grands classiques de la littérature. Mais s’ils sont à l’aise pour dévorer Crime et Châtiment, ils bégaient sérieusement lorsqu’ils doivent approcher la gent féminine : « C’est le football qui nous a sauvés lorsque nous devions draguer les filles. Un jour, pendant l’heure d’éducation physique, nous leur avons passé un ballon afin d’avoir un prétexte pour les aborder. » Malheureusement pour Mattia, cette bromance s’arrêtera aux portes du groupe pro, Daniele n’ayant pas le niveau requis pour la Serie A.
Toutefois, sans son ami d’enfance, Caldara garde sa joie de vivre, car ses nouveaux coéquipiers restent de joyeux lurons. Et le staff n’est pas en reste. Pour que personne n’arrive en retard, le boardde l’Atalanta installe une table de ping-pong dans le vestiaire. Ainsi, tous les joueurs arrivent en avance et, avant de se jauger sur le rectangle vert, ils se défient raquette à la main. Malgré cet esprit de franche camaraderie – et la promesse de la part de Gian Piero Gasperini de transformer la Fiat 500 bergamasque en Ferrari –, le défenseur central adopte le même comportement qu’une des héroïnes de romans russes qu’il apprécie. À l’instar d’Anna Karénine, il préfère céder aux charmes de la Vecchia Signora au lieu de poursuivre sa relation avec la Dea qui avait pourtant validé ses acquis après des prêts à Trapani et Cesena en 2014 et 2016.
Plongeon raté dans le grand bain
Le jeune homme s’imaginait déjà taquiner la gonfle avec Miralem Pjanić, Giorgio Chiellini ou d’autres grands noms de la Serie A, mais il n’en sera rien. À l’été 2018, alors qu’il peut faire ses débuts pour la Juventus, il sert de monnaie d’échange – en compagnie de Gonzalo Higuaín – pour rapatrier Leonardo Bonucci dans le Piémont. Quelque chose se brise dans la tête du néo-Rossoneri : « Quand je suis allé à la Juventus, puis à Milan, j’ai réalisé que l’individu comptait beaucoup plus que le groupe. » La séance de présentation dans un immeuble de la Piazza Duomo est un véritable calvaire. Avec son maillot dans les mains, il ne sait pas quoi faire lorsqu’il voit les tifosi applaudir en contrebas.
Et quand le mental vacille, le physique déraille également. En octobre, il amorce un sprint à l’entraînement et ressent comme un coup de poignard dans le talon. Il se retourne, cherchant désespérément un coupable, mais ne voit que Patrick Cutrone plus de deux mètres derrière lui. Sans prévenir, son tendon d’Achille avait décidé de lâcher. Déjà éprouvé par cette nouvelle, Caldara voit les médecins s’écharper sur son cas. Comme la rupture du tendon n’était pas totale, ils mettent plusieurs jours à statuer sur une éventuelle opération. Après des tests effectués en Finlande, le Milanais ne passe pas par la case billard, mais doit rester immobile pendant 50 jours. Un premier uppercut : « Pour nous professionnels, le football c’est la vie… »
Introspection indispensable
À partir de ce moment-là, les pépins physiques ne le lâchent plus. Rupture des ligaments croisés – à laquelle s’ajoute une rééducation compliquée –, tendon rotulien défectueux, le « Roc » comme le surnommaient ses coéquipiers de la Primavera de l’Atalanta s’effrite. « Mentalement, c’était comme si j’avais été touché par une météorite. Je rentrais chez moi le soir et ne souriais plus », avoue-t-il sans concession. Bien qu’il revienne dans son cocon bergamasque en janvier 2020, l’ancien fils prodigue se mue en paria. Pour se reprendre en main, il décide de changer ses habitudes. Il devient végétarien, fait attention à ses cycles de repos. En vain, la sérénité n’est toujours pas au rendez-vous. Son désarroi touche également sa compagne. Les deux entament une thérapie pour se retrouver, mais aussi pour que Mattia reprenne goût à la vie. Ce travail sur soi fonctionne, mais c’est un élément extérieur qui débloquera la situation : « Paolo Zanetti(coach de Venezia, NDLR)est venu chez moi pour me convaincre de le rejoindre, réussissant à me transmettre une confiance que je n’avais plus en moi. » Dorénavant réparé physiquement et mentalement, le défenseur central va pouvoir « recommencer à être lui-même ». Même face à ses anciens frères.
Par Aurélien Bayard
Propos recueilli sur Chronache di spogliatoio.