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Mathieu Chalmé : « J’ai appris le vin sur le tard pour un Bordelais »

Propos recueillis par Arnaud Clement
Mathieu Chalmé : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J&rsquo;ai appris le vin sur le tard pour un Bordelais<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

La semaine dernière, Andrea Pirlo annonçait vouloir se fondre dans l'univers du vin après sa carrière. La preuve que les footballeurs ne sont pas tous incultes si on leur sort le guide de Bettane et Desseauve sous le nez, l'Ajaccien Mathieu Chalmé a aussi un palais bien développé.

Mathieu, vous vous êtes lancés en 2008 avec Johann Micoud dans la production de pomerol. Ça marche les affaires pour le Château La Connivence ?Ça va pas mal, on est satisfaits. On avait envie de se lancer dans cette aventure pour faire un vin de grande qualité. C’est ce qu’on a réussi a faire. On reçoit pas mal d’avis de professionnels, qui se montrent assez unanimes. On essaye de se faire notre petite place. Ce n’est pas évident d’arriver sur le marché, surtout pour deux footeux, même si Alexandre de Malet Rochefort (ndlr : le troisième associé) est un professionnel du vin. Beaucoup pensent qu’on amène juste notre nom, mais non. Donc tout va bien. Pour le moment, nous sortons environ 2000 bouteilles par an et ça sera amené à croître.

Pour ce projet, vous vous êtes entourés de pointures du monde du vin, avez racheté une parcelle qui peut se vendre presque un million d’euros l’hectare… Est-ce que l’arrivée de footballeurs avec leurs gros sous dans le paysage du Bordelais a pu faire jaser comme celle des Qataris à Paris ?Jaser, non. Mais quand on essaye de vendre ou de faire connaître nos vins, il y a plus de réticence justement parce qu’on est des footballeurs. Les gens se disent : « Ils utilisent leurs noms plus qu’ils ne font du bon vin » . Mais quand ils goutent, ils sont souvent surpris. Des réfractaires ? Non, pas forcément, c’est plus une question de goût. Il y a toujours des gens qui n’aimeront pas ça.

Du coup, cette étiquette de joueur de football, ça implique peut-être de s’impliquer deux fois plus dans le projet, de se fondre dans le paysage, en vous imprégnant de la culture de la vigne, de ses travaux, etc. Pas trop dur avec votre emploi du temps ?Pour l’instant, c’est vrai que ma préoccupation première reste le foot. J’aurai le temps de m’y mettre à fond après ma carrière. Et puis, avec la sphère médiatique, on a la chance d’avoir accès à des contacts. C’est un avantage pour nous au niveau de l’apprentissage. Ça sera pour l’après-carrière. Pour l’instant, je débute, j’apprends de A à Z. Je me suis mis au vin sur le tard pour un Bordelais. J’avais 27 ans et c’est grâce à Johann (Micoud), qui m’a fait connaître et goûter des vins rouges. Si on regarde pour La Connivence, sur les trois associés, on retrouve un vrai pro, Johann qui s’y connait pas mal et moi, qui suit derrière (rires). Mais après ma carrière, je prendrai des cours. A l’heure actuelle, ce n’est pas évident pour moi de parler de mon propre vin professionnellement parlant, donc…

Jean-Louis Triaud vient du milieu viticole. Il vous arrivait de discuter, de partager ou de déguster avec lui ou d’autres, si on pense à Jean Tigana, qui a lancé des exploitations comme vous, ou Thierry Tusseau, aujourd’hui négociant en vin ?Avec Tigana, j’ai pas appris grand-chose déjà, même sur le plan footballistique (sourire). Mais avec Jean-Louis Triaud, oui. Il m’en parle de temps en temps et il était très content lorsqu’il a su qu’on se lançait avec Johann. Plus généralement, je discute avec tous ceux qui aiment le vin. Beaucoup nous parlent évidemment de notre production, avec souvent des retours positifs, donc c’est appréciable.

« J’apprécie ces vins bon marché avec énormément de qualité »

Maintenant que vous êtes en Corse, vous découvrez les appellations locales ?Je les connais déjà ! Ça fait huit ans que je viens en vacances ici, j’ai des amis qui ont un restaurant corse sur Bordeaux donc j’ai déjà quelques connaissances en la matière. Après, je n’ai pas de préférence, je goûte de tout. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’on trouve de belles choses et du bon vin, que ça soit en rouge, en rosé ou même en blanc. Tout le monde parle du bordeaux, du bourgogne et finalement peu du vin corse. Personnellement, j’ai appris à l’apprécier et il y a de belles surprises à découvrir, c’est certain.

On dit que les footballeurs boivent peu de vin, mais boivent bien, en se délectant de bonnes bouteilles. Vous confirmez ?Oui, je pense qu’il y a beaucoup de joueurs qui achètent essentiellement de très bonnes bouteilles. J’ai la chance d’avoir un frère passionné qui me fait déguster des superbes bouteilles pas très chères, à dix ou quinze euros, comme j’ai déjà pu déguster des bouteilles à plus forte valeur. Mais j’apprécie ces vins bon marché avec énormément de qualité. Après, tout est question de goût, mais c’est vrai que pour un footeux qui ne s’y connait pas trop, il fera sans doute

Il y a pourtant aussi un charme et un vrai talent à reconnaître les bons petits producteurs. Vous en connaissez des personnalités du monde du ballon rond qui ont le recul et les connaissances pour sortir un elixir de « derrière les fagots » ?Ah oui, des joueurs comme Florian Marange, dont la famille œuvre dans le vin, Jussié, qui est un grand amateur, ou même Fernando, qui a appris à s’y retrouver, ils sont capables de sortir de belles bouteilles. Marange, c’est vraiment un grand connaisseur. Typiquement, lui peut te sortir une bouteille de qualité et bon marché.

A l’inverse, des « pseudo-connaisseurs » qui veulent limite vous apprendre le métier, le vin, ses terroirs, son histoire, on en trouve aussi ?Il y en a toujours (rires). Mais ça, c’est dans la vie de tous les jours. Chacun fait comme il veut, je ne suis pas là pour juger. J’ai beau être dans le métier, ce n’est pas pour autant que je connais tout.

Plus généralement, s’il vous arrive d’échanger dans les vestiaires au sujet du vin, quelle est l’image du nectar auprès de la population footeuse ? Un truc « prout-prout » qui rebute ou quelque chose de tendance qui attire ?Dans un vestiaire, certains vont aimer, d’autres non. A Bordeaux, on avait la chance de faire une dégustation des primeurs au château avec le président. C’était quelque chose d’agréable, comme ces moments où on allait au restaurant pour manger et s’ouvrir de bonnes bouteilles. C’est ça le but du vin ! On s’est aussi lancé dans cette aventure avec Johann pour pouvoir ouvrir notre bouteille autour d’une table et la partager.

D’après vous, comment réagit un groupe qui recevrait une caisse de vin en guise de prime de victoire, comme ce fut le cas du Stade Rennais après sa victoire à Paris en novembre (Ndlr : le président Pinault avait offert à chacun des membres de l’effectif un Château Latour, vin d’appellation Pauillac)Ah je connais et c’est déjà arrivé aussi à Bordeaux. C’est appréciable, même si tu en trouveras qui vont beaucoup moins apprécier. Mais j’ai rarement vu des joueurs refuser leur caisse. C’est sûr qu’il y a quelques années en arrière, tu en aurais trouvé plus qui auraient adoré ce genre de prime. Les nouvelles générations sont différentes. Chaque cas est différent, je m’occupe du mien, ça me suffit largement.

Comme Andrea Pirlo l’a annoncé récemment, est-ce que vous vous reconvertirez dans le milieu viticole à plein temps une fois les crampons rangés ?Pas à plein temps. Je reviendrai à Bordeaux déjà, puis je donnerai beaucoup plus de mon temps qu’aujourd’hui à mon vin. Mais je ne ferai pas ça à 100%, j’y accorderai en tout cas suffisamment de temps pour continuer cette belle aventure. Surtout que c’est une belle chance que d’être dans ces beaux endroits. Il faut que ça continue.

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