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Mathieu Chabert, label et la bête

Par Maxime Brigand
Mathieu Chabert, label et la bête

Entraîneur d'un Béziers de retour pour la première fois en deuxième division depuis trente ans, Mathieu Chabert revient de loin, très loin. Alors que son club s'apprête à plonger sa tête dans la Ligue 2, il raconte l'histoire d'un type de trente-neuf ans, en disponibilité à Pôle emploi et dont la carrière professionnel a été brisée par une tumeur décelée à 24 ans.

Il faut imaginer la bête, poil court, barbe taillée, fumante. Mathieu Chabert a débarqué au printemps dernier, au stade de Sauclières de Béziers, pour voir. Voir ce que ses gars avaient dans le bide, voir jusqu’où il pouvait les emmener, voir où il allait écrire le prochain chapitre de sa propre histoire, aussi. Le 11 mai 2018, l’entraîneur de 39 ans a regardé ses joueurs dans les yeux et les a placés face à un bout de papier. C’est de la routine, un truc de coach : le match à venir, une causerie d’avant-match, onze noms couchés sur une feuille blanche. Il raconte : « Là, alors que les joueurs s’apprêtaient à disputer l’un des matches les plus importants de leur carrière, j’ai décidé de tourner la feuille pour en faire apparaître une nouvelle où j’avais inscrit la même compo d’équipe, mais deux ans en arrière. Pour chaque joueur, j’avais écrit où ils en étaient deux ans plus tôt. Même moi, je ne m’attendais pas à ça : des mecs avaient joué un seul match dans l’année, certains étaient en DH, d’autres en CFA2, où il n’étaient même pas forcément titulaires… Et là, ils se retrouvaient titulaires pour emmener un club en Ligue 2. Ça prouve bien qu’ils ne doivent rien à personne. » Quatre-vingt-dix minutes plus tard, la marmite s’est renversée : l’AS Béziers a secoué Les Herbiers (4-1) et tamponné son retour en deuxième division, trente-et-un ans après en avoir été éjectée. En 1987, Chabert avait huit ans.

La tâche et le cercle fructueux

De Béziers, le bonhomme connaît tout. Sauf ça : un match de foot pro, dans la ville. « Si vous demandez à Paris : « Béziers ? » Les mecs vous répondent Robert Ménard ou le rugby. Maintenant, on va pouvoir aussi parler de foot, c’est une grosse fierté, confie Mathieu Chabert, installé sur le banc de l’équipe première de la ville depuis décembre 2015. On dit souvent que Béziers est une ville pourrie mais c’est une ville magnifique, vraiment. » Le gaillard y a ses réflexes, ses amis, sa vie recluse-ouverte. Lorsqu’

Si vous demandez à Paris : « Béziers ? » Les mecs vous répondent Robert Ménard ou le rugby. Maintenant, on va pouvoir aussi parler de foot, c’est une grosse fierté.

il déconnecte, il reste chez lui ou va à la plage. Ce jour-là, il profite aussi de sa fille et doit « mettre un coup de scoot » pour la déposer chez le coiffeur. Dans deux jours, c’est la première journée de Ligue 2 : Béziers est à Nancy, vendredi soir, et change de monde. Comment le réalise-t-on ? « Honnêtement, on est tellement absorbés que… Autant, il y a des spirales négatives qui sont difficiles à arrêter, autant il y a aussi des spirales positives qui emportent tout sur leur passage, répond Chabert. C’est un cercle fructueux : le poteau qui était sortant devient rentrant, tu te mets à tenter des choses qui tu n’aurais jamais tenté sans confiance… Maintenant, j’ai envie de voir si notre méthode marche au haut niveau et je suis sûr qu’elle va marcher. »

La méthode Chabert : un ensemble participatif avec au-dessus un président, Gérard Rocquet, une pile de bénévoles (Béziers est monté en Ligue 2 avec aucun salarié administratif), un analyste vidéo hier en emploi d’avenir et aujourd’hui passé en temps complet, des préparateurs physiques qui commencent à bosser avec des GPS, un ancien capitaine du club, Guillaume Bessamba, dans le rôle du « grand frère qui règle 99,99% des problèmes » , un tutoiement de rigueur. « Nous, on est la tête de gondole mais derrière, tu as beaucoup de personnes qui bossent pour nous » , glisse le coach de trente-neuf ans, plus jeune représentant de sa confrérie en deuxième division cette saison. À l’issue de la saison 2016-2017, le club a bouclé le National en huitième position.

Derrière ? « L’effectif s’est fait piller ! On a perdu quatorze joueurs, il a fallu tout reconstruire grâce au travail de notre cellule de recrutement, notamment de Romain Muriel. Moi, je valide mais je pars aussi du principe que les mecs qui bossent toute l’année pour renforcer le groupe ne vont pas m’envoyer des chèvres parce que sinon, ils seront aussi pénalisés. C’est de la confiance totale. » Cet été, l’AS Béziers a vu partir Ibrahim Sissoko à Lorient et revenir dans la foulée en prêt. Au rayon des arrivées, de l’expérience : Ousmane Sidibé, Mehdi

Quand vous regardez la Ligue 2, c’est une petite Ligue 1 et au milieu, y’a Béziers. On fait tâche et on est contents de faire tâche. Maintenant, tout ce qu’on a vécu depuis quelques semaines, c’est presque du pipi du chat parce que ce que je veux moi, c’est prendre des points.

Mostefa… Et une volonté d’être d’attaque tout de suite, le club ne pouvant se permettre le luxe de n’être « prêt qu’en septembre » : « Quand vous regardez la Ligue 2, c’est une petite Ligue 1 et au milieu, y’a Béziers. On fait tâche et on est contents de faire tâche. Maintenant, tout ce qu’on a vécu depuis quelques semaines, c’est presque du pipi du chat parce que ce que je veux moi, c’est prendre des points. C’est la finalité des choses : gagner, prendre rapidement 38-39 points et là, on dira, Béziers, c’est bien. Pour l’instant, les gens disent : Béziers ? On connaît pas. »

Conseiller à Pôle Emploi

Mathieu Chabert croit en son destin : c’est impossible, en foot, le hasard n’existe pas. Alors, c’est quoi le secret ? Ce type sait où il plonge – « J’aime beaucoup parler avec les entraîneurs adverses avant les matches mais je pense que plus le niveau monte, moins les entraîneurs sortent à l’échauffement. Bon, je leur parlerai après, ce n’est pas grave. » -, comment il plonge et d’où il plonge. Soit, de loin, d’une vie qui raconte l’histoire d’un mec né à Béziers et dont la courbe s’est fendue en 2002. Chabert est alors à Istres, il est gardien de but, et s’apprête à signer pro. « Vous m’avez déjà vu marcher ? Lorsque j’ai passé ma visite médicale, on m’a trouvé une tumeur dans la moelle épinière. On m’a opéré en urgence, j’ai failli mourir… J’ai commencé à entraîner tôt parce que je ne pouvais plus jouer, tout simplement. J’ai eu besoin d’un an pour réapprendre à marcher et je me suis mis sur un banc. » Ça a commencé dans la région, puis surtout à Saint-Chignan, club dirigé à l’époque par le président actuel de l’AS Béziers, Gérard Rocquet.

Mathieu Chabert y dirige alors des joueurs comme Jean-Luc Escayol et Franck Histilloles, gratte quelques bons résultats et se fait finalement virer. Dans la foulée, il poursuivra son apprentissage à Sète et reviendra finalement à Béziers, où il récupère l’équipe réserve tout en poursuivant son job de conseiller à Pôle emploi en parallèle. Aujourd’hui, il est passé en disponibilité mais garde en tête « ces gens qui ont d’autres priorités que le foot, qui te permettent de relativiser pas mal de choses » .

« Soit tu prends le poste, soit tu dégages »

Le passage en première ligne est intervenu il y a maintenant un peu moins de trois ans. À l’hiver 2015, l’AS Béziers patine en National et l’entraîneur de l’équipe première, Xavier Collin, dont Chabert aura été l’adjoint, prend la porte. Le président Rocquet vient le voir : « Soit tu prends le poste, soit tu dégages avec Xavier. » Mathieu Chabert est un loyal mais saute sur l’occasion : « Je n’ai pas de carrière de joueur pro derrière moi, pas deux milliards d’euros de côté, à l’époque je suis encore à mi-temps à Pôle emploi, j’ai une maison, des crédits, une vie normale, il faut que j’accepte. » Jusqu’à la Ligue 2, donc, et au bout de quelques retouches de management amenées par un homme qui cite Carlo Ancelotti en référence et qui a été sélectionné en avril pour intégrer la session actuelle du brevet d’entraîneur professionnel de football

Lorsque j’ai passé ma visite médicale, on m’a trouvé une tumeur dans la moelle épinière. On m’a opéré en urgence, j’ai failli mourir… J’ai commencé à entraîner tôt parce que je ne pouvais plus jouer, tout simplement.

(BEPF), plus gros diplôme du circuit. Ce qu’il dira à ses joueurs, vendredi soir, à Nancy, est déjà écrit : « On a beaucoup sué pour en arriver là et faut qu’on croque dedans maintenant, avec nos qualités et nos défauts. C’est de la motivation. Ce que les joueurs ont à faire sur le terrain, le onze de départ, ils le savent déjà. On est impatients d’attaquer parce que j’ai envie de voir où on en est vraiment. C’est vraiment ça la plus grosse inconnue. Je pense qu’on est dans le vrai mais j’attends de vraiment voir la différence de niveau. » Ce sera dans tous les cas un nouveau choc, un énième saut dans le vide : la bête est prête.

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Propos recueillis par MB

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