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Martin Eden

Par Maxime Brigand
Martin Eden

Parti de Liverpool au bord de ses limites en juillet dernier, Martin Škrtel a retrouvé la patate à Istanbul où il balance de nouveau sa passion sous les rayures de Fenerbahçe. Retour sur les premiers mois d’une nouvelle page qui s’écrit avec un stylo calé entre les gros doigts de Dick Advocaat, le mentor.

Martin Škrtel a toujours eu un problème avec l’autorité. Peut-être simplement parce que le capitaine slovaque veut être cette autorité ou du moins sa représentation humaine. C’est une forme de quête, une poursuite qui l’habite depuis ses débuts chez les grands à Trenčín il y a maintenant plus de quinze ans. L’homme n’était pas encore celui qu’il est devenu et n’était qu’un ado qui courait sur les traces d’un papa footeux. Il avait choisi le foot plutôt que le hockey sur glace, avait été un temps buteur sous une mèche approximative et avancait dans l’admiration de ses idoles : Roberto Baggio et Fabio Cannavaro. La vraie gueule, elle, s’est dessinée un peu plus tard. C’est pourtant ce visage brut qui a écrit avec ses performances une partie de sa légende. Škrtel est avant tout un caractère, une forte tête et une bulle de puissance rare. Sauf qu’elle ne peut avancer seule et ne l’a jamais fait. Longtemps, le Slovaque a été câliné par ses coachs, de Dick Advocaat au Zénith à Rafael Benítez et Rodgers à Liverpool. Puis, un jour, le colosse est tombé pour ne plus revenir. La raison ? Il n’a plus été regardé et a été amputé de son double formidable qu’était Daniel Agger. Un autre poète dégagé sans sentiment par Brendan Rodgers à l’été 2014. Résultat : Martin Škrtel a perdu une partie de ce qu’il était sur le terrain sans voir filer l’affection que lui a toujours donnée Anfield. Oui, personne ne peut oublier cette banderole – « Martin Škrtel is so hard he asked for a Big Mac in Burger King and got one » – et ce surnom de Terminator qui accompagnait certains de ses coups de casque et de sang. La fin de son règne dans l’axe des Reds date avant tout du départ d’Agger. L’arrivée de Klopp et son éviction progressive des places de titulaires pour des mecs qui offraient moins de garanties n’ont été que les dernières lignes d’une histoire écrite pendant huit ans et demi. La force de Škrtel était pourtant là et ce n’est pas pour rien que Benítez le compara un jour à Carragher : pouvait-on imaginer le défenseur slovaque ailleurs ? Non, et pourtant.

L’Advocaat du chauve

Pourtant, l’été dernier, Martin Škrtel a quitté Liverpool dans un silence presque gênant. Une décision sage, une icône poussée dehors, et pour ne pas foutre le bordel, une explication plus posée : « C’était le moment pour moi de connaître autre chose. » Il y a eu les remerciements de circonstance et, après plusieurs flirts avec Naples un temps, l’Inter un autre, le Slovaque s’est donc barré à Fenerbahçe début juillet. Histoire de se mettre un dernier shot d’adrénaline. Bingo : le gros costaud a commencé sa vie en Turquie par une élimination logique en C1 contre l’AS Monaco. Terrible ? Non, au contraire, car le début de crise a poussé Vítor Pereira loin d’Istanbul et a ramené Advocaat auprès de son ancien protégé. Première réaction de Martin Škrtel : « Il est le seul qui peut nous sauver. » Celle du Batave ? « Martin doit nous emmener sa mentalité de guerrier. Je suis très heureux de l’avoir dans mon groupe, car il a cet esprit de combat et peut avoir un impact positif sur les autres. » Huit ans plus tôt, Dick Advocaat avait laissé filer Škrtel de Saint-Pétersbourg avec des regrets. Hop (Klopp ?), l’histoire peut reprendre.

Grosse semelle et nez cassé

En venant à Istanbul, le boxeur slovaque voulait retrouver la passion et le jeu. Les sifflets, aussi. Škrtel est comme ça, il avance à la poudre et à la sueur. Cette saison, cette envie lui a déjà coûté un nez, cassé lors d’un match de Ligue Europa contre Feyenoord fin septembre. Pas de souci : « La chirurgie s’est bien passée, je ne pense pas que je vais avoir meilleure allure que Brad Pitt, mais, au moins, je peux respirer ! » Son objectif était ailleurs. Pouvoir être sur pied pour défoncer Manchester United un mois plus tard et c’est ce qu’il a fait, en marchant sur Zlatan Ibrahimović pendant toute la rencontre en compagnie de son nouveau pote danois, Simon Kjær. Les premiers mois de Škrtel à Istanbul ressemblent à ça : des images fortes, des sensations, un masque de protection dégagé lors d’un nul pourri contre Alanyaspor à l’Ülker Arena, quelques tensions et, surtout, un début de saison collectif qui inquiète et place Advocaat dans une situation délicate alors que Fenerbahçe est actuellement quatrième de Süper Lig. La période est difficile pour le Fener, mais la dernière victoire contre Galatasaray (2-0) a offert une grosse respiration pour la confiance dans une rencontre où Škrtel a été costaud, même s’il est passé tout près de provoquer un penalty. Martin n’a pas changé, aime toujours jouer avec les limites comme lorsqu’il a planté ses crampons dans la cheville d’Harry Kane début septembre, mais, après un championnat d’Europe de patron, Terminator prouve qu’il a encore quelques baffes à distribuer. Avec rage et avec classe.

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