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Marchand : « En Tunisie, la pression de la rue est énorme »

Propos recueillis par Alexis Billebault
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Revenu au Club africain en décembre dernier, Bertrand Marchand, 64 ans, a résilié son contrat avec les Rouge et Blanc. Le Breton, qui a beaucoup travaillé en Tunisie et qui s’y est fait un nom en remportant notamment la Ligue des champions 2007 avec l’Étoile du Sahel, analyse la situation du football local.

Un peu plus de quatre mois après votre retour au Club africain, que vous aviez entraîné en 2006-2007, votre contrat, qui courait jusqu’au 1er juin prochain, a été résilié à l’amiable. Pourquoi ? Sportivement, la situation était bonne, puisque j’ai laissé l’équipe à la troisième place alors qu’elle était douzième à mon arrivée. Disons que mon départ s’explique par plusieurs raisons. Le Club africain va élire un prochain président à la fin du mois de mai. La direction actuelle me proposait de prolonger, mais sans m’apporter de garanties sportives et financières suffisantes. Le Club africain a des problèmes financiers. Il se dit qu’il aurait cinq millions d’euros de dettes. Plusieurs joueurs ont déposé des dossiers à la FIFA, car on leur doit de l’argent. En juin, il y aura beaucoup de départs, car il y a une dizaine de mecs en fin de contrat. Je ne voulais donc pas m’engager sans savoir où on allait et sans connaître l’identité de la direction.

Hammadi Bousbiaâ, un riche homme d’affaires et ancien président du club (1988-1990 et 1993-1994), a déclaré que vous pourriez être l’entraîneur en 2018-2019…Il est resté proche du club. Il fait partie de ceux qui donnent de l’argent quand il y a des soucis financiers. Il n’a pas l’ambition d’être élu président, mais un de ses proches devrait être candidat. On verra. Mais moi, je suis libre, et si j’ai une offre intéressante ailleurs (l’USM Alger et des clubs du golfe Persique l’ont approché, N.D.L.R.), il faudra que je prenne une décision.

Le football tunisien est marqué par une grande instabilité technique…(Il coupe) C’est en effet un gros problème. Et qui ne concerne pas seulement la Tunisie, mais aussi le Maroc, l’Algérie et l’Égypte. On veut des résultats immédiats. Tu perds deux ou trois matchs de suite et tu as de grandes chances d’être viré. Moi, j’ai gagné la Ligue des champions avec l’Étoile du Sahel en 2007 et la Supercoupe d’Afrique en 2008, j’ai obtenu de bons résultats en Tunisie… Je pense que mon travail y a été apprécié. Pourtant, deux ou trois mauvais résultats suffisent pour que je puisse être remercié. On oublie vite ce que vous avez fait avant. Ici, même l’entraîneur des minimes ou des cadets du Club africain qui perd contre l’Espérance Tunis peut être viré. Ce n’est pas logique. Seulement, il y a la pression de la rue qui est énorme. Les supporters n’acceptent pas la défaite. Et les dirigeants préfèrent changer d’entraîneur deux ou trois fois dans la saison plutôt que de s’inscrire dans une certaine continuité.

Vous aviez quitté la Tunisie fin 2010. Vous y êtes revenu sept ans plus tard. Entre-temps, en janvier 2011, il y a eu une révolution. Quels effets a subis le football local ?J’étais parti sur une dernière expérience au poste de sélectionneur. Le régime alors en place était très autoritaire. D’ailleurs, quand j’étais arrivé en Tunisie en 2006 pour entraîner le Club africain, le gouvernement avait donné son accord. Aujourd’hui, le pays apprend la démocratie. Mais parfois, cette liberté est mal utilisée. On voit des gens qui ne respectent plus rien, qui insultent les forces de l’ordre… Ils croient que tout est permis. En ce qui concerne le foot, c’est un peu pareil. Les clubs, hormis l’Espérance Tunis qui est très solide et est gérée comme une entreprise (le président des Sang et Or, Hamdi Meddeb, dirige le groupe d’agroalimentaire Délice, et est une des plus grosses fortunes de Tunisie, N.D.L.R.), connaissent des difficultés financières plus ou moins importantes parce que les dirigeants manquent de rigueur financière. On fait signer des contrats à 500 000 euros par an à des joueurs qui ne les toucheront pas. Il n’y a pas de DNCG chargée de vérifier les comptes. Résultat, il y a des joueurs qui font grève, car ils ne sont pas payés dans les temps. Ceux du Club africain l’ont fait mardi 24 avril. Cela me rappelle la France des années 1970. À Rennes, on avait fait grève. Aujourd’hui,c’est inimaginable en France.

Certains clubs tunisiens, dont l’Étoile du Sahel, ont une bonne réputation dans le domaine de la formation…Oui, mais le pays produit de moins en moins de joueurs. Ce n’est pas forcément un manque de moyen. Mais on en revient au nœud du problème : l’impatience ! En ce moment, les Tunisiens sont heureux parce que la sélection nationale s’est qualifiée pour la Coupe du monde. C’est vraiment super, mais il faut voir plus loin. Si on ne forme pas, on ne vend pas. Et sans l’argent des transferts, les clubs souffrent. C’est logique. La Tunisie devrait faire attention. Bien sûr, avec la révolution, le foot n’était pas la priorité absolue. Il fallait digérer ce changement de régime. Aujourd’hui, les touristes reviennent, le pays commence à se relever. Mais moi qui suis allé travailler au Maroc, au Raja Casablanca (2011-2012) puis à la Renaissance de Berkane (2015-2016), j’ai pu constater que les clubs se structuraient de plus en plus. Le foot est considéré comme un vecteur social important. Et puis, il y a quelque chose d’extérieur qui menace le football tunisien…

Oui ?L’Arabie saoudite. Le pays autorise désormais que les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 alignent sept étrangers en championnat. L’hiver dernier, plusieurs Tunisiens sont partis là-bas. Et je ne serais pas étonné qu’il y ait un afflux massif l’été prochain. Là-bas, les mecs vont gagner plus en ayant l’assurance d’être payés tous les mois… La Tunisie doit se méfier si elle ne veut pas connaître un creux de plusieurs années. Car cela est arrivé à d’autres pays.

Vous êtes désormais libre. Vous avez été approché par des clubs. Mais pas par des sélections ?Non, et je n’ai pas postulé. Je sais que plusieurs pays, comme le Mali, la Côte d’Ivoire, le Kenya ou le Cameroun cherchent, mais je n’ai pas envoyé de CV, même si je travaille avec des agents. J’avais été approché par la Zambie, il y a deux ans. Cela me plairait de diriger une sélection. Mais en Afrique, surtout subsaharienne, c’est délicat. Et il faut des appuis, car la décision est souvent prise au sommet de l’État. On verra bien dans les prochaines semaines. Je travaille actuellement sur un projet de centre de formation au Sénégal. Car j’estime que les joueurs africains doivent pouvoir bénéficier chez eux d’une vraie formation, avant de partir en Europe. Et ce n’est pas assez le cas…

Propos recueillis par Alexis Billebault

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