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Marcelo Gallardo: « Les Marseillais avaient préparé leur coup »

Propos recueillis par Florent Torchut, à Buenos Aires
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Dans la seconde partie de son entretien, Marcelo Gallardo sort la tête du tunnel pour nous raconter sa version sur la fameuse baston du Vélodrome avec Galtier et compagnie. L'Argentin revient aussi sur la fin de son aventure avec l’AS Monaco, qu’il se verrait bien entraîner un jour.

Pourquoi as-tu choisi de signer à Monaco en 1999 ?À l’époque, il était plus logique de signer en Espagne ou en Italie. C’étaient les destinations phares pour les Argentins. On ne connaissait pas trop les autres championnats. Aujourd’hui, tout est plus médiatisé. On voit des matchs du championnat de France, d’Allemagne, d’Angleterre. Avant non. Mais j’avais envie de vivre une autre expérience. J’ai découvert la France pendant la Coupe du monde 98, avec la sélection, et ça m’avait plu. À Monaco, il y avait David (Trezeguet) et Fabien (Barthez), deux champions du monde, et une vraie ambition de gagner le championnat. Je venais d’une équipe qui avait tout gagné et je voulais continuer à remporter des titres. Je n’ai pas trop réfléchi. Je suis arrivé en pleine maturité, à vingt-trois ans, après avoir joué six ans avec River Plate et quatre en sélection argentine. Personne ne suivait le championnat de France et très peu connaissaient vraiment Monaco en Argentine. Mais tout le monde dans le club m’a aidé à m’adapter, s’est mis à ma disposition pour m’aider à me sentir bien, du président à l’entraîneur, en passant par les joueurs. J’ai passé de très bons moments là-bas, même si je me dis, avec le recul, que j’aurais peut-être dû quitter le club plus tôt. À Monaco, il y a un moment où tu as besoin de changer. Cette ambiance, ce microclimat très spécial t’amène à te relâcher.

D’autant que tu as été champion dès ta première saison…Nous avions un « equipazo » (une grande équipe, ndlr), qui s’est formé match après match. Il y a eu pas mal de changements à l’intersaison. Je suis arrivé au mercato en même temps que le Chilien Pablo Contreras et le Mexicain Rafa Márquez, que personne ne connaissait à l’époque, avec Simone aussi, qui n’avait pas convaincu au PSG après avoir pourtant joué avec le Milan de Sacchi. Je n’ai même pas fait la pré-saison, car je revenais d’une blessure au genou. J’ai commencé à jouer sans m’être entraîné pratiquement. Mais l’équipe était tellement forte qu’après trois ou quatre matchs, la mécanique s’est mise en place, comme si on se connaissait depuis toujours, notamment avec David (Trezeguet) et Marco (Simone), mais aussi avec Giuly sur le côté droit. On se comprenait à la perfection. Il y avait une alchimie particulière. Dans ma carrière, cela ne m’est arrivé qu’à Monaco. On était parfois tellement en confiance que c’était comme entrer sur la pelouse avec deux buts d’avance. Si l’équipe ne s’était pas démantelée, nous aurions pu faire de grandes choses au niveau européen… Surtout quand on regarde ce qu’on fait certains joueurs ensuite : Marquez à Barcelone, Sagnol au Bayern et en sélection, David à la Juve…

En France, on se souvient de toi notamment pour « l’épisode du tunnel » au Vélodrome…
Cette histoire était dans la bouche de tout le monde à l’époque. On était lancés vers le titre et on est allés jouer à Marseille, qui jouait le maintien, dans une ambiance très chaude. Marseille quoi ! T’attendre dans le tunnel à la mi-temps comme ça pour te filer une trempe pareille, c’est quelque chose de très « argentin » finalement. Heureusement j’étais encore habitué (rires), même si je ne m’y attendais pas du tout. Je me suis fait attaquer et ça se voyait qu’ils avaient préparé leur coup.

« Ils » ? Pas seulement Galtier ?
Non, des agents de sécurité aussi ont participé, des joueurs, le staff marseillais, un peu tout le monde. C’est un truc très à nous (Argentins, ndlr) pourtant, ce truc de vouloir « limiter » un joueur par n’importe quel moyen. Je savais que ça allait être un match chaud, mais je m’attendais à des coups sur le terrain… Ils m’attendaient dans le tunnel et ils m’ont attrapé. Les caméras avaient mystérieusement disparues ce jour-là… Aujourd’hui, je le prends avec le sourire, mais ce fut moche. Ils ont bloqué l’entrée du tunnel quelques instants pour que mes coéquipiers ne puissent pas entrer. Ça a duré vingt secondes, mais ça m’a paru éternel. Marseille avait besoin de gagner et ils ont réussi leur coup finalement…

« J’étais une victime dans cette histoire »
Et en plus, tu te fais exclure…J’entre dans le vestiaire et je suis en train de me faire soigner quand on vient me chercher pour que j’aille voir l’arbitre. Je me lève de la civière et quand j’arrive face à lui, il me dit : « Monsieur Gallardo, vous êtes expulsé. » Je n’arrivais pas à y croire. Ensuite, la justice a très bien agi. Galtier a été suspendu plusieurs mois. En tant qu’étranger, on aurait pu m’accuser, mais la justice a compris que j’étais une victime dans cette histoire.

On te reprochait de chambrer tes adversaires, notamment de dire « olé » à chacun de tes dribles réussis…
On m’a toujours qualifié de provocateur. Mais ma seule manière de provoquer, c’était balle au pied. C’est tout. Je n’ai jamais fait ça. Dans mon quartier, on m’a appris que ça ne se faisait pas. Si j’avais fait ça dans mon quartier, là j’aurais vraiment eu peur ! (Rires) Cela fait partie des codes du football des rues, ça ne se fait pas.

Ensuite, en 2003, tu es parti de Monaco à cause de Deschamps ?La première saison avec Deschamps s’est très bien passée. Ce n’est que lors de ma dernière saison que ça s’est compliqué. Il était temps de changer d’air pour moi.

C’est vrai que tu as failli signer à Marseille à ce moment-là ? Avant de revenir à River, Monaco a reçu un fax avec contrat tout prêt pour que je signe avec Marseille. Mais j’avais déjà donné ma parole à River.

Que retiens-tu de ton expérience parisienne ?J’ai toujours su que j’allais jouer là-bas un jour. Cette équipe m’a toujours plu, j’ai toujours apprécié le club et le Parc des Princes, quand j’allais jouer avec Monaco. Chaque fois que j’entrais sur la pelouse du Parc, ça me faisait quelque chose de spécial. Je me disais : « C’est l’endroit idéal pour jouer au football ! » C’est un des plus beaux stades où j’ai joué. Je suis arrivé là-bas à trente et un ans, avec Guy Lacombe comme entraîneur. Le club était dans un moment difficile, je suis arrivé durant le mercato d’hiver, ce qui n’est jamais évident. Un mois et demi plus tard, Lacombe s’est fait virer et Le Guen est arrivé avec des idées plus conservatrices. Le club jouait le maintien. Mon jeu ne lui plaisait pas trop et, en plus, j’ai connu une série de blessures. Ensuite, il avait son équipe et quoi que je fasse, je savais que je ne jouerais plus. Je suis donc parti aux États-Unis, jouer au DC United.

Quels souvenirs gardes-tu de la sélection ?C’est l’objectif numéro un quand tu commences à jouer. J’ai été appelé en sélection de jeunes, puis en A à dix-huit ans, j’ai disputé deux Coupes du monde. Malheureusement, j’ai joué ces deux Mondiaux alors que je revenais de blessure et j’en garde un souvenir un peu amer. Je n’étais pas dans les meilleures conditions, physiquement parlant. Tout ce que Dieu m’a donné d’un côté, il me l’a repris d’un point de vue physique. Ma carrière a été jalonnée de blessures, à des moments clés.

Le match Argentine-Angleterre à Saint-Étienne reste dans toutes les mémoires…Jouer un Argentine-Angleterre en Coupe du monde, c’est spécial. Ça s’est fini aux tirs au but. J’en ai tiré un. J’ai toujours été chargé de tirer les penalties, à River comme en sélection. Imagine, à dix-huit, dix-neuf ans, j’étais chargé de tirer les penalties en sélection, alors qu’il y avait Batistuta, Balbo, Ayala, Veron… Si j’avais eu conscience de ce qui se jouait, de tous ces gens derrière leur télé, de ces trente-cinq millions de personnes qui espèrent que tu ne rates pas, je ne l’aurais jamais mis. Le gardien me paraissait gigantesque et le but pas plus grand qu’un téléviseur justement…

As-tu toujours voulu devenir entraîneur ?Cela faisait un moment que l’idée murissait dans ma tête. Quand j’ai arrêté de jouer avec Nacional de Montevideo, les dirigeants m’ont donné l’opportunité d’entraîner ce club avec une grande histoire nationale et internationale. Ce fut une belle aventure. Je n’ai pas regretté de ne pas avoir fait de break, car nous avons été champions dès ma première saison.

« J’ai un lien spécial avec Monaco »
Tout s’est enchaîné très vite, tu ne sentais pas des fourmis dans les jambes sur le banc ?(Rires) Sincèrement, non. Le déclic s’est fait rapidement quand j’ai arrêté de jouer pour devenir entraîneur. J’ai donné tout ce que j’ai pu donner comme footballeur, je n’ai rien gardé. Je n’ai pas ressenti le besoin d’entrer de nouveau sur la pelouse, ça ne m’a pas traversé l’esprit. Je n’ai pas vraiment eu le temps de trop penser à tout ça…

En 2012, ton nom a été évoqué du côté de Monaco. Le club t’a contacté ?Des gens du club sont venus prendre la température disons, mais rien de concret. Je venais juste d’arrêter de jouer à ce moment-là. Ce fut juste une prise de contact, rien de plus. Ils voulaient seulement savoir ce que je devenais et quels étaient mes projets. Mais je ne peux pas te donner les noms.

Tu aimerais entraîner Monaco un jour ?Oui, évidemment. C’est un objectif, pour « demain » . Je veux accumuler de l’expérience sur le banc en Amérique du Sud avant de sauter le pas en Europe. Et pourquoi pas dans le championnat de France, où j’ai joué plusieurs années. Forcément, j’ai un lien spécial avec Monaco, pour tout ce que le club m’a apporté. Une relation particulière s’est créée – au-delà des personnes qui y sont – avec le club et ses supporters, qui m’ont toujours traité avec respect et affection. J’en garde des bons souvenirs.

Propos recueillis par Florent Torchut, à Buenos Aires

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