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Mais pourquoi la France soutient toujours les gentils amateurs?

Par Paul Piquard
Mais pourquoi la France soutient toujours les gentils amateurs?

Tous les ans, c’est la même rengaine. Passé les 32e de finale, la France entière se met à rêver d’un exploit du « Petit Poucet », qui vient à bout, au terme d’un match héroïque, du grand méchant pro. « La magie de la Coupe de France » opère, Christophe Bureau sur Eurosport s’en donne à cœur-joie, glorifiant ces vedettes d’un soir ayant réussi à déjouer tous les pronostics. Mais pourquoi la France aime autant voir triompher les anti-héros ?

La Coupe de France, c’est beau comme un reportage dans le 13h de Jean-Pierre Pernaut. Une belle histoire vue et revue, un marronnier avec son stoppeur postier, son attaquant employé municipal ou son gardien chauffeur-livreur qui défient des professionnels forcément trop bien payés, forcément coupés du peuple. Révolutionnaire dans l’âme, la France aime voir des têtes tomber et les sans-culottes triompher. « C’est un truc très français. On aime bien les belles histoires, on défend toujours le plus faible » , approuve Steve Marlet, qui a terminé sa carrière en amateur, à Aubervilliers et au Red Star après 15 ans de professionnalisme. Jean-Luc Vannuchi, actuel entraîneur du FC Martigues, pensionnaire de CFA, partage son constat : « En France, on a envie de voir les petites équipes bouleverser la hiérarchie. C’est le phénomène David contre Goliath, le plus petit contre le plus grand. »

Une spécialité française

Comme s’il existait une frontière de verre entre les gentils amateurs et les méchants pros. Les premiers seraient ainsi protégés des dérives d’un football où l’argent salirait tout. Protégés et séparés, comme si aucune passerelle n’existait. « Les deux mondes n’ont rien à voir, assure Vannuchi. Financièrement, médiatiquement et sportivement, ce sont deux mondes à part. La rencontre du monde amateur et professionnel, cela se passe uniquement en Coupe de France. C’est le monde de l’argent contre le monde de la débrouille. » De débrouille et de valeurs. « On a envie de voir gagner une équipe qui a d’autres valeurs. C’est assez français, oui » , développe Marlet. En Italie et en Espagne, par exemple, le format de la compétition en match aller-retour interdit presque de voir un Quevilly ou un Calais local s’inviter en finale. Même l’Angleterre – où la Cup réserve souvent son lot de surprises – ne verse pas autant dans ce qui ressemble à une certaine forme de populisme. Steve Marlet a pu le constater lors de son passage à Fulham : « Je n’ai pas souvenir d’un tel engouement en Angleterre. Ce n’était pas pareil, les commentateurs ne favorisaient jamais les plus petits » . Pour le supporter d’un club de Ligue 1, il vaut mieux couper le son quand on suit une rencontre de son équipe face à « un petit » sur Eurosport ou France Télévision. Marlet ne voit pas pour autant le mal à cette tradition très française : « C’est bien de mettre en lumière, de temps en temps, des amateurs. Croix-Lille par exemple, c’est exceptionnel. Les mecs supportent pratiquement tous le LOSC et se retrouvent à jouer contre eux. C’est une histoire un peu folle qui fait rêver le public. »

Ribéry a été amateur

Ce que le téléspectateur du JT de Pernaut et les abonnés d’Eurosport oublient ou ne voient pas, c’est que certains de ces amateurs ne sont pas si éloignés que ça du monde professionnel. « On arrive à avoir des équipes de CFA d’un très bon niveau. La plupart de ces joueurs sont issus aujourd’hui du monde professionnel » , rappelle Vannuchi. Steve Marlet étaye. « Beaucoup de joueurs qui sont dans des clubs amateurs structurés sont issus de centres de formation de clubs pros. » Pour caricaturer et être un peu méchant, un amateur serait d’abord un professionnel qui aurait échoué. Franck Ribéry n’a-t-il pas été recalé du centre de formation de Lille avant de relancer sa carrière chez les amateurs du côté d’Alès et de Brest. Ribéry, l’un des hommes de Knysna, le fiasco d’un football français coupé des réalités. Souvent formés ensemble, professionnels et amateurs auraient certaines habitudes en commun, bonnes, mais surtout mauvaises. Excès d’engagement, mais aussi intimidation du corps arbitral, le football amateur n’a rien non plus du monde parfait selon Steve Marlet. « C’est vrai que dans certaines petites divisions, niveau amateur, il n’y a souvent qu’un officiel. Ce sont des matchs un peu moins encadrés, et là on peut voir un peu plus d’intimidation. » Si supporter les « petits » fait partie du folklore de la Coupe, pourquoi s’obstiner à les faire passer pour ce qu’ils ne sont pas ? David n’a pas tué Goliath avec des fleurs, il l’a décapité.

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