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Lyon : si loin, si proche

Par Mathieu Rollinger, à Lyon
Lyon : si loin, si proche

S'il a à peine rougi par moment, l'Olympique lyonnais ne s'est pas dégonflé face au Barça. Mais il n'a pas non plus réussi à atteindre son objectif : secouer les Catalans. Pour espérer passer au tour suivant, un match nul et vierge pourrait s'avérer insuffisant avant le retour. Parce que Lyon n'a pas davantage et ne se trouve pas au pied du mur, comme il peut tant l'adorer.

Dans les coursives du Groupama Stadium, après 90 minutes de tension, Bruno Genesio ne savait plus s’il devait sourire ou froncer les sourcils. Son équipe venait alors de « tenir tête au grand Barça » , ce 0-0 « reste un résultat satisfaisant qui(lui) laisse (ses) chances pour le retour » , certes, mais il y a malgré tout un arrière-goût d’inachevé. L’OL pouvait « espérer mieux » .

« Il y a de la frustration. Nous avons eu des situations en première période et, après la mi-temps, nous avons souffert et subi, récapitulait le coach. Nous n’avons pas pu sortir le ballon comme nous le voulions. Nous avons concédé, à mon goût, trop d’occasions et nous avons laissé beaucoup de forces dans la récupération du ballon. » À l’écouter, ce Lyon-Barça « round 1 » a tout du rendez-vous manqué. Un ascenseur émotionnel légitime, tant les Gones ont cru que l’histoire avec un grand A pouvait commencer ce mardi soir.

Sortir le grand jeu

Quelques heures plus tôt, le costard sortait du pressing, les chaussures étaient cirées, le torse bombé. Pour une première soirée de phase finale européenne dans sa magnifique enceinte, l’Olympique lyonnais avait très peu de certitudes quant à l’issue de ce tête-à-tête avec le Barça, supposé inaccessible, malgré des dernières sorties étonnantes. Mais de cette rencontre, toute une ville attendait d’être étreinte. Un indicateur fiable : rares sont les fois où l’on compte plus de flâneurs discutant de leur équipe de foot ou arborant le maillot olympien, que de recruteurs de dons à dreadlocks dans la rue de la République. Et même les plus fidèles se laissaient volontiers embarquer. Comme Thibault, supporter s’apprêtant à venir grossir les rangs des Bad Gones et dissertant entre deux arrêts de tram : « Il faudra un exploit, mais c’est le genre de choses qui sont dans nos cordes. » Le tifo géant — et peu lisible — a eu le mérite de le clamer : les 58 000 personnes présentes n’attendaient qu’à être emballées.

Pour Bruno Genesio, l’objectif était clair : capitaliser sur les derniers coups d’éclat. Puisque ses gars avaient su être si séduisants face à Manchester City ou le PSG, ils pouvaient repartir ce mardi avec le gros lot. Comme s’il n’y avait qu’à sourire de son plus beau Maxwel Cornet ou sortir un Dembélé imparable pour que le charme opère. Même les lacunes évidentes avaient pu être camouflées, puisque l’absence de Nabil Fekir était autant regrettée qu’assumée, considérée comme une carte que l’on garderait dans sa manche pour un second rendez-vous, alors que les claudicants Denayer, Ndombele et Mendy ont été recollés en urgence pour sauver les apparences. Bref, Lyon avait mis les grandes fleurs dans les petits pots, et se voyait bien devenir le tombeur de ces grands d’Europe. Pourtant, la belle catalane n’est pas tombée dans le jeu du baratineur lyonnais, et lui a posé un stop aussi poli que ferme. Et c’est tout un stade qui est finalement rentré la queue entre les jambes, en espérant bénéficier d’une seconde chance dans trois semaines, dans les appartements blaugrana.

À contrecœur

Après une petite nuit de réflexion, les Lyonnais pourront faire une auto-critique de leur soirée. Dans la colonne satisfaction, celle de voir qu’il y avait onze morts de faim, les états de forme se lissant devant l’enjeu. Il n’y avait qu’à voir l’agressivité de Léo Dubois pour envoyer Luis Suárez au tapis pour finir de s’en convaincre. Également quelques éclairs d’audace, Tanguy Ndombele virevoltant sur chacune de ses sorties de balles, toujours à la limite du « trop » , mais terriblement efficace pour relancer la machine ou encore Martin Terrier n’hésitant pas à tenter sa chance à la moindre incursion dans le camp adverse. Aussi une vraie lucidité, incarnée par la prestation magistrale de Jason Denayer dans la lecture de jeu et dans le positionnement, et de la ténacité, rendue possible par un Anthony Lopes infranchissable et directement décisif.

Sauf que le diable est dans les détails. Plus les minutes passaient et plus les joueurs qui se distinguaient étaient des éléments défensifs. Au détriment des artistes censés mettre le feu devant la cage de Ter Stegen, mais qui se sont progressivement effacés. Ainsi, Houssem Aouar a été trop préoccupé par son job de garde du corps de Lionel Messi, au point qu’il en a oublié de créer. « Nous aurions pu faire mieux, corrobore Genesio concernant le plan anti-Messi. Nous avons été un peu trop passifs autour du porteur du ballon et, du coup, ils ont réussi à le trouver parfois. J’aurais aimé qu’on presse plus. Parfois, on prévoit de faire des choses et l’adversaire ne nous permet pas de le faire. » Les risques du métier. Lyon promettait la furie, il a finalement joué à contre-nature. Et ce, jusqu’à passer les dernières minutes à défendre un 0-0, score qu’il n’avait plus connu depuis… le 19 novembre 2017, face à Montpellier, un expert du 0-0.

0-0, le pire des résultats ?

Mais au-delà des performances individuelles, ce résultat et le contenu du match posent un problème : le Barça a compris qu’il ne lui a manqué qu’un brin de réalisme pour renverser un OL trop inoffensif. Autrement dit, au Camp Nou, ça pourrait être du tout cuit. À l’inverse, psychologiquement, les Lyonnais pourraient estimer que ne pas avoir craqué est un motif de satisfaction et que tout reste possible au retour. Mais vu la tournure des événements, il aurait presque mieux valu terminer cette rencontre avec un but de retard, car Lyon n’aurait eu aucune question à se poser en Catalogne. C’est peu ou prou ce qui disait Ben Arfa. Le danger est justement de penser avoir pu regarder une grande équipe droit dans les yeux et d’avoir fait le plus gros du boulot. Un exemple du passé pourrait permettre de s’en rendre compte : la dernière fois que Lyon a concédé un 0-0 dans un tour éliminatoire de Ligue des champions, c’était en 2006, pour un quart de finale contre l’AC Milan. Une solide performance en soi, face au finaliste en titre de l’époque. Au retour : l’OL s’était fait sortir sans aucune pitié sur un doublé d’Inzaghi et un dernier pion de Shevchenko… L’espoir peut être si cruel.

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