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Lyon, entre rogne et Saône

Par Mathieu Rollinger
Lyon, entre rogne et Saône

À l'aube d'un huitième de finale face à la Juve et d'un mois crucial pour l'Olympique lyonnais, certains supporters ont exprimé leur exaspération face à l'attitude du club sur et en dehors du terrain. Des revendications légitimes, touchant dans sa chair l'équipe dirigeante, mais qui risquent d'accentuer la pression sur les épaules d'un groupe qui la supporte très mal jusqu'ici.

Les sociologues et politologues pourront s’accorder là-dessus : la bonne santé d’une société se mesure à sa vitalité démocratique. De ce point de vue, les derniers jours ont prouvé que tout allait bien dans le micro-état lyonnais. « On est un club démocratique » , devise Juninho dans les colonnes du Progrès lundi, et tant pis si le souverain n’est pas élu au suffrage universel. En effet, les débats sont bel et bien ouverts entre une partie des supporters de l’OL et leur direction. On y dialogue avec autant de courtoisie que de véhémence, comme on pourrait le faire dans un repas de famille. Sauf qu’ici, portes et fenêtres sont laissées grandes ouvertes à l’indiscrétion du monde extérieur. Et dans cette ambiance de crise, chaque communiqué, banderole, interview ou tweet sont autant de courants d’air censés aérer et assainir un club qui semble manquer d’oxygène cette saison.

Dimanche, ce sont les Bad Gones et le Kop Virage Nord qui interpellaient Jean-Michel Aulas, fumigènes et bâche à l’appui. « Méthode Coué, valeurs et identités envolées, supporters baladés… Président, où est passé notre OL ? » Dans leur lettre ouverte adressée au patron lyonnais, ils reconnaissent que l’entité OL a réussi son pari sur le plan financier, et ce sans « être assujetti à un magnat quelconque, étranger à [leur]ville et son identité, ou de se retrouver sous la tutelle d’un état voyou pour qui le football n’est qu’une vitrine servant ses propres intérêts. » Mais tout a un prix et, dans ce cas, ce sont les attitudes sur et autour d’un terrain qui exaspèrent. « Où est passée notre haine de la défaite ? Notre rage de vaincre et de voir briller les couleurs de l’OL ? Si on se fie aux différents discours publics du club, notamment les vôtres, il semble que ces valeurs nous ont abandonnés… » Tout cela ne fait que développer une même idée : l’Olympique lyonnais est en quête d’identité dans un environnement sportif et économique en pleine mutation, et ses supporters estiment que seules les valeurs qui ont fait la réussite passée du club rhodanien lui permettront de retrouver sa place dans les classements et dans les cœurs.

« Ni méchants ni voyous »

Que le cahier de doléances du peuple lyonnais puisse atterrir sur le bureau des décideurs est forcément une bonne chose. Surtout que ce n’est pas une nouveauté à Lyon. « Les supporters ont toujours été exigeants ici, explique Juninho à L’Équipe. L’année qui a suivi notre septième titre (2008), quand on a été dépassés par Bordeaux, le Kop Virage Nord était venu aussi nous dire ce qu’il pensait. Ce sont des caractéristiques lyonnaises, certains supporters ont plus de patience. » Alors oui, les griefs peuvent être nombreux dans une saison tumultueuse où le contenu proposé sur le terrain est loin d’être excitant. Mais ce qui a étonné la chefferie lyonnaise est le timing choisi par les supporters. « D’un côté, je peux comprendre leur insatisfaction, car nos résultats et notre classement en championnat ne correspondent pas à ce que l’on souhaite, mais on vient de gagner à Metz juste avant un match très important face à la Juve, développe le directeur sportif dans Le Progrès. Ce n’était pas le moment idéal. »

Ajoutez à cela un derby dimanche prochain et un mois de mars déterminant (une demi-finale de Coupe de France contre Paris, un déplacement à Lille et la réception de Reims), l’électrochoc voulu pourrait faire l’effet inverse et pousser les joueurs à se recroqueviller sur eux-mêmes. « On a beaucoup de mal à gagner des matchs à la maison, on est je crois la 18e équipe à domicile. Les adversaires viennent, sont contents de jouer dans un beau stade, et savent que nos joueurs ont la pression, continue Juni.On a une équipe très irrégulière, mais on n’a ni méchants ni voyous dans l’effectif. Ils ont 24, 25 ans en moyenne, n’ont pas gagné beaucoup de titres, et manquent un peu de la culture qui a existé à l’OL quand j’y ai joué. » Le serpent se mord la queue.

« Société Kleenex »

Alors que faire ? Écouter religieusement l’exécutif qui préfère souligner dans son communiqué que l’OL est « toujours en course dans toutes les compétitions dans lesquelles il est engagé » et que, « grâce à une gestion économique et financière de grande qualité » , le club garde ses ambitions après avoir « investi près de 50 millions d’euros lors du mercato d’hiver » ? Se cacher derrière les excuses de mauvais casting en début de saison ou « les blessures exceptionnelles en cascade dont le club a été victime » ? Se résigner et penser que cette période de vache maigre ne sera que le début d’un nouveau cycle fructueux ?

Peut-être faut-il pour cette fois s’en tenir à la réflexion de Rudi Garcia dans L’Équipe, quand il est question des critiques dont il fait l’objet : « Dans une société Kleenex, il faut relativiser. » Comprendre : laisser les acteurs prendre leurs responsabilités lors des échéances à venir et demander des comptes ensuite. Dans un club où on a coupé la tête d’un Sylvinho après onze petits matchs officiels, et où on fête une qualification pour les huitièmes de finale de la Ligue des champions avec des frictions avec les supporters, il serait l’heure de laisser les heureux élus aller au bout de leur mandat avant de tirer un bilan définitif. L’Olympique lyonnais n’est qu’à 7 points d’un podium de Ligue 1, a les moyens de décrocher une voire deux coupes nationales et peut très bien rappeler à tout le monde qu’il est capable d’exploits sur la scène européenne. Et si ces missions peuvent être menées à terme, il sera peut-être temps pour les supporters lyonnais d’ajouter une pincée de patience à leur ADN.

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