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L’unique épopée de la Coupe d’Italie
En 1983-84, un club de troisième division italienne atteint pour la seule et unique fois les demi-finales de la Coupe nationale. C’était la surprenante équipe de Bari, capable de sortir indemne de trois affrontements contre la Juve de Platini et consorts.
« Honnêtement, la coupe avait à peu près la même importance qu’aujourd’hui. Disons que pour une équipe de Serie C1, affronter des clubs de l’élite lors du premier tour estival était un petit événement, mais seule la finale avait vraiment un intérêt » , confie Alberto Cavasin, une belle carrière de coach dans les années 2000, mais surtout un honnête défenseur vingt ans plus tôt. Bari reste alors sur une cuisante relégation au troisième échelon italien et a autre chose à penser que cette compétition dont elle est l’un des petits poucets. L’objectif est donc une remontée immédiate, mais, comme le dit l’adage, l’appétit vient en mangeant…
Juventus-Bari acte I
À l’époque, c’est une tradition, la première phase de la coupe nationale ouvre la saison au mois d’août. 8 poules de 6, les clubs de Serie A, B et quelques-uns de Serie C1 : « On débute contre Taranto qui était dans notre division. On s’impose 1-0 là-bas en toute fin de rencontre, c’est un derby très important dans les Pouilles, et c’était la meilleure façon d’entamer l’aventure. » Trois jours plus tard, c’est une autre paire de manches, Bari a rendez-vous avec la Juventus, récente finaliste de la Coupe d’Europe des clubs champions et possédant cinq champions du monde italiens dans son effectif : « Et n’allez pas croire que Trapattoni a effectué un turn-over, ça n’existait pas. Il y avait les titulaires indiscutables et quelques remplaçants, rien de plus. » Du suspense, cette épopée n’en manque pas, tout se joue sur le fil, et à la 85e minute, Bari mène encore 2-0 grâce à un doublé de Messina : « Plus les minutes passent, plus la vraie valeur des équipes ressort. On a laissé le jeu à notre adversaire et on a réussi à capitaliser au mieux nos occasions, mais bon, Cabrini, qui était intenable, réduit la marque et Platini égalise dans les arrêts de jeu sur coup franc. Maintenant, on n’a pas fait la fine bouche, ça restait un super résultat. » Restent trois rencontres pour autant de 0-0 face à un autre club de Serie A (la Lazio) et deux de B (Perugia et Catanzaro), Bari se qualifie ainsi pour les 8es de finale en compagnie des Bianconeri.
Juventus-Bari, actes II et III
Nous sommes en février, six mois ont passé, et les « Galletti » sont dans les temps pour la remontée en Serie B : « La Coupe restait secondaire, d’autant que le tirage au sort nous offre un nouvel affrontement contre la Juve, en aller-retour cette fois. Si on avait dû choisir, on aurait tout de même voulu cet adversaire, car cela restait la plus belle affiche, et puis, tant qu’à être éliminé, autant que ce soit par la meilleure équipe. » Une Vieille Dame en tête du championnat et toujours en course en Coupe des coupes : « À l’aller à Turin, il devait y avoir 10 000 spectateurs à tout casser, c’est une rencontre qui a suscité peu d’intérêt, le public n’a même pas contesté son équipe après la défaite, car il était convaincu que les choses seraient rentrées dans l’ordre retour. » Car Bari sort vainqueur de cette première manche, l’inévitable Messina ouvre la marque, Scirea égalise et, dans une dernière offensive, le capitaine Lopez bat Tacconi : « Au retour, le stade était plein dès le matin avec beaucoup deJuventinivenus des régions voisines. C’était un mercredi, à 15h, grand soleil. J’étais au marquage de Paolo Rossi, Ballon d’or six mois plus tôt. Un gars qui m’a souvent réussi, il n’a jamais planté avec moi ! »
La Juve compte bien prendre sa revanche : « Ils ont abordé cette rencontre comme si c’était une finale, sans nous sous-estimer. » Mais Bari est sur un nuage et ne se contente pas de défendre. À la 22e minute, Coccovillo est bousculé par Gentile dans la surface, penalty ! Messina le transforme, 1-0, score à la pause. Les Bianconeri gardent le cap, Platini, puis Tardelli de la tête renversent le score. Et alors qu’on se dirige vers la prolongation, Toto Lopez a encore les forces de s’aventurer dans la surface adverse. Surpris, Scirea le fauche ! « Moi, je dis chapeau à l’arbitre, il faut avoir de la personnalité pour siffler deux penaltys en faveur d’une équipe de Serie C1 contre la Juventus, dont le second dans les arrêts de jeu. » Le capitaine se fait justice lui-même et transforme, 2-2, coup de sifflet final, Bari l’a fait : « Aujourd’hui encore, je me souviens de la fatigue, je n’avais même pas la force de prier pour que la rencontre se termine. Le président Mattarese nous avait déjà offert une plaque commémorative pour la victoire à l’aller, là on a eu une belle prime de match. » Rendez-vous en juin pour la suite de l’aventure.
La Fiorentina tombe aussi
Le championnat est terminé depuis quatre jours, et Bari a validé son ticket pour le retour en Serie B. Avec l’exploit du tour précédent, les Biancorossi sont déjà entrés dans l’histoire et pourraient s’en contenter, d’autant qu’un autre client se présente en quarts, la Fiorentina qui vient de se classer 3e parmi l’élite : « Ils ont voulu durcir le match pour nous impressionner, ça donnait des coups, notamment Passarella, mais ce fut une grosse erreur, puisque ce climat guerrier n’a fait que galvaniser notre public. Ce n’était pas encore le stade San Nicola, une véritable cathédrale dans le désert, Bari évoluait alors au Della Vittoria, un chaudron de 40 000 personnes sans piste d’athlétisme. LaViolaa perdu son assurance et sa lucidité. » C’est une double victoire sur le score de 2-1. Pas le temps d’en profiter, les matchs s’enchaînant tous les trois jours : « Ça devenait compliqué physiquement, contre le Hellas, en demies, on était cuits. Je suis persuadé qu’on les aurait battus si on les avait affrontés plus tôt dans la saison. » Cette fois, le verdict est sans appel, revers 2-1 à la maison et 3-1 au Bentegodi face à une équipe championne d’Italie la saison suivante.
Les protagonistes s’appellent Antonio Lopez capitaine et meneur de jeu, Luciano Sola infatigable ratisseur, l’ancien portier international Paolo Conti, et surtout un Gabriele Messina en état de grâce : « Un attaquant parfait pour les catégories inférieures, c’était le Higuaín de la Serie C, il s’exaltait quand l’intensité montait de plusieurs crans. » Ces héros sont guidés par Bruno Bolchi : « Notre maestro, notre point de repère qui a eu la jugeote de ne pas sortir des tactiques alambiquées. Il a toujours été cohérent dans ses choix. » Un exploit qui ne restera pas isolé. Un an plus tard, ce groupe à peine retouché s’offre une nouvelle promotion, cette fois en Serie A. L’appétit vient en mangeant, qu’on vous dit.
Par Valentin Pauluzzi