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Ludovic Ajorque : « J'ai lâché une petite larme en partant de Strasbourg »
Transféré cet hiver à Mayence après quatre ans et demi à Strasbourg, Ludovic Ajorque renaît en Bundesliga. Auteur de six buts en quinze matchs, dont un pion contre le Bayern, le Réunionnais revient pour So Foot sur son départ d'Alsace, son profil tant recherché en Allemagne et son adaptation express sur la rive du Rhin.
On dit que Mayence ressemble beaucoup à Strasbourg, notamment avec sa cathédrale et ses maisons à colombages. Ça va, tu n’es pas trop dépaysé ?
Non, Mayence, c’est une petite ville tranquille. Ce n’est pas aussi grand que Strasbourg, mais je m’y plais bien. Puis au niveau du temps, c’est quasiment pareil, donc pas de soucis pour s’adapter, c’est que deux heures de route de plus. (Rires).
Tu étais censé partir de Strasbourg l’été dernier. Finalement, tu as été transféré cet hiver. Est-ce que tu peux revenir sur ce faux départ ?
J’avais des contacts dès l’été dernier avec d’autres clubs, mais cela ne s’est pas fait parce qu’il n’y a pas eu d’accord sur le montant du transfert avec Strasbourg. Pour moi, partir lors du mercato estival, c’était le meilleur moment. C’était la fin d’un cycle. Finalement, ça s’est fait six mois après. Aujourd’hui, je suis très heureux d’être à Mayence.
Si Strasbourg descend en Ligue 2, tu regretteras de ne pas être resté pour sauver le club ?
Je ne pense même pas à une relégation. Pour moi, ils vont s’en sortir. Ils ont une belle équipe, un coach d’expérience. Contre Lyon, ça s’est joué sur quelques détails, mais ils sont sur une bonne dynamique. Je les vois rester en Ligue 1. J’ai eu quelques regrets parce que j’aurais préféré partir dans de meilleures conditions. C’est pour ça que cet été aurait été mieux, mais dans le foot, on ne décide de rien finalement. Honnêtement, je pensais finir cette saison à Strasbourg et donner le maximum, mais une belle opportunité s’est présentée à moi pour découvrir le championnat d’Allemagne avec Mayence. Je n’ai pas hésité et Strasbourg non plus, ils ont laissé la porte ouverte. C’était le bon moment de mettre un terme à cette collaboration, même si ça a été très difficile pour moi de quitter ce club avec qui j’ai découvert beaucoup de choses. Je n’en ai encore jamais parlé, mais j’ai même lâché une petite larme en partant parce que je quittais des gens que j’appréciais beaucoup. Mais il faut savoir prendre des risques.
Quand tu as débarqué à Mayence, as-tu réalisé ce qui t’arrivait ?
Tout s’est passé tellement vite ! J’ai eu des contacts et six jours après, j’étais ici. Je n’ai pas eu le temps de réfléchir à ce qu’il m’arrivait. J’ai fait une visite médicale express, un entraînement le soir, et le lendemain, j’étais dans le groupe pour Dortmund. C’est après l’enchaînement de plusieurs matchs que j’ai enfin pu réaliser.
Tu as retrouvé Anthony Caci, ton ancien coéquipier à Strasbourg. Quel rôle a-t-il joué dans ton intégration ?
Avant de venir, j’avais déjà pris contact avec lui pour savoir à quoi ressemblait Mayence, comment le club jouait. J’ai joué quatre ans avec lui à Strasbourg, donc quand tu arrives dans un nouveau club, tu es tout de suite plus à l’aise quand tu connais quelqu’un. Aujourd’hui, on habite dans le même immeuble, donc c’est encore plus facile. C’est un repère, tout comme Nejmeddin Daghfous (le team manager de Mayence, francophone car d’origine tunisienne) qui m’a beaucoup aidé depuis mon arrivée ici, que ce soit dans ma vie privée ou professionnelle.
C’est vrai que tu as récupéré l’appartement d’Angelo Fulgini ?
Oui, c’est ça. (Rires.) Ici, c’était compliqué de trouver quelque chose, surtout pour une famille avec un enfant. Quand Angelo est parti, il m’a fait visiter son appartement. Je n’ai pas hésité vu que c’est bien placé, je suis en plein cœur du centre-ville.
Tu as déjà commencé à apprendre l’allemand ?
Bien sûr, je prends déjà des cours. Je trouve que c’est important. Apprendre la langue, c’est respecter le pays. J’ai envie d’essayer de rapidement pouvoir parler avec les locaux. Bon, je ne sais pas combien de temps ça va mettre, parce que l’allemand c’est vraiment difficile, mais j’ai hâte d’échanger avec eux.
Depuis ton arrivée en Allemagne, tu vis une petite renaissance…
J’ai eu une demi-saison compliquée avec Strasbourg (1 but en 13 matchs, NDLR). Parfois je ne jouais pas, j’étais blessé… J’avais besoin de ça. De changer, de prouver que je pouvais jouer à l’étranger, dans un autre club. Ce qui m’a grandement aidé, c’est que je savais exactement ce que l’on attendait de moi ici. Je savais ce que je devais faire pour être performant. Si mon intégration a été rapide, c’est surtout grâce à l’accueil que l’on m’a réservé.
Tu voulais absolument découvrir la Bundesliga, tu as été servi en jouant contre le Borussia le lendemain de ta signature. Quelles sont tes impressions pour le moment ?
C’est un très bon championnat, physique, intense avec beaucoup de duels. C’est différent de la Ligue 1, où certaines équipes ont la possession et jouent très bas. Ici, c’est tout pour l’attaque, il y a toujours cinq ou six joueurs dans la surface, c’est un peu désordonné. Il y a plus de jeu long, direct, mais c’est beaucoup plus intense. Par exemple, au niveau de l’arbitrage, avant de prendre un ballon de la tête, il faut se battre avec son adversaire au sol. En France, l’arbitre aurait déjà sifflé. C’est un autre football.
À t’entendre parler, on a l’impression que la Bundesliga te correspond totalement…
Si on regarde bien, toutes les équipes allemandes ont un joueur de mon profil. À Mayence, il manquait un grand justement. C’est un championnat où il y a toujours beaucoup de buts, c’est une des raisons qui m’ont motivé à découvrir la Bundesliga.
Peux-tu nous décrire l’ambiance de la Mewa Arena ?
Il y a toujours de très belles ambiances, c’est quasiment toujours plein. La Mewa Arena, ça ressemble beaucoup à la Meinau. C’est même un peu plus grand avec sa capacité de 33 000 personnes. En vrai, je ne suis pas dépaysé : la culture allemande, je l’avais déjà à Strasbourg.
Quite the atmosphere@Mainz05en v @FCBayernEN 📍 MEWA Arena pic.twitter.com/YUiF2RPiU0
— Kenny Smith 🌻 (@kennsysmith) April 22, 2023
Avec tes 6 buts, tu as le meilleur total des recrues hivernales en Bundesliga. Est-ce que tu t’attendais à ce que ça marche aussi vite, aussi fort ?
Je ne pensais pas m’adapter aussi rapidement. Après, je voulais donner le meilleur de moi-même parce que je n’ai pas aimé mes six derniers mois. Je sais que je pouvais faire mieux avec Strasbourg, mais la vie est faite comme ça. Je n’ai pas pu montrer mes qualités, mais quand je suis arrivé ici, j’ai essayé de balayer ce que j’avais moins bien fait lors des derniers matchs, de me dire que j’avais un nouveau défi devant moi. Mon but, c’était d’être dedans le plus rapidement possible.
En parlant de buts, tu as une célébration assez atypique. Tu peux nous l’expliquer ?
Quand je marque, je fais deux L avec mes mains que je colle à mon visage. C’est un petit clin d’œil pour mon fils, Lenny.
La confiance de ton entraîneur Bo Svensson a joué un rôle important aussi ?
Clairement, c’est ce qui me manquait à Strasbourg. Contrairement aux quatre dernières années, je sentais un peu moins cette confiance. Je suis un joueur qui marche à l’affect, j’ai besoin qu’on me montre que l’on est content de moi. Dès que je ne sens plus ça… C’est un peu un truc de Réunionnais, Dimitri Payet en a déjà parlé aussi, on est très famille, donc on a besoin d’avoir le soutien de tout le monde pour être performant. Quand je suis arrivé, on me l’a accordé, donc tout de suite, c’était plus facile sur le terrain.
Avec Mayence, vous êtes en plein dans la course à l’Europe. Tu as déjà pu goûter avec Strasbourg aux qualifications pour la Ligue Europa. Pour toi, accrocher la Ligue Europa Conférence, ça serait un accomplissement ?
Un accomplissement, on ne peut pas dire ça, mais j’ai envie de rejouer la coupe d’Europe. Même si je n’ai joué que les barrages pour la Ligue Europa avec le Racing, c’était déjà de belles ambiances, de beaux matchs. Forcément, tu veux y regoûter. À Mayence, on n’est pas attendu pour ça, mais bien sûr que si on peut gratter quelque chose, on va le faire.
La Bundesliga, c’est un championnat où tu penses poser tes valises pour longtemps ?
Je ne suis là que depuis cinq mois, mais franchement, c’est un vrai kif. Je m’y vois pendant un petit moment, même si dans le foot, on ne sait jamais.
Tu es revenu récemment sur la difficulté de sortir de La Réunion et de devenir un joueur professionnel. Aujourd’hui, quand tu regardes le parcours que tu as effectué, qu’est-ce que tu te dis ?
Que c’était très dur comme parcours. C’est pour ça que l’on ne voit pas beaucoup de Réunionnais dans des clubs pros, parce que c’est difficile, même s’il y a de plus en plus de recruteurs qui viennent directement sur l’île. À La Réunion, il faut être au-dessus des joueurs de métropole pour être pris. Il y a des frais, il faut faire venir l’enfant, qu’il puisse rentrer à La Réunion… Je suis content aujourd’hui d’être ici, d’avoir ce parcours, même si ce n’est pas fini. J’ai fait beaucoup de sacrifices pour en arriver là.
Propos recueillis par Thomas Morlec