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Luchin ou le street art dans la campagne du LOSC

Par Eric Carpentier
Luchin ou le street art dans la campagne du LOSC

Au siège du LOSC, 30 pans du Mur de Berlin ont été installés et revisités par des street artistes de tout pays. Entre Eden Hazard, David Bowie et actualité internationale, visite d'un centre d'entraînement devenu galerie à ciel ouvert.

Une barrière, un étang, des lapins, une ferme flamande donc imposante : le domaine de Luchin, siège du LOSC depuis 2007, a tout du centre paisible où staff et joueurs peuvent évoluer sereinement, à l’abri des regards inquisiteurs. Mais, au bout d’une longue allée, une pancarte étonne : « fresque de L7m et JimmyC » , annonce-t-elle, avec une petite flèche pointant vers les terrains d’entraînement. Soit les blases de deux poids lourds du street art, l’un brésilien, l’autre australien, posés au milieu d’un domaine paumé dans la campagne nordiste. Plus loin, sur un pan de mur d’un mètre sur trois, Eden Hazard accueille les visiteurs. La patte de C215 – artiste français à l’origine du portrait d’Ahmed Merabet, à l’endroit où le policier a été abattu le 7 janvier 2015 – est immédiatement reconnaissable. De l’autre côté du bloc de béton, une figure faussement simpliste signée Thierry Noir. Du côté est, plus précisément. Car ce pan vient tout droit du mur de Berlin.

De la gare de l’Est au domaine de Luchin

Thierry Noir, originaire de Lyon, est l’un des premiers à avoir peint le mur de Berlin, à partir de 1984. Avec Christophe-Emmanuel Bouchet, il peint à Mariannenplatz, Potsdamerplatz ou Checkpoint Charlie. Bouchet, lui, est le premier à peindre le côté est du mur, en versant de la peinture par-dessus l’enceinte. Aujourd’hui, il déambule dans la tente dressée pour le vernissage de l’exposition, barbe fournie et étoile rouge sur ventre bedonnant. « Tu marches sur du Noir ! » l’interpelle Michel Seydoux, montrant le tapis aux motifs colorés. Le maître des lieux est visiblement heureux de son coup : l’homme de cinéma et de football a fait d’un centre sportif le lieu d’une exposition inédite, mêlant art urbain, histoire et politique. Tout un programme.

L’idée naît de la rencontre entre Seydoux et Sylvestre Verger, commissaire de l’exposition et propriétaire de la trentaine de pans du mur revisités par autant de street artistes. Quelques semaines plus tôt, fin mai 2015, le LOSC vient de clôturer sa saison par une victoire 4-1 à Saint-Symphorien. En descendant de son train à la gare de l’Est, Seydoux flâne devant la même exposition Art Liberté, installée dans l’enceinte de la SNCF. Les souvenirs remontent, il avait 42 ans lorsque le mur est tombé, « un moment très fort. Quand le mur a explosé, nos cœurs aussi ont explosé, de bonheur » , explique-t-il avec l’art de la formule. Alors, lorsqu’il a l’opportunité de rencontrer Sylvestre Verger, il n’hésite pas. Il commence par acheter le pan de mur aujourd’hui couvert par C215 et Thierry Noir et installé à l’entrée du domaine. Dans l’élan, l’hypothèse de transformer le siège du club en une galerie à ciel ouvert est validée : « Ça s’est fait en dix minutes et trois regards. Il n’y a pas eu de tergiversations et de réunionite. C’était simplement : « On le fait. » » Deux mois plus tard, un bout d’histoire pose ses blocs de béton sur la pelouse bien tondue de Luchin.

De Michel Seydoux à Jef Aérosol

Une vingtaine de plaques d’un mètre carré chacune montée sur chevalet, trois Trabant et une fresque de 13 mètres colorent désormais la cour enserrée entre les murs de briques. Surtout, une pièce maîtresse : un second pan complet du mur, peint pour l’occasion, à Luchin. Sur un versant, Lou Reed rendu à la vie par le pointillisme de JimmyC ; sur l’autre, David Bowie et Iggy Pop réunis par Jef Aérosol. La légende dit que l’ex-Velvet aurait rejoint les deux amis à Berlin à la fin des années 70. Mais ce qui compte avant tout pour Michel Seydoux, c’est l’émotion : « Un bon film, un bon match de foot, une bonne exposition, c’est avant tout de l’émotion. Ce n’est pas une opération réfléchie, il n’y a pas de cible particulièrement visée. C’est parti sur un coup de cœur et une envie de voir le domaine de Luchin vivre, au-delà de sa fonction première. » Ce soir, près de 400 personnes ont été conviées au vernissage. Ou quand le gotha des affaires, de la culture et du sport se presse autour d’une bombe Montana et d’une coupe de Taittinger.

La bande son à base de hip-hop de qualité est interrompue un instant, le temps pour les protagonistes de souhaiter la bienvenue à leurs hôtes du soir. Dans chaque discours, les notions de frontières et de liberté sont invoquées. Les hommages à la Belgique voisine – elle est à deux kilomètres – se succèdent. Entre terrorisme et crise migratoire, l’événement trouve un écho malheureux dans l’actualité, lui qui comptait simplement brouiller les frontières via « un sport de la rue et un art de la rue » . Jef Aérosol rêve d’un stade « où tout le monde n’aurait pas des T-shirts de la même couleur, où les supporters seraient mélangés, où les panneaux de pub seraient remplacés par des œuvres d’art » . Avant d’ajouter un trop facile « il y aurait peut-être moins d’histoire de sextape » . Sûr que ses modèles Bowie et Pop étaient des références en la matière.

« Ça me fait penser à l’art plastique, à l’école »

Disséminés entre de nombreux sosies de Steven Fletcher, quelques joueurs lillois pas vraiment assaillis par les convives. Enyeama rigole avec Elana, Corchia et Civelli écoutent religieusement. Et Djibril Sidibé admet ne rien y connaître : « Ça me fait penser à l’art plastique, à l’école. On a regardé cette semaine, on en parle un peu, après je te cache pas qu’on n’est pas plongé dedans. » Fred Antonetti est plus enthousiaste, et pour cause : « Ah oui, c’est la première fois que je vois ça, c’est assez unique ! Ça me touche, car j’ai toujours sur mon bureau un petit bout du mur offert par mon père. Mais tout petit, hein ! » Forcément, qui dit chute du mur, dit construction de l’Europe : « C’est sûr, ça évoque l’Europe. Est-ce que je vais en parler aux joueurs ? Ça, je peux pas vous le dire ! » Et Antonetti de retourner prendre la pose avec Christophe-Emmanuel Bouchet pour un cliché à la parfaite asymétrie capillaire. En attendant la prochaine journée. Car, dimanche prochain, pendant que les curieux déambuleront à leur tour dans le centre d’entraînement revisité, Antonetti et ses joueurs tenteront de viser plus haut, à Nantes. C’est qu’on l’oublierait presque, mais le LOSC est toujours un club de football.

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