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Lorca, le berceau d’Unai Emery

Par Robin Delorme
Lorca, le berceau d’Unai Emery

Aujourd’hui reconnu comme l’un des tout meilleurs tacticiens du continent, Unai Emery reste avant tout l’homme d’un club : le Lorca CF. Un anonyme club de la région de Murcie dont il a pris les commandes encore joueur et qu’il a amené vers les cimes du football espagnol. Récit d’une aventure avec ses comparses de l’époque.

16 juillet 2015, Lorca, estadio Francisco Artés Carrasco. Le soleil brûle les peaux, les joueurs étouffent dans leur maillot, mais le stade municipal de la ville « aux cent boucliers » affiche salle comble. Pour sûr, pensionnaire de Tercera Division, le Club de Futbol Lorca Deportiva apprécie la visite du FC Séville, récent champion de la petite Europe. Un match de reprise pour les Sevillistas qui se mue en hommage à leur entraîneur, Unai Emery. « C’était un tel plaisir de le retrouver sur le banc du stade de Lorca, rejoue Pedro Reverte, ancien directeur sportif du club de la région de Murcie. C’est ici qu’il s’est construit, et c’est ici que le plus bel hommage lui est rendu. Malgré tout cela, il a réussi à se faire expulser en seconde période. » Après un tampon sur Vitolo, l’entraîneur basque dégoupille, entre sur le pré et reçoit un carton rouge. Une anecdote qui fait sourire, mais qui rappelle à l’ami intime d’Emery « qu’il n’a pas changé » : « Il a toujours vécu ses matchs avec la plus grande intensité. Même à ses débuts, ici, il n’arrêtait pas de faire les cent pas dans sa zone technique. » Retour sur les premiers balbutiements en tant que coach du dieu du Sánchez-Pizjuán.

Blessures à répétition, pompier de service et montée inespérée

Après des aventures à la Real Sociedad, à Tolède, au Racing Ferrol, puis à Leganes, Unai Emery pose ses valises à Lorca à l’été 2003. Un club qui végète dans l’anonymat des divisions inférieures espagnoles, mais qui nourrit des ambitions : celles de grimper en Segunda Division. « Techniquement, il était très bon, il bougeait bien sur le côté gauche, se remémore Antonio Robles, alors capitaine de Lorca. Mais il se distinguait surtout par son intelligence. C’est cette intelligence qu’il a appliquée ensuite à sa manière d’entraîner » . À cause d’un physique en mousse et de genoux en carton, le milieu de terrain basque passe plus de temps à l’infirmerie que sur les prés. Une absence longue durée qui le rapproche de Pedro Reverte, aujourd’hui directeur sportif du club voisin de Murcie : « Il faisait tous les déplacements avec moi, nous regardions les matchs ensemble. Il se montrait intéressé par tous les aspects du football, il ne voulait pas avoir le seul point de vue du joueur. Il voulait comprendre le fonctionnement du club. Et puis il connaissait tous les joueurs de l’équipe, il avait étudié toutes les équipes de notre groupe de Segunda Division B. »

Une saison et demie s’est écoulée, et Unai Emery, 33 printemps au compteur, n’a défendu la liquette de Lorca qu’à 31 apparitions. Pis, les Blanquiazules pointent en milieu de peloton et s’éloignent au gré des journées de leur objectif initial. « Avec la situation qui devenait de plus en plus problématique pour l’équipe première, la solution de le placer sur le banc était presque devenue naturelle. Même s’il n’avait eu aucune expérience sur un banc, il avait toutes les capacités pour nous sortir de cette mauvaise spirale » , rappelle Pedro Reverte qui, à l’aube de l’année 2005, le propulse chef de la guérite du stade Francisco Artés Carrasco. Une décision qui « surprend » , voire qui « dérange » le vestiaire au premier abord, dixit Antonio Robles : « Mais rapidement, nous avons vu sa nomination comme une motivation et une opportunité puisqu’il s’agissait d’un homme que nous connaissions bien et avec qui la majorité du vestiaire entretenait une super relation. » La mayonnaise prend, si bien qu’en fin d’exercice, Lorca se retrouve en finale des play-offs face au tout-puissant Real Union de Irun, fanion dont son père gardait les cages et où il a fait ses classes.

Reverte : « Le personnage le plus important de l’histoire de Lorca »

Haletante, la finale d’ascension se décide en prolongation. Bien qu’outrageusement dominé, Lorca exulte lorsque Ramos, d’une frappe de plus de 40 mètres, défriche le tableau d’affichage. Un but somptueux autant qu’historique, donc, puisqu’il permet au modeste club de Lorca de grimper en Segunda Division. En moins de six mois, Unai Emery troque son statut de pompier de service pour celui, plus sexy, de légende locale. « Nous avons vécu deux années hallucinantes, confirme Antonio Robles, toujours capitaine de Lorca. Nous avons vécu un rêve. Les gens de Lorca l’aiment énormément et seront éternellement reconnaissants envers Unai. » C’est que pour sa deuxième campagne sous la guérite de Lorca, dans l’antichambre de la Liga, Emery réussit l’exploit de mettre dans la course à la montée l’un des fanions les plus modestes – et les plus endettés – de la catégorie. Pedro Reverte : « Finalement, nous ne sommes pas montés à cause d’un but de Levante à la dernière minute, mais le bonheur était déjà énorme. Il a transformé la ville. Depuis son passage, elle est beaucoup plus liée à son club de foot. Il est et restera le personnage le plus important de l’histoire du club. »

Grandiose, sa première année et demie sur un banc de touche lui ouvre les portes de clubs plus huppés. Almería, premier sur le coup, s’attache donc les services du Trofeo Miguel Muñoz 2005-06 – un titre de meilleur tacticien de Segunda qu’il remporte encore la saison suivante grâce à sa montée en Liga avec les Almeriensistas. Pour autant, sa présence reste ancrée dans les gènes de Lorca, comme le précise son ancien directeur sportif : « Unai a réussi à changer la mentalité de la ville. Tout le monde ne parlait plus que de l’équipe de foot, c’était comme si Unai avait transformé la façon de penser des gens à Lorca. » Idem, il tisse des liens toujours tenaces avec ses derniers partenaires et premiers poulains. Ce qui est le cas d’Antonio Robles : « Chaque fois que nous avons pu, nous nous sommes revus et avons bu une bière. C’est une super personne, très humble. Je ne me rappelle pas lui avoir écrit lors des titres qu’il a remportés avec Séville. Tout le monde devait le faire. En revanche, je lui ai bien écrit lorsqu’il a perdu son père, et il m’a répondu. Voilà ce qu’est une vraie amitié. » Et un vrai coach.

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