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Scamacca et l’Atalanta, mariage idyllique

Par Tristan Pubert

Étincelant dans cette fin de saison, Gianluca Scamacca confirme (enfin) les espoirs placés en lui. Arrivé cet été à Bergame après un début de carrière mouvementé (six clubs en six ans), l’international italien est à la recherche de stabilité pour franchir un cap dans sa carrière. Il pourrait le passer ce mercredi soir, en cas de victoire contre le Bayer Leverkusen en finale de Ligue Europa.

Scamacca et l’Atalanta, mariage idyllique

Pour ses derniers mois à la tête de Liverpool, Jürgen Klopp comptait bien finir en beauté, avec un titre à la clé. Oui mais voilà, Manchester City s’est une nouvelle fois montré intouchable en Premier League. En Ligue Europa, c’est un gamin du quartier Fidene qui en a décidé autrement. Le 11 avril, à Anfield, Gianluca Scamacca a enfilé son costume de fossoyeur face aux Reds : une prestation cinq étoiles, auréolée d’un doublé pour une victoire 3-0 de l’Atalanta. Pas toujours au top cette saison, l’international italien a sorti le smoking au meilleur des moments. Avec neuf buts inscrits sur les douze derniers matchs, Scamacca semble avoir (enfin) trouvé chaussure à son pied, lui qui en a essayé une ribambelle.

La grande vadrouille

On dit souvent que plus le combat est dur, plus la victoire est belle. C’est peut-être le bon résumé du début de la carrière de Scamacca, 25 ans, considéré dès son plus jeune âge comme un crack absolu, comme beaucoup d’autres. Le gamin des quartiers nord romains commence sa préformation à la Lazio, puis rejoint le centre de formation de la Roma, son club de cœur. Mais les choses ne se passent pas vraiment comme prévu pour le jeune prospect, qui décide alors, à seulement 16 ans, de traverser la Suisse et l’Allemagne pour rallier Eindhoven et le PSV. « J’avais envie de progresser et de découvrir un nouveau football. Le PSV a trouvé un travail à ma mère et nous a également prêté une maison et une voiture », expliquait-il des années plus tard dans les colonnes de la Gazzetta dello Sport. Aux Pays-Bas, l’adaptation est délicate, et le mal du pays se fait ressentir, ce qui va le conduire à rentrer en Italie deux ans après son arrivée. Direction Sassuolo.

C’était déjà un attaquant complet, un peu à la Ibrahimović à ses débuts, qui aimait avoir le ballon dans les pieds, dribbler et faire la différence.

Roberto Stellone, son entraîneur à Ascoli

Scamacca a 18 piges, et tout le monde n’est pas Kylian Mbappé. Il lui faut du temps, il n’est pas prêt pour se faire une place dans l’équipe première. Il commence tout doucement à se faire un nom du côté d’Ascoli, en Serie B, où il plante onze fois avant que la crise sanitaire ne pointe le bout de son nez pour le stopper dans son élan dans cet exercice 2019-2020. « Quand j’ai pris les commandes d’Ascoli, je savais déjà qui était Gianluca », assure Roberto Stellone. À la tête d’Ascoli pendant deux mois, l’actuel entraîneur de Vis Pesaro (Serie C) se souvient d’un attaquant déjà au-dessus des autres : « D’un point de vue purement technique, il était clairement supérieur. C’était déjà un attaquant complet, un peu à la Ibrahimović à ses débuts, qui aimait avoir le ballon dans les pieds, dribbler et faire la différence. »

Un prêt concluant qui lui permet enfin de goûter à la Serie A, avec le Genoa, où il confirme (12 buts en 29 apparitions) pour enfin convaincre Sassuolo de lui laisser sa chance. Bingo. Sous les ordres d’Alessio Dionosi, aux côtés de Berardi et de Raspadori, il casse la baraque, en terminant notamment sixième au classement des buteurs avec 16 pions. Il commence à taper dans l’œil des cadors du pays, mais décide de changer d’air en posant ses valises en Angleterre, à West Ham, qui pose près de 30 millions d’euros pour en faire le transfert le plus cher de l’histoire du modeste club de Sassuolo.

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Loin de chez lui, le pari n’est pas gagnant, et l’aventure ne dure pas très longtemps. Comme à Eindhoven, Scamacca peine à s’acclimater, les blessures se multiplient et il ne marque pas les esprits en Premier League. « En Angleterre, si tu n’es pas au top physiquement, tu es mis sur le côté, témoignait-il dans une lettre ouverte à Cronache di Spogliatoio. Les nombreuses blessures que j’ai eues m’ont ralenti. Mais cela m’a permis de prendre le temps de réfléchir. J’ai eu un déclic mental, je voyais mes coéquipiers aller à l’entraînement, et moi, je n’arrivais pas à sortir de mon lit sans avoir mal, j’ai forgé mon caractère. » Une année lui suffit, il revient dans la Botte avec l’étiquette du vadrouilleur, qui a connu six clubs en six ans.

Des montagnes russes et un déclic

Un nouveau transfert important (un peu plus de 25 millions d’euros) et le voilà dans la plaine du Pô, à Bergame, avec l’ambition de trouver un peu de stabilité et surtout de passer un cap. La bonne nouvelle, c’est qu’il tombe sur Gian Piero Gasperini. « C’est le meilleur coach en Italie au niveau du développement de joueurs, avance Roberto Stellone. Gianluca avait besoin d’un entraîneur comme Gasperini. Le talent, c’est indéniable, il l’a, mais il devait progresser sur d’autres aspects, notamment le mental. » Dès son arrivée à l’Atalanta, Scamacca marque des points et des buts, à l’image de ses deux doublés contre Monza (3-0) et Empoli (3-0).

À l’heure actuelle, ce n’est pas une bonne chose de considérer Scamacca comme un grand champion.

Gian Piero Gasperini, en février dernier.

Scamacca reste Scamacca : la régularité n’est pas son fort, et les pépins physiques ne sont jamais très loin (la cuisse, les adducteurs, etc.). Avant un déplacement sur la pelouse de l’Inter (0-4) en février dernier, Gasperini lui fait alors passer un message : « Il travaille énormément et se comporte bien, là n’est pas le problème. Mais il manque de régularité, c’est pourquoi le considérer comme un grand champion aujourd’hui n’est pas une bonne chose. » Face aux (futurs) champions d’Italie, Scamacca assistera sur le banc à la déroute des siens. Deux semaines plus tard, Luciano Spalletti décide de se passer de lui pour le rassemblement de mars, le dernier avant l’Euro, et instille le doute dans les têtes : l’attaquant italien peut-il vraiment devenir autre chose qu’un éternel espoir ?

La réponse du principal intéressé est arrivée sur le terrain ces dernières semaines. Après la trêve internationale, Scamacca est revenu plus fort, plus clinique, mais aussi plus influent dans le jeu bergamasque. « Il a énormément progressé dans un laps de temps relativement court, il presse beaucoup plus aujourd’hui et n’hésite pas à faire les efforts à la perte du ballon, chose qu’il ne faisait pas forcément auparavant, décrit Stellone. Et puis surtout, il s’est beaucoup plus assagi balle au pied. Avant, il avait tendance à énormément décrocher, à vouloir dribbler et toucher le plus de ballons possibles. Maintenant, il a compris que ce qu’on attend de lui, c’est surtout de marquer des buts. » Ce que l’Atalanta n’a pas réussi à faire lors de la finale de Coupe d’Italie, perdue contre la Juventus (0-1), sans Scamacca, suspendu pour avoir cumulé les biscottes.

Après son doublé à Anfield et son but contre l’OM, l’heure est venue pour l’Italien de confirmer et de gratter une belle récompense en cette fin de saison convaincante. Il devrait faire partie de la liste italienne pour l’Euro, avec le rêve de s’imposer comme le grand attaquant, le grand buteur tant attendu par la Nazionale. Sa première année avec l’Atalanta n’est pas encore terminée. Ce mercredi soir, à Dublin, il aura l’occasion de briller et de remporter un trophée en cas de succès contre l’invincible Bayer Leverkusen en finale de Ligue Europa. « Je suis fier de voir sa progression, se réjouit Stellone. Mais il a encore un point à perfectionner, c’est son niveau au ping-pong. » On lui pardonnera de ne pas être au niveau des frères Lebrun s’il parvient à ramener à l’Atalanta son premier titre majeur depuis plus de 60 ans.

Par Tristan Pubert

Propos de Roberto Stellone recueillis par TP

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