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Lettre pour toi, l’entraîneur amateur qui fait vivre le foot…

Julien Mahieu
Lettre pour toi, l’entraîneur amateur qui fait vivre le foot…

Dernièrement, tu as peut-être eu la mauvaise idée de t’installer devant la télévision pour regarder l’émission 20H Foot, sur CNEWS, présentée par Pascal Praud. Au fond, tu sais très bien que ce n’est pas une émission très intéressante, les envolées de l’animateur et les débats stériles où personne ne s’écoute parler ont tendance à te fatiguer très vite, mais voilà, c’est plus fort que toi, le foot c’est ta passion, et tu n’hésites pas à le consommer sous toutes ses formes, même les plus disgracieuses.

Bref, mercredi soir, tu écoutais peut-être l’émission d’une oreille tout en demandant aux gamins comment s’était passée leur journée, quand tu as vu Pascal Praud se fâcher tout rouge comme si Bernard Tapie venait débarquer sur le plateau. En face de lui était assis Pierre Rondeau, un spécialiste de l’économie du sport, un type qui a l’air de savoir de quoi il parle, et qui était venu faire la promo de son bouquin Le football va-t-il exploser ? Or, le Pascal Praud, il n’avait pas l’air d’avoir adoré le livre en question. Et il en a profité pour pousser une gueulante mémorable sur ces salopards qui veulent taxer le foot professionnel pour redistribuer au football amateur. « Un scandale » , selon lui. « Mbappé il n’a pas été formé dans un club amateur, il a été formé au Paris Saint-Germain. » Et puis le clou du spectacle : « Le football amateur ne devrait rien demander au football professionnel. »

Même si ça vient de Pascal Praud, ça t’a mis un petit coup au moral, et c’est bien normal. Apparemment, il y a des gens qui pensent comme lui, et qui assimilent la redistribution des revenus dans l’univers du football à un vulgaire « assistanat » injustifié imposé à un « football professionnel qui n’a rien demandé à personne » . Apparemment, il y a des gens qui n’ont pas compris en quoi ton travail (bénévole) était absolument essentiel au football professionnel.

Toi, ça fait plus de dix ans que tu te pointes deux fois par semaine au stade Pierre de Coubertin de ton petit bled, et que tu enchaînes l’entraînement de deux douzaines de gamins et celui de l’équipe B Seniors.

Ça fait plus de dix ans maintenant que tu laves des maillots, que tu prends ta bagnole chaque week-end pour les matchs à l’extérieur et que personne ne vient te rembourser l’essence. Sans compter les allers-retours parce que ce couillon de Bruno a encore oublié sa licence au club house.

Ça fait plus de dix ans que c’est toi qui vas frapper chez les Lambert, le couple de petits vieux qui habitent derrière la haie, pour aller chercher tous les ballons qui tombent dans leur jardin.

Ça fait plus de dix ans que tu mets en place des programmes d’entraînement chiadés, tu t’es même tapé le bouquin de Guardiola, tu essaies de bosser des combinaisons que les gars pourront ensuite reproduire en match… tout ça pour te rendre compte que tout le monde attend le match à la fin de chaque séance.

Ça fait plus de dix ans que tu termines chaque séance en criant : « Maintenant, but vainqueur, les gars ! »

Ça fait sept ou huit ans, maintenant, que tu ne peux plus te mêler aux joueurs pendant l’entraînement. À cause de ton putain de genou. Et de ce salopard de grand rouquin de numéro 4 qui joue à l’US Bourg-la-Reine. Il perd rien pour attendre, lui.

Ça fait plus de dix ans que tu traces les lignes blanches, parce que le mec qui est censé s’en occuper, il trace ses lignes avec les yeux fermés, et si tu les suis, tu peux te retrouver au milieu de la Nationale.

Ça fait plus de dix ans que tu imagines des compositions en 4-3-1, parce qu’il y a toujours des abrutis pour se mettre minables la veille en boîte et qui passent le dimanche à décuver.

Ça fait plus de dix ans qu’on t’envoie environ 20 textos chaque vendredi parce que les gens ont la flemme d’aller sur la page Facebook du club pour consulter les convocations.

Ça fait plus de dix ans que tu fais des lessives tous les soirs de la semaine. Et dix ans que tu oublies une chaussette au fond du tambour et qu’elle ressort toute bleue.

Ça fait plus de dix ans que tu loupes des repas familiaux du dimanche midi, des matchs que tu avais vraiment envie de voir à la téloche, des anniversaires, des fêtes de mariage… tout ça pour voir vingt-deux bourrins courir sur un champ de patates et envoyer des pointards chez les Lambert.

Ça fait plus de dix ans que tu te trimbales partout avec trois ou quatre paires de protège-tibia dans ton coffre de bagnole, pour les prêter à celui qui aurait oublié les siens, et généralement on oublie de te les rendre.

Ça fait plus de dix ans que tu hurles de marquer à la culotte « le grand numéro 5 sur les corners » et surtout de ne pas laisser respirer « le petit numéro 10, il a l’air d’être super technique, et son centre de gravité est très bas » .

Ça fait plus de dix ans que ton habit du dimanche, c’est le survêt’ du club. Le même depuis plus de dix ans. Le bleu a viré au violet, y a une lettre sur deux qui est effacée, mais tu l’aimes bien.

Ça fait plus de dix ans que tu as dans ton équipe soit un Momo, soit un Kéké, soit un Kiki, soit un Guigui. Et chez les U11, c’est encore pire, tu t’es déjà retrouvé avec quatre Lucas et trois Théo dans la même équipe, du coup tu avais trouvé une astuce, tu faisais une ligne de Lucas en défense et une ligne de Théo en attaque.

Ça fait dix ans que tu répètes aux gars qu’il y a peut-être un coup à faire en Coupe de France cette année, et que ce serait chouette d’aller chercher une N2 ou une N3.

Ça fait plus de dix ans que tu amènes ta boîte à outils au cas où les douches déconneraient encore dans les vestiaires.

Ça fait plus de dix ans que tu affiches fièrement le programme des matchs amicaux au club house, chaque été, avec beaucoup de fierté et de confiance. Et ça fait dix ans que tu es beaucoup moins fier et beaucoup moins confiant après les trois premiers amicaux.

Ça fait dix ans que tu attends la liste de tous les terrains impraticables de ta région, le vendredi à 17 heures, histoire de trouver une équipe en galère à affronter deux jours plus tard.

Ça fait dix ans que tu en baves pour organiser des matchs amicaux pour ton équipe de bourrins, et tu t’épargnerais bien des soucis si tu utilisais l’application www.matcham.fr.

Ça fait plus de dix ans que tu entraînes des gamins, et tu rêves bien sûr d’en voir passer un, un jour, avec de l’or dans les pieds. Parfois tu te demandes quel effet ça te ferait, de voir à la télé, chez les pros, un gamin passé dans ton équipe de U11.

Bref, ça fait plus de dix ans que tu cours dans tous les sens pour des mecs qui courent derrière un ballon, et que tu ne demandes rien à personne. Bien sûr, tu ne fais pas tout ça pour servir la grande cause du foot national – juste pour le plaisir, pour les copains, pour les gamins, et pour le foot. Seulement, voilà, ça t’a quand même affecté, que Pascal Praud décide que tu ne pratiques pas le même sport que les mecs à la télé.

Cette semaine, il y a le Mondial qui commence, et il faut que tu le saches : cette Coupe du monde, c’est aussi la tienne.

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