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L’État doit-il sauver les Girondins de Bordeaux ?

Par Nicolas Kssis-Martov
L’État doit-il sauver les Girondins de Bordeaux ?

Alors que le terrible feuilleton de la mort annoncée des Girondins de Bordeaux se poursuit, les politiques s’en mêlent enfin. Naturellement, ce drame potentiel ne soulève pas au sommet de l’État le même intérêt que le destin de Kylian Mbappé, mais des élus locaux en appellent déjà à la République, et à sa nouvelle ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra. Avec bien sûr cette lancinante question : est-ce le rôle de Marianne de venir au secours d’un club de foot ?

Le premier tocsin a sonné du côté de la mairie de Bordeaux et de la métropole, après la décision de la DNCG de maintenir la relégation en National, synonyme de l’avis général de mort pour les Girondins, du moins en tant que club de foot professionnel tel qu’il existe depuis des décennies. « Cette annonce est un véritable choc pour tous les supporters de ce club appartenant au patrimoine sportif girondin et véritable monument du sport français, indique le texte. C’est une catastrophe pour les équipes professionnelles, masculine et féminine, le centre de formation et surtout l’ensemble des salariés. » Le communiqué commun souligne l’enjeu à l’échelle du territoire. Une telle « institution » ne se résume pas seulement à une entreprise privée, fort mal gérée pour le coup. Son existence a des conséquences sociales (pertes d’emplois), culturelle (rayonnement de la ville) et même politique. D’ailleurs,« le président de Bordeaux Métropole, Alain Anziani, et le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, en appellent à Madame la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, pour que le CNOSF puisse se prononcer dans un délai compatible avec la reprise de la saison de la Ligue 2, sur la portée des garanties apportées par les Girondins de Bordeaux auprès de la DNCG. »

Certes, il serait possible d’y déceler une banale confrontation entre opposition (de gauche) et gouvernement (de droite). La logique de fonds s’avère toutefois bien plus profonde. D’une part la FFF, et donc ses instances, reçoit une délégation de service public de l’État. De même que le CNOSF qui va donc bientôt devoir statuer. Cette pression des territoires auprès du centralisme jacobin – et les Girondins au milieu, les connaisseurs de la Révolution française apprécieront le clin d’œil de l’histoire – ne comporte donc rien d’illogique et encore moins d’illégitime. En face, la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, qui imaginait sûrement s’occuper d’inaugurer les sites olympiques d’ici 2024 et de diffuser des tutos de remise de forme à la maison, doit de plus en plus maudire le football (on se souvient de son baptême du feu lors de la finale de Ligue des champions).

La preuve qu’un club n’appartient pas qu’à une personne

Alors le foot est-il si important qu’il nécessite d’être sauvé par l’État, au même titre que n’importe quel patrimoine artistique, architectural ou linguistique ? L’ironie se situe peut-être surtout du côté du football professionnel et de son rapport à la puissance publique, toujours à maugréer contre le fisc qui l’empêche de rejoindre un hypothétique Big 5 européen, ou à réclamer plus de cadeaux et d’aides pendant la pandémie. Les directions affirment de plus en plus fortement, surtout à la sortie d’une saison pour le moins tendue dans les tribunes hexagonales et avec les supporters, qu’elles sont les seules « propriétaires du club » face aux irrationnelles prétentions du bas peuple des gradins. Or c’est justement parce que les Girondins n’appartiennent pas seulement à Monsieur Lopez qu’ils vont peut-être bénéficier de l’intervention d’un deus ex machina. Comme le souligne le communiqué des Ultramarines, dans un hommage souligné à Bill Shankly : « Le FCGB, ce n’est pas qu’une question de vie ou de mort. C’est bien plus que cela. »

Si le Racing Club de Strasbourg a survécu au purgatoire amateur, il le doit malgré tout grandement à la passion des supporters et au soutien de la ville. Comme le rappellent les ultras bordelais dans leur appel à manifester samedi prochain, l’OGC Nice a surmonté une crise similaire en 2002 grâce à la mobilisation des politiques et au soutien populaire. Le scénario interpelle une fois de plus l’État. Mais en 2022, quelle est la marge de manœuvre de ce dernier, à part accélérer l’agenda du CNOSF ? La ministre, elle, a dû faire appel à un cabinet de conseil puisqu’elle a répondu avec son tact froid d’énarque : « Je tiens à rappeler que l’État n’est pas légitime à intervenir dans le traitement de ce dossier, qui répond à un cadre juridique précis. » Si les supporters girondins cherchaient du réconfort, il faudra peut-être chercher ailleurs.

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