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Les U20 chinois en D4 allemande : arrêtez ce cirque !

Par Julien Duez
Les U20 chinois en D4 allemande : arrêtez ce cirque !

Vingt-quatre heures après son annonce, la nouvelle a toujours autant de mal à passer : oui, l’équipe nationale chinoise U20 jouera bien en Regionalliga Südwest (l’équivalent allemand du néo-National 2) la saison prochaine. Cette mini-révolution vise à préparer les espoirs de l’Empire du milieu pour les Jeux de Tokyo en 2020. Encore une fois, l’argent triomphe, et l’humain, lui, en paye les conséquences.

Entendons-nous bien : il n’y a à la base aucun problème à ce qu’un club de football joue dans un championnat étranger pour X ou Y raison. Les exemples de l’AS Monaco en France, du FC Vaduz en Suisse ou du Wellington Phoenix FC en Australie en sont la preuve. Il en va de même pour les Socceroos qui ont rejoint la confédération asiatique il y a quelque années afin d’élever leur niveau. Mais qu’une équipe nationale de jeunes rejoignent un championnat semi-professionnel à l’autre bout de la planète… Soyons sérieux un instant.

Pourtant, il n’y a pas de hasard. En 2016, la Fédération allemande de football (DFB) flaire le bon coup en apprenant que la Chine compte développer coûte que coûte son football afin de devenir un cador sur la scène internationale. Au mois d’août dernier, les dirigeants des deux fédérations se retrouvent à Berlin pour signer un accord de partenariat. Mais en lieu et place du siège de la DFB, les contrats sont signés à la Chancellerie ! Des représentants des gouvernements allemands et chinois étaient présents, Angela Merkel, grande fan de ballon rond devant l’Éternel, s’est même jointe à la photo-souvenir. L’objectif : que l’Allemagne soutienne le développement du football en Chine en lui apportant son expertise en la matière. Dans un communiqué de l’époque, la DFB ne manque pas de rappeler les relations unissant les deux pays depuis le début des années 1990, lorsque Klaus Schnappner avait enchaîné les fonctions de sélectionneur national puis de conseiller technique auprès de la Grande Muraille, du surnom donné à l’équipe nationale.

La Regionalliga Südwest a la particularité de ne compter que dix-neufs clubs. Les nouveaux venus serviront de bouche-trou dans un deal qui se veut win-win : expérience sportive contre espèces sonnantes et trébuchantes. Évidemment, les Chinois ne débarqueront pas gratuitement sur les pelouses de Sarre (où ils seront stationnés), du Bade-Wurtemberg, de Hesse et de Rhénanie-Palatinat. Chaque adversaire recevra en effet 15 000 euros pour les affronter deux fois à domicile. Une somme qui relève du détail pour certains, quand elle représente beaucoup pour d’autres. Le Wormatia Worms par exemple, affiche un budget d’environ 1,3 million d’euros. Un chiffre qui descend à 400 000 euros au FK 03 Pirmasens, sauf que ces derniers n’auront pas de soucis à se faire puisqu’ils ont été relégués en D5. Et c’est là que le bât blesse. En Allemagne, la Regionalliga est considérée comme l’échelon pauvre du football. C’est en effet la seule division où le champion n’est pas automatiquement promu. Pour remplacer les trois relégués de la D3 nationale, les premiers des différentes séries de D4 s’affrontent dans des barrages dont le vainqueur remporte un ticket pour le football professionnel. Une situation injuste, surtout dans les Länder de l’ex-RDA, actuellement sous-représentés au plus haut niveau. Pire encore : sachant qu’à la fin de cette saison, deux équipes du Sud-Ouest ont été relégués en D4, ce ne sont pas moins de six clubs qui ont été exceptionnellement rétrogradés en D5, dont le fameux FK 03 Pirmasens, qui aurait normalement dû être maintenu. Conséquence, son équipe réserve doit descendre, elle aussi, conformément au règlement, alors que celle-ci avait souverainement assuré son maintien. « Je n’ai pas les mots. Au sein de l’équipe, c’est l’incompréhension totale, se plaignait le manager Christoph Radtke. Nous devons faire avec, mais pour moi c’est juste du capitalisme pur et dur. »

Sur Internet, nombreux sont ceux qui ont moqué cette annonce des plus absurdes. Le Rot-Weiss Essen par exemple a proposé d’être promu en Bundesliga, quand le TB Berlin, lui, demandait le prix d’une place en Regionalliga. Plusieurs dirigeants de clubs amateurs ont également fait part de leur colère auprès de la DFB. « C’est un cirque. Un grand n’importe quoi. Pourquoi devrions-nous continuer à nous casser le cul à l’avenir ? » s’indigne Hajo Sommers, le président du Rot-Weiss Oberhausen. « En Regionalliga, nous avons des problèmes plus urgent que celui de nous occuper de la formation des jeunes internationaux chinois » , tempête pour sa part Michael Welling, son homologue du Rot-Weiss Essen. Les deux clubs en question ont beau évoluer en Regionalliga West, leur réaction est la preuve de l’incompréhension générale de cette décision.

Et les futurs adversaires, eux, qu’en pensent-ils ? Apparemment que du bien à en croire la DFB, puisqu’elle communiquait que tous les clubs concernés avaient donné leur accord de principe et accepté la somme proposée. Sauf que le lendemain, l’équipe du Waldhof Mannheim a affirmé qu’elle boycotterait ses matchs contre les Chinois et annoncé dans la foulée l’organisation d’un amical contre Pirmasens. Sincérité ou coup de bluff ? On est en droit de se poser la question, car avec 2,5 millions d’euros de budget, ce ne sont pas les 15 000 billets promis par la Chine qui feront une grande différence. Sans compter que les supporters de Mannheim comptent parmi les plus virulents de la ligue. Ce retournement de veste ressemble fortement à une manière d’acheter la paix sociale.

Reste à voir comment la saison à venir se déroulera. Probablement de façon houleuse. Le FCS Blog, qui relate l’actualité du 1. FC Saarbrücken, l’un des futurs adversaires des Chinois, rappelle que lors de la saison 1948-1949, la ville de Sarrebruck était invitée en D2 française qui comptait à l’époque également dix-neuf clubs. Résultat : une levée de boucliers générale contre ces Allemands toujours perçus comme des ennemis au sortir de la guerre, des clubs qui se contentent d’envoyer l’équipe B en traînant les pieds et un intrus qui finit officieusement premier du championnat, sans que ses résultats soient pour autant pris en compte. Finalement, sous la pression, le président de la FFF Jules Rimet admit avoir privilégié la politique au sportif et fut poussé vers la sortie avant d’être remplacé par Emmanuel Gambardella. Qui sait ce que l’avenir réserve désormais aux dirigeants de la DFB ?

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