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Les tribunes de l’Assemblée

Par Nicolas Kssis-Martov
Les tribunes de l’Assemblée

Longtemps nos députés n'osaient afficher qu'une seule écharpe : la tricolore. Or, voici que depuis quelques jours, une frénésie ultra s'est emparée de l'hémicycle. Des amicales d'élus du peuple, supporters de Marseille, Paris, Saint-Étienne voire Bastia, se déclarent les unes après les autres. Alors, bientôt les fumis lors du vote de la loi des finances ? Ou une levée d'écharpe parisienne lors de la venue du président ?

La situation est paradoxale. Tandis que les ultras défraient la chronique et trimbalent toujours leur mauvaise réputation, entre interdictions de déplacements et tracts polémiques, les représentants de la nation installent tranquillement leur petit kop au cœur de la démocratie républicaine, soit jusque dans les très sages travées du palais Bourbon. De fait, les annonces de création d’amicale, groupe ou autres se succèdent. Un phénomène peu habituel chez Marianne, qui avait jusqu’à présent réussi à se préserver des passions sportives et contraint nos élus à un peu de retenue en la matière.

Le foot est très présent à l’Assemblée nationale comme dans le reste de la société. Il permet à des gens de discuter ensemble, ou se de se retrouver par-dessus les affiliations politiques.

En effet, il était plutôt rare chez nous qu’un député se laisse aller à ses penchants footballistiques, ce qui est plus fréquent en Angleterre, où le parlementaire de la circonscription de Tottenham, David Lammy, s’était il y a peu autorisé à tweeter après une défaite de son équipe face à Chelsea : « Au nom de tous mes électeurs, je tiens à souhaiter aux supporters de Chelsea un bon retour dans l’ouest de Londres. » Jusqu’à présent, dans l’Hexagone, si Monsieur ou Madame le maire pouvait honorer le club local d’une attention privilégiée, le député ou le sénateur, bien qu’élu de son territoire, se gardait de toute aventure. Seuls les Bleus pouvaient alors justifier l’expression de leur chauvinisme dans les grandes occasions.

« Que je participe à ce groupe amical PSG ne changera rien »

Or, les temps ont bien changé. Ainsi, bien loin de la discrétion de Mitterrand ou de Chirac, Emmanuel Macron s’entraîne avec les Marseillais et ne cache jamais sa préférence. Devant cette petite révolution jupitérienne, les députés se lancent donc également dans l’aventure. Toutefois, conscients des procès d’intention qui les attendent, ils réfutent d’avance toute démarche de division. « J’ai pu constater que le foot rassemble, oppose au contraire Eric Diard, député LR des Bouches-du-Rhône, qui a en quelque sorte initié le mouvement. En faveur de l’OM, forcément. Même à l’Assemblée nationale au sein de l’équipe des parlementaires, où je peux très bien me retrouver à faire la passe à François Ruffin… » Pieyre-Alexandre Anglade, député LREM des Français du Bénélux, à l’origine de la réplique parisienne, partage au moins cette analyse : « Le foot est très présent à l’Assemblée nationale comme dans le reste de la société. Il permet à des gens de discuter ensemble, ou de se retrouver par-dessus les affiliations politiques. »

Autre menace immédiatement récusée, le risque de brusquer, voire décevoir ses électeurs. « En ce qui concerne Montréal par exemple, il existe aussi bien un bar « Le Ricard » pour les fans marseillais que « Le Parc des princes » pour les parisiens, poursuit Roland Lescure, député LREM des Français d’Amérique du Nord. Que je participe à ce petit groupe amical PSG ne changera rien pour eux. » « Pour moi, il ne saurait s’agir de trahison, le football n’a pas de frontière, prolonge Stéphane Testé, député LREM du 93, à l’initiative d’un pool stéphanois en cours de constitution. Les Verts recrutent bien au-delà de la Loire, dans toute la France. Personne ne m’en voudra dans ma circo. »

Relation géographique et ouverture internationale

C’est un point non négligeable qui vient d’être abordé. À regarder le rapport de force qui se dessine, d’une certaine manière, si l’Assemblée s’avère bel et bien en adéquation avec le reste de la population dans son fort et puissant rapport au foot, elle semble encore quelque peu demeurée dans les années 1980, voire 1990. Tout le monde ne part donc pas avec les mêmes armes et, surtout, différence d’âge oblige, les mêmes bagages. « Je n’ai pas de relation géographique avec Sainté, confirme Stéphane Testé. Toutefois, dans les années 1970, au cœur du désert français, les Verts m’ont marqué pour toute ma vie. C’est une question d’époque et de génération, je pense. J’avais discuté avec le président de l’ASSE, Bernard Caïazzo, de l’idée de ce groupe. J’ai été devancé par Marseille. Toutefois, en envoyant mon mail à mes collègues, je me suis rendu compte du nombre de supporters que compte encore l’ASSE à l’assemblée et au sénat. »

Même son de cloche vers Marseille, qui semble mobiliser le plus beau contingent. « Aujourd’hui, nous réunissons 52 parlementaires dont même deux Parisiens et deux de la région parisienne, se réjouit Eric Diard. Il est vrai, en revanche, aucun du Rhône-Alpes. » Dans le contexte actuel, la politique d’ouverture atteint peut-être ici ses limites.

Ce groupe sera non seulement un lieu pour se retrouver, se rendre éventuellement au Vélodrome ensemble, mais pour réfléchir plus largement aux problématiques du foot pro, entre élus de diverses tendances.

Côté Paris, pour le moment, on semble du coup beaucoup tabler sur l’internationale. « Le PSG rayonne dans le monde entier, défend Pieyre-Alexandre Anglade, député LREM des Français du Bénélux. Même à Bruxelles, dans ma circonscription, où pourtant ils gardent un souvenir amer du dernier PSG-Anderlecht et de Zlatan. » Au passage, aucune dynamique ne laisse entrevoir une amicale de députés supporters de l’OL. Jean-Michel Aulas ferait bien de s’en soucier.

Un outil politique

Car rien ne serait plus erroné que d’imaginer que la politique ait disparu du tableau. Les démarches ne se situent pas toutes au même niveau. Du côté marseillais, l’affaire a été longuement mûrie. « J’y pense depuis un bout de temps, confie Eric Diard. En tant que membre du groupe de travail sur l’économie du sport, j’ai rencontré plusieurs fois Eyraud qui était venu nous parler du handicap des clubs français, fiscalement parlant évidemment, face aux autres championnats européens. J’ai échangé ensuite avec lui sur la possibilité de construire un groupe d’élus supporters de l’OM au parlement. Il a tout de suite répondu favorablement. Ce groupe sera non seulement un lieu pour se retrouver, se rendre éventuellement au Vélodrome ensemble, mais pour réfléchir plus largement aux problématiques du foot pro, entre élus de diverses tendances. » Les liens avec le club sont constitutifs, conférence de presse en commun y compris. Quasiment un lobby, un espace d’influence, au sens américain du terme, qui œuvre certes à visage découvert… Peut-être aussi le sentiment chez les présidents de club que la LFP a fait son temps, et preuve de son inefficacité (par exemple lors de l’épisode de la taxe à 75 % de François Hollande), quand il s’agissait d’obtenir gain de cause auprès des institutions républicaines. Et quoi de mieux que miser sur la passion de nos élus – par-delà les étiquettes de partis – pour susurrer des doléances ?

« Il n’y a aucune prétention »

En face, la logique des Parisiens donne presque l’impression de tenir du pur sentimentalisme. « On ne pouvait pas laisser passer l’annonce marseillaise sans réagir. Il fallait représenter aussi le PSG. Nous avons écrit à tous les députés, ensemble, trois vrais supporters parisiens, précise Roland Lescure. Le but, c’est de regarder les matchs ensemble et de se retrouver autour des événements du PSG, peut-être même le Classico avec nos collègues du groupe OM. » Rassurons-nous, il n’y aura probablement pas de vol de bâche ni besoin de mobiliser les huissiers pour contenir les débordements. Surtout, bien qu’aucune forme de sociabilité au palais Bourbon ne soit jamais vraiment innocente, ni sans arrière-pensées, les Parisiens n’ont pour le moment, officiellement, pas pour stratégie d’établir un pont entre la représentation nationale et leur équipe de prédilection. « Nous n’avons pas de lien particulier avec le club, cela viendra peut-être, résume Pieyre-Alexandre Anglade. Il n’y a aucune prétention, rien de très sérieux, juste permettre de se retrouver en dehors des questions aux gouvernement. » Qui sait, la prochaine fois qu’Edouard Philippe se rendra devant l’hémicycle, il devra peut-être subir une banderole hostile déployée par les supporters du Red Star emmenés par Eric Coquerel…

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Par Nicolas Kssis-Martov

Tous propos recueillis par NKM.

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