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Les Sang et Or de Diochon

Par Florian Lefèvre
Les Sang et Or de Diochon

Fruit de la volonté de ramener enfin Rouen dans le monde professionnel et d’un besoin de subventions, l'US Quevilly a accouché il y a deux ans de l'Union sportive Quevilly-Rouen Métropole. Dans la foulée d’une montée en National, le club, qui arbore le rouge rouennais à domicile et le jaune quevillais à l’extérieur, est lancé vers la Ligue 2. Mais tous les Rouennais ne se retrouvent pas dans cette double identité.

On l’appelle le Chaudron rouge. De la finale de Coupe de France en 1925 aux grandes heures des décennies 60 et 80, en passant par le titre de champion de France zone Nord de 1945 et une victoire de prestige face au Bayern Munich, le stade Robert-Diochon a vu défiler l’histoire du FC Rouen 1899 depuis près d’un siècle (1914, précisément). Un samedi après-midi ensoleillé de mai 2003, le stade s’embrase sur une tête d’Éric Sitruk face à Besançon. Une victoire plus tard, et le FC Rouen retrouve alors la deuxième division. Plus dure sera la chute : la saison suivante, le club normand termine bon dernier de Ligue 2, et s’apprête à connaître une nouvelle dégringolade jusqu’à la liquidation judiciaire en 2013. Aujourd’hui, miracle, un club rouennais trône en tête du championnat National avec six points d’avance sur la Berrichonne de Châteauroux, barragiste provisoire. Il ne s’agit pas du FC Rouen 1899, mais de l’Union sportive Quevilly-Rouen Métropole.

Quevilly-Rouen Métropole entremêle deux identités, alors même que le FC Rouen 1899 continue d’évoluer en Division d’Honneur. Ni une entente ni une fusion entre deux équipes, le « rapprochement » entre le FC Rouen et l’US Quevilly a été officialisé en avril 2015. Sur le logo, le blason du FCR et celui de l’USQ sont réunis. Le club joue en rouge à domicile, en jaune à l’extérieur. Concrètement, l’équipe, le staff et la direction de l’US Quevilly qui évoluaient alors en CFA, ont investi le stade Robert-Diochon et le club s’est maquillé du rouge rouennais pour bénéficier des subventions de la métropole afin de gonfler son budget à 1,5 million d’euros.

« On dépasse toutes les attentes »

Pari sportif réussi, puisque l’USQRM accède brillamment au National à l’issue de la saison 2015-16 avec un bilan de dix-sept victoires, onze nuls et deux défaites. Et se retrouve aujourd’hui à six matchs d’une deuxième montée consécutive. « Jouer les premiers rôles, ce n’était pas du tout prévu en début de saison » , pose le latéral gauche Pierre Vignaud. « En début de saison, on cherchait à assurer le maintien, là, on dépasse toutes les attentes » , complète l’attaquant Timothée Taufflieb, qui a la particularité d’avoir été sacré champion de France avec le PSG la saison dernière, grâce à une apparition de cinq minutes face à Caen. Pour le coach, Emmanuel Da Costa, la force de l’équipe, c’est « la qualité morale » . Une victoire lors de la réception de Sedan, et l’arrivée dans le monde professionnel se rapprocherait un peu plus.

Ce vendredi soir, Matthieu Gudefin, lui, ne viendra pas à Diochon. Mais il sera assurément au stade pour la prochaine rencontre du FC Rouen 1899 en DH, face à l’US Gasgny. Ce chef d’entreprise de 42 ans faisait partie de la cinquantaine d’actionnaires du FCR jusqu’à la liquidation judiciaire et compte ses dépenses pour celui-ci « en milliers, voire dizaines de milliers d’euros » . En 2013, il est l’un des fondateurs de la Fédération des Culs rouges, « un groupe d’amoureux du club – pas forcément actifs en tribunes – sur le modèle d’À la nantaise » pour aider à la reconstruction du FCR. Culs rouges parce que « dès lors que tu poses tes fesses à Diochon, tu deviens un cul rouge – moi, c’était face à Sochaux en 84 » , narre Matthieu. Aujourd’hui, les 300 Culs rouges bataillent contre le projet de l’USQRM et les plus jusqu’au-boutistes d’entre eux ne mettent plus les pieds à Diochon, considérant que « le stade a été souillé » depuis que des sièges ont été repeints en jaune au sigle « QRM » . « Ils s’approprient notre stade, nos couleurs, ils veulent prendre notre place avec le numéro d’affiliation de Quevilly. Il y a beaucoup de haine envers ce projet.(…)On sent une volonté de nous tuer » , tonne le président des Culs rouges.

Le choc des cultures

Là où certains dénoncent une volonté d’absorber l’histoire du FC Rouen 1899, le président de l’USQRM, Michel Mallet, voit l’opportunité de « remettre sur le devant de la scène autant Rouen que Quevilly, parce qu’à part le hockey, il n’y a pas grand-chose sur le plan sportif… » Le boss ne s’en cache pas, il souhaite fusionner les deux clubs. « Ce serait la meilleure des solutions, c’est une évidence, notamment, quand on va parler de centre de formation… » En décembre dernier, l’assemblée générale du FC Rouen s’est prononcée une première fois contre la fusion avec l’USQRM. « Il faut avancer avec son temps » , soutient Michel Mallet. Entre lui et les supporters historiques du FCR, un choc des cultures profond. D’un côté, le foot business, qui peut sembler cynique ou réaliste, de l’autre, les derniers défenseurs d’un football, dont la résistance peut sembler valeureuse ou utopique. Avant de débarquer sur le banc de l’US Quevilly en 2013, il y a quelques années, Emmanuel Da Costa était joueur, puis entraîneur du FCR. « Les six premiers mois(après la naissance de l’USQRM, ndlr), c’était très compliqué, j’en ai pris plein la figure, lance le coach que les « irréductibles » – comme il les appelle – accus(ai)ent de trahison. Il y a des gens enfermés dans leurs bulles, qui n’ont pas envie de réfléchir, mais je respecte leurs convictions.(…)Moi, je suis de la région, je n’ai qu’une envie, c’est d’atteindre un niveau digne de ce nom, pour que les gens retrouvent le stade Diochon. »

Sauf que ce vendredi soir, face à Sedan, Diochon devrait encore sonner creux. Lors du dernier match à domicile, 1 717 personnes ont assisté à la victoire de l’USQRM face à Créteil. Surtout, bon nombre d’entre eux étaient invités, le tout, dans une ambiance feutrée. « Mais c’est normal d’avoir 700 / 800 invitations, quand on a 160 partenaires » , justifie le président de l’USQRM. S’il est vrai que la passion s’est délitée au fil des années, là où 23 000 supporters se massaient lors des grandes affiches face aux Verts, à la fin des seventies, comment expliquer que le stade ne soit pas plein comme lors de la montée de 2002-03, sinon que le public rouennais ne s’identifie pas (encore ?) à cette double identité sang et or ? « C’est parce qu’à l’époque, il n’y avait pas autant de matchs sur Canal + et beIN Sports » , croit savoir Michel Mallet. Reste que pour retrouver de l’ambiance à Diochon en 2017, il faut encore se fondre parmi les 500 supporters qui vont voir les Diables rouges en DH.

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Par Florian Lefèvre

tous propos recueillis par FL

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