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Les rois du purgatoire

Par Maxime Renaudet
Les rois du purgatoire

Alors que la Ligue 2 reprend ses droits ce vendredi soir, certains joueurs vont entamer une énième saison à ses côtés. Tremplin pour certains, étape intermédiaire pour d’autres, l'antichambre du foot français se transforme aussi en plafond final pour une flopée de joueurs qui espéraient performer plus haut.

Alexandre Dujeux, Jean-Michel Lesage, Grégory Thil, David De Freitas, Guilherme Mauricio, Robert Malm, Eugène Ekobo, Grégory Malicki, Jean-Pascal Fontaine, Alexandre Bonnet, Mickaël Tacalfred. Tous ces joueurs ont la particularité d’avoir passé la majorité de leur carrière sur les pelouses de Ligue 2, et ils sont loin d’être les seuls. Incontestables voire indispensables, ces joueurs de clubs n’ont que rarement réussi à s’imposer au niveau supérieur. Et pour certains d’entre eux, la Ligue 1 est même une inconnue totale. Que manque-t-il à ces joueurs pour jouer plus haut et s’y inscrire durablement comme ils l’ont fait au niveau inférieur ? Si le fossé technique, tactique et physique est un premier élément de réponse, est-ce pour autant la seule raison valable ? Ou est-ce également une question d’opportunités et de choix personnels ? Eléments de réponse.

Mission grand écart

Si certains joueurs ont connu sporadiquement la L1, ce n’est pas le cas d’Eugène Ekobo. Le Camerounais a uniquement joué en L2 pendant ses quinze saisons en France. « Quand je jouais à Créteil, Lorient et Troyes étaient intéressés, mais Strasbourg m’avait proposé un contrat de 4 ans avec l’objectif de remonter dès la première année, ce qui a été fait. Mais il y a eu un nouvel entraîneur et je n’entrais pas dans ses plans. Je n’ai pas été patient et j’ai demandé à être muté alors que des coéquipiers, dans la même situation que moi, ont été patients et ont eu l’occasion de jouer quelques mois après. » Outre son impatience et le souhait de vivre la montée en L1 avec le club alsacien, l’ancien milieu défensif de Clermont pointe également du doigt un différentiel technique important entre les deux échelons du football hexagonal : « Dans mon cas, c’était surtout un manque au niveau technique. Parce que bon, par rapport à la L1, c’est vrai qu’à mes débuts, la L2 était réputée pour être un combat physique. »

Contrairement à son ancien coéquipier Ekobo, David De Freitas n’a pas souffert de l’écart technique entre la L1 et la L2. Pour l’ancien milieu récupérateur, c’est la dimension athlétique qui l’a empêché de disputer plus de 27 matchs en L1 : « Techniquement, j’avais le niveau pour jouer en L1, mais j’étais à un poste un peu particulier, la récupération n’était pas mon point fort, et en L1, il y avait beaucoup plus d’impact physique. » La capacité d’adaptation apparaît indispensable pour les joueurs désireux de performer de manière régulière à l’étage supérieur. Pour le recordman du nombre de matchs joués en Ligue 2, les statistiques jouent également un rôle important dans le grand écart à faire pour passer d’une division à l’autre. « Aujourd’hui, encore plus qu’à mon époque, ce sont les statistiques qui font la différence. Je prends mon exemple, j’étais milieu de terrain défensif, je marquais entre 3 et 4 buts de moyenne. Aujourd’hui, un milieu défensif qui marque entre 7 et 9 buts est plus facilement repéré pour aller en Ligue 1. »

La Ligue 2 dans la peau

Chaque année, de nombreux joueurs de L2 – qu’ils soient recrutés ou qu’ils montent avec leur club – s’essayent à la L1, sans parvenir à s’y imposer : Paul Alo’o Efoulou, Jean-Christophe Bahebeck, Steven Fortes, Baptiste Guillaume, Umut Bozok ou Mickaël Alphonse. Prêté cet été au Mans après une saison et demie en L1, Harrison Manzala fait également partie de cette catégorie. D’après l’ancien joueur d’Amiens, le fossé est surtout tactique : « En L2, il y a plus de précipitation. Par exemple, le défenseur sort quasiment tout le temps quand il y a un attaquant qui arrive dans sa zone. En L1, le défenseur va se placer différemment pour couper des angles de passe. Si tu n’assimiles pas ce genre de choses quand tu arrives en Ligue 1, c’est compliqué de te faire une place. » Évidemment, les cas varient selon les époques, les postes et les profils, mais une constante revient néanmoins, celle d’un gap difficile à combler. Ce que confirme Faneva Andriatsima, 200 matchs de Ligue 2 au compteur : « Je pense que tout le monde peut jouer en L1, mais il faut ré-hausser son niveau et il faut beaucoup de travail au quotidien et d’intelligence, car ça se joue dans la tête. »

D’ailleurs, en s’intéressant aux joueurs qui ont passé la plus grande partie de leur carrière en L2, plusieurs paramètres sautent aux yeux. On s’aperçoit d’abord que ces joueurs ont enchaîné plusieurs clubs de deuxième division. « Tout le monde pense à la montée en Ligue 2. Après, il y a des favoris, mais ça se joue surtout au niveau du collectif. Tous ceux qui sont montés dernièrement – Reims, Brest, Metz –, c’est avant tout grâce à l’état d’esprit » explique Andriatsima, passé par Créteil, Sochaux, Clermont et Le Havre. Il en est de même pour la L1, puisque l’échec d’un joueur de L2 n’est pas seulement le résultat de lacunes techniques, tactiques ou athlétiques. C’est aussi un échec collectif.

Ensuite, si ces joueurs multiplient les clubs de L2, ce sont souvent les mêmes écuries qui reviennent : Beauvais, Le Havre, Châteauroux, Grenoble, Clermont, Brest, Troyes. Autant de clubs qui ont été, ou sont toujours, des résidents récurrents de la L2. Pour De Freitas, « si un club veut exister en L2, il lui faut un cadre avec des joueurs d’expérience qui connaissent ce championnat, c’est obligé. » Il y aurait donc des joueurs faits pour évoluer toute leur carrière en L2 (comme certains n’ont joué qu’en Ligue 1), sans découvrir le haut niveau ou l’étranger. Mais à l’instar de Lesage, Malm, Mauricio, De Freitas, Ekobo ou tant d’autres, Faneva Andriatsima n’y voit aucune fatalité : « Je n’ai pas honte de dire que je suis peut-être un joueur de L2 après tout, et ce n’est pas un souci, je ne regrette rien. » Sauf peut-être la Ligue 1.

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Par Maxime Renaudet

Tous propos recueillis par MR, excepté Harrison Manzala, interviewé en 2018 par Matthieu Pécot.

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