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Les mots bleus (5)

Par Benjamin Laguerre
Les mots bleus (5)

Un mois de passion, de débats et une fin brutale pour les Bleus. La France a joué son Euro à domicile et l'a presque gagné... Les hommes de la Dèche ont écrit une page de plus dans l'histoire des Bleus. À travers notre série Les mots bleus, c'est l'occasion de revenir, non pas uniquement sur l'histoire ou les victoires des Bleus, mais sur des récits bleus. Parce que les défaites sont parfois aussi belles que les victoires. Parce que la reprise de la Ligue 1 n'est pas pour tout de suite. Parce que juillet et août nous laissent du temps pour bouquiner afin de mieux connaître nos Bleus pour préparer, nous aussi, les matchs éliminatoires pour la Coupe du monde 2018. On continue notre sélection de livres estampillés « bleus » pour vous accompagner dans cette période estivale post-Euro.

Chronique 5 : Luis Fernandez, Luis

I. Le pitch du bouquin

Luis se raconte, sous la plume bienveillante d’une de ses vieilles connaissances journalistiques, Denis Chaumier. Et comme toujours avec Luis, pas de langue de bois. Il revient sur sa carrière de joueur et d’entraîneur sans détour, assume ses choix et ses erreurs. Et comme fil conducteur dans son histoire, il y a l’amour des hommes, du jeu et par-dessus tout pour une équipe : la France. On l’a bien vu pendant un mois à l’Euro Show tous les soirs sur beIN Sport, difficile de faire plus supporter et plus chauvin que lui.

II. La cote « bleue attitude »

Le natif de Tarifa, en Espagne, n’a qu’une devise : « Bleu un jour, bleu toujours.(…)La sélection m’avait permis de devenir un vrai joueur de football. Elle m’avait donné une motivation supérieure, et placé dans l’obligation de rester le meilleur aux côtés des… meilleurs. » Sans les Bleus, Luis serait-il devenu Luis ? Non, sans aucun doute.

III. Le souvenir « bleu » qu’on a kiffé : Renegado, renegado.

Finale de l’Euro 1984 au Parc des Princes. Les Bleus affronte la Roja. Terre d’accueil contre terre natale. « Les jours qui ont précédé la finale contre l’Espagne, les journalistes faisaient la queue, dans la salle de presse, pour m’interroger. On se serait cru à un guichet de la Sécurité sociale ou de la SNCF.(…)J’ai dû, devant eux, justifier mon parcours personnel, qui m’avait conduit, dix-huit ans plus tôt, à quitter l’Espagne pour rejoindre la France. Le sujet avait un côté délicat : ils cherchaient à me pousser à la faute et à profiter de la moindre petite phrase pour créer des polémiques et me mettre en porte-à-faux. Il fallait que je fasse très attention à ma communication, car je ne voulais vexer personne.(…)Une grande partie de ma famille était restée en Espagne, où vivaient des oncles, des tantes et des neveux. Il n’était pas question que je les blesse avec une déclaration à l’emporte-pièce. Chaque été, je retournais en vacances à Tarifa.(…)Sur le terrain, en revanche, j’en ai entendu des vertes et des pas mûres. Renegado, renegado. Dix, vingt ou trente fois, le mot a sifflé à mes oreilles : renégat. Un mot qui cherchait à faire mal. » Comme quoi les problématiques de double nationalité ne datent pas d’hier en EdF.

IV. La phrase à retenir dans la carrière en bleu de Luis

Mexique. Coupe du monde 1986. France-Brésil, quart de finale. Séance de tirs au but. Fernandez est le cinquième et dernier tireur français : « Quand j’ai vu Carlos se placer sur sa ligne, je n’avais aucun doute sur la suite des événements : « Toi, mon petit, tu vas bientôt rentrer à la maison, chez toi, au Brésil. » » Du Luis tout craché et un moment mythique.

V. Luis et le football français aujourd’hui, où en est-on ?

Sur la base du modèle espagnol, Luis aimerait que les anciens aient un rôle à jouer dans les instances du football français :

« Changer de cap, avec des gens compétents et sérieux, avec un président capable d’assurer le lien entre le sportif et l’administratif. Capable, aussi, de donner des missions d’observation et d’accompagnement à tous ces anciens joueurs qui peuvent redonner au football français ce que celui-ci leur a apporté. En France, on a un vrai problème avec eux, on a du mal à les intégrer. Les dirigeants ont peur qu’ils leur fassent de l’ombre. Mais, demain, prenons un gars nickel comme Maxime Bossis à la FFF et donnons-lui un rôle consistant. Je peux aussi citer le nom de Manuel Amoros, un autre ancien recordman de sélections. Mais comment le football français peut-il laisser un homme pareil dans la nature ? Mais réfléchissez un peu ! »

VI. Que doit retenir Didier Deschamps de ce livre ?

Que pour l’ex-coach de la Guinée, le sélectionneur Michel Hidalgo reste un modèle à suivre : « Michel Hidalgo a toujours tenu un discours singulier, en laissant une grande liberté d’expression aux joueurs. Il savait trouver les phrases justes, qui n’étaient pas celles d’un tacticien, mais plutôt d’un pédagogue ou d’un humaniste. Il n’avait pas la prétention de nous apprendre à jouer, il amenait autre chose dans ses causeries d’avant-match. Elles m’ont toujours fasciné : quel beau parleur ! Quel bel orateur ! »

VII. Luis attaque-t-il vraiment dans son bouquin ?

Là-dessus pas de doute : « Je revendique la liberté de penser autrement. Quand Noël Le Graët répond à mes questions, en direct à l’antenne, et qu’il m’assure que les comptes de la Fédération sont bons, je l’interromps car je ne veux pas endormir les auditeurs avec une communication toute faite. « Ok, président, je vous entends bien, mais moi, ce qui m’intéresse, c’est le terrain ! » Et j’évoque, ouvertement, tous ces entraîneurs de la DTN qui proviennent de Guingamp, comme si ce club était un passage obligé avant de débarquer à la Fédération. Les copains des copains, il faut arrêter… Je repousse aussi l’idée convenue selon laquelle l’Euro 2016 va nous sauver, et je lui rappelle que le football d’en bas n’est pas sûr d’en tirer profit. »

VIII. Le conseil caché pour DD

« Je ne rate jamais une occasion de m’exprimer sur le comportement de certains jeunes footballeurs, avec lesquels je me montre intransigeant. Ils ne respectent rien, ils veulent être les maîtres dans le vestiaire, ils se croient arrivés avant même de démarrer dans la carrière. Je n’ai jamais oublié le désastre de Knysna qui reste ancré dans mon esprit. » La Dèche partage sans doute le même point de vue (coucou Karim).

IX. Le rêve bleu de Luis

« Après l’Euro 2004, lorsque Jacques Santini a laissé la place, j’ai vraiment espéré que mon tour arrive. Mais je ne disposais pas d’un agent pour faire le travail de lobbying indispensable auprès des décideurs.(…)Et je persiste à croire, sans vantardise de ma part, que j’aurais mérité d’être désigné un jour sélectionneur, tout autant que Jacques Santini ou Raymond Domenech ! Je ne cite pas les noms de Laurent Blanc ou de Didier Deschamps. Eux, ce n’est pas pareil. Mais les deux autres ? Je ne pouvais pas rivaliser ? Je ne m’estime pas plus bête qu’eux ! »

X. L’avis de Luis sur l’affaire Benzema

« Dans mon équipe, oui, Karim Benzema aurait eu sa place, mais pour l’Euro 2016, j’aurais fait comme Didier a fait. S’il prend cette décision, c’est qu’il doit certainement savoir des choses que l’on ne sait pas. Est-ce que vous voyez un entraîneur se priver d’un des meilleurs attaquants ? C’est dur de s’en priver, et s’il s’en prive, c’est qu’il y a des raisons. On ne connaît pas tout le dossier. »

XI. À qui offrir ce livre ?

Aux dirigeants du football français qui apprécieront l’analyse de l’animateur radio de RMC : « Si le football français en est arrivé là, la faute en revient à ses dirigeants, qui doivent assumer leurs responsabilités. Mais dites-moi, M. Le Graët n’a-t-il pas soutenu Raymond Domenech jusqu’au bout ? Quand l’aventure se solde par un tel échec, on peut avoir la décence de dire au revoir et de partir, non ? Parce que la Coupe du monde 2010, ce n’était pas un échec sportif. C’était une honte nationale. »

XII. Vous allez vous dire qu’il est bien gentil, le Luis, mais est-il capable de proposer quelque chose pour réformer le football français ?

Quoi qu’en dise Patrice Évra, Luis « Fernandel » n’est pas là pour amuser la galerie et souhaite un changement profond pour « son » football français. En commençant par la base, à savoir le mode d’élection à la FFF : « Le président de la République est élu au suffrage universel par le peuple de France, et le président de la Fédération, lui, ne pourrait pas être élu par le peuple du football ? Je préconise, moi, que tous les licenciés de la FFF, dès lors qu’ils ont atteint dix-huit ans, l’âge de la majorité, et à condition qu’ils possèdent une licence depuis cinq ans, puissent voter directement, pour des hommes et le programme qu’ils défendent.(…)J’en ai assez de ce système pipé. Ceux qui en subissent les conséquences, ce sont les jeunes, c’est l’ensemble de notre football. Si on ne se réveille pas, on va aller tout droit dans le mur. Ou même dans le trou, d’où on ne se relèvera pas… »

Dans cet article :
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Par Benjamin Laguerre

Luis, de Luis Fernandez, Hugo Sport Éditions, janvier 2016, 320 pages, 17 euros.

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