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Les « facilitateurs d’affaires »

Par Florian Lefèvre
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Qui dit mercato, dit transferts et donc agents de joueur. Les agents ont un mois pour gérer les propositions, les demandes, les états d’âme... des joueurs qui flambent ou, au contraire, de ceux qui sont mis sur la touche. Mais, alors, comment organise-t-on un transfert ? Les intérêts des agents sont-ils les mêmes que ceux de leurs joueurs ? Et comment vivent ces acteurs du football au rôle ingrat ?

Le mois de janvier, c’est le mercato d’hiver. Pendant un mois, les clubs bricolent en fonction des blessures, des résultats ou des départs pour la Coupe d’Afrique des nations. On parle d’un marché correctif, d’appoint, d’ajustement. Moins de transferts qu’en période estivale, mais des transactions dans une période plus concentrée, qui requièrent une disponibilité de tous les instants des agents de joueurs. « Pendant le mercato, je passe a minima huit, neuf heures par jour au téléphone » , pose Christophe Hutteau, agent français influent. « Il faut être hyper-réactif, on doit être dispo H24 » , poursuit Sébastien Frapolli, agent FIFA depuis 1999. « Il s’agit de valider le travail fait en amont » , reprend Christophe Hutteau, qui a travaillé avec Mathieu Valbuena pendant neuf ans et s’occupe par exemple aujourd’hui du Bordelais Gaëtan Laborde.

Le mercato ne s’arrête jamais

En vérité, le marché ne s’arrête vraiment jamais. Tout le reste de l’année sert de préparation aux contacts des scouts, des coachs et des directeurs sportifs pour étudier les profils prioritaires recherchés des uns et le stock en magasin des autres, sans oublier un soutien psychologique permanent auprès des joueurs. Et puis vient le mercato, la fenêtre de tir légale. Deux principaux cas de figure : celui du joueur en fin de contrat, qui n’est plus dans les plans de l’entraîneur. Le joueur veut rebondir, autant que le club – qui paye un salaire pour rien – a intérêt de trouver une solution. Et puis le deuxième cas : un potentiel acquéreur contacte le club et le représentant du joueur. « Mais neuf fois sur dix, l’acheteur n’ira pas plus loin » , confie Christophe Hutteau. Parce que les clubs ne peuvent pas s’aligner sur le salaire, ou qu’il n’y a pas de plus-value sportive.

« Il y a deux types d’agents, note Stanislas Frenkiel, maître de conférences à l’UFR STAPS de l’université d’Artois, auteur de l’ouvrage Une histoire des agents sportifs en France, les imprésarios du football (1979-2014). Les agents qui travaillent pour les joueurs. Ils sont rémunérés en moyenne environ à hauteur de 6% du salaire annuel brut du joueur, sur le nouveau contrat dont l’agent a négocié les termes. Mais il arrive aussi pour les agents influents, une trentaine d’entre eux, qu’ils soient aussi agents de club. Leur mission est de prospecter au nom du club ou de dégraisser le club. » Alors, l’intérêt du joueur est-il le même que celui de son agent ? « Être des conseillers, des grands frères, c’est ce qu’ils voudraient tous être. Mais il arrive aussi que l’agent réfléchisse à ses propres intérêts, par exemple ne jamais être en conflit avec un président de club, puisque c’est celui qui va le payer » , illustre Stanislas Frenkiel, dont l’ouvrage a été primé par l’UCPF en 2015. Il fut un temps où l’agent recevait tout le pactole d’un coup, lors de la signature du contrat. « Dans les années 90, si un joueur signait pour quatre ans, on calculait tout de suite la somme à remettre : 6% fois quatre ans fois le salaire. Et l’agent avait tout intérêt dans ce cas à ce que son joueur bouge tous les ans, et il retouchait une commission à chaque transfert » , analyse Stanislas Frenkiel.

« C’est difficile quand vous êtes le seul à ne pas dire amen au joueur »

Si l’intérêt de l’agent est désormais que son joueur dure, encore faut-il que ce ne soit pas le joueur qui veuille brûler les étapes, sous l’influence de son entourage. « Il y a de plus en plus de pseudo-conseillers. C’est difficile quand vous êtes le seul à ne pas dire amen au joueur » , avoue Christophe Hutteau. « Tout doit aller plus vite. Les clubs sont plus exigeants. Les joueurs veulent tout, tout de suite, lance l’agent Sébastien Frapolli. Mais ce n’est pas parce qu’on a fait dix matchs de Ligue 1 qu’on mérite de toucher autant qu’un joueur qui en a 150 au compteur. La revalorisation de contrat doit être une juste récompense. »

Résultat : dans un monde sans pitié où une association de longue date peut s’arrêter net, parfois même sur un coup de fil ou un SMS, le joueur est tenté de répondre aux sirènes d’un « voleur de poules » plus prestigieux pour une question de réseau. En fin de compte, derrière leur quotidien qui « ressemble souvent à celui des avocats d’affaires internationaux » , la majorité des agents mènent une vie précaire. « Sur les 350 agents recensés pas la FFF, moins d’une centaine vivent de leur métier, éclaire Stanislas Frenkiel. Être agent, c’est accepter la solitude et l’ingratitude des autorités et des joueurs peu reconnaissants du travail effectué. »

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Par Florian Lefèvre

Tous propos recueillis par FL

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