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Les chinoiseries de Gianni

Par Adrien Candau
Les chinoiseries de Gianni

Lâchée par une bonne partie de ses sponsors, lassés par les scandales dont elle fait l'objet, la FIFA doit composer avec un nombre inhabituellement réduit de partenaires dans le cadre de la Coupe du monde 2018. Heureusement, Gianni Infantino et la direction de la Fédération ont pu compter sur le soutien massif de sponsors chinois pour limiter les dégâts. Sûrement pas une coïncidence, alors que Pékin semble vouloir mettre tous les atouts de son côté pour pouvoir organiser le Mondial 2030.

Alors que le procès de la FIFA est toujours en cours à New-York, la réputation de la Fédération internationale n’a pas faibli qu’auprès du grand public. Les entreprises aussi ont des oreilles. Et des objectifs, qu’une association avec un partenaire aussi controversé que la Fédération internationale pourrait compromettre. « Ce n’est pas surprenant. La FIFA est devenue une marque toxique, résume Patrick Nally, consultant en marketing sportif qui a travaillé pour la FIFA lors de la Coupe du monde 2014. Aucune nouvelle entreprise ne va vouloir associer son nom avec elle. » En atteste le nombre de sponsors que la Fédération peut revendiquer à six mois du mondial russe : treize en tout et pour tout. Un chiffre faiblard, étant donné qu’elle avait dégoté vingt mécènes lors de la Coupe du monde 2014. Il a finalement fallu que plusieurs entreprises chinoises arrivent à la rescousse pour pallier le départ de certains pourvoyeurs historiques de la Fédération.

Fuite de capitaux

Ces dernières années, la FIFA a perdu deux partenaires essentiels, Emirates, qui soutient la Fédération depuis 2006 et Sony, depuis 2010. Deux firmes qui appartenaient à la plus importante et la plus généreuse des trois catégories de sponsors de la Fédération, les fameux FIFA partners, qui ont un partenariat d’image global pour toutes les compétitions organisées par la Fédération. Une fuite de capitaux qui concerne également la deuxième catégorie de sponsors de la Fédération, les FIFA World Cup Sponsors qui, comme leur nom l’indique, sont associés avec la FIFA seulement dans le cadre de la Coupe du monde (et de la Coupe des confédérations). Parmi eux, on retrouve encore en 2018 Mcdonald ou Budweiser, deux sponsors historiques de la FIFA. Mais pas Continental, Castrol et Johnson & Johnson, qui soutenaient pourtant la Fédération internationale respectivement depuis 2006, 2010 et 2014. Plus inquiétante encore est la situation de la troisième catégorie de sponsors sur laquelle la FIFA compte pour le prochain mondial, les Regional Supporters, ou sponsors régionaux. Moins pourvoyeurs en moyens financiers et logistiques que les sponsors majeurs, ils n’en restent pas moins une source de revenus importante pour la Fédération. La FIFA en avait trouvé six pour l’assister lors du mondial brésilien. Seulement un, la banque Alfa, s’est engagé à l’appuyer pour le Mondial russe.

L’eldorado chinois

Pour tenter de minimiser les dégâts, la FIFA a donc dû sortir de sa zone de confort pour conquérir de nouveaux territoires. Le 14 juin dernier, Gianni Infantino prenait ses cliques et ses claques pour aller rendre une visite de courtoisie à Xi Jinping. Le patron de la FIFA a sûrement glissé au passage au président chinois ses remerciements aux capitaines d’industrie de son pays, qui sont devenus en l’espace de quelques années des partenaires majeurs de la Fédération. Dès 2015, c’est le géant de l’e-commerce, Alibaba, qui conclut un partenariat avec la FIFA dans le cadre du Mondial des clubs. Un simple apéritif. En mars 2016, c’est la multinationale Wanda Group qui annonçait devenir un partenaire officiel de la FIFA pour les quatre prochaines éditions du Mondial. Avant d’être suivie par le fabricant de smartphones Vivo, l’entreprise d’électroménager Hisense et enfin le leader chinois des produits laitiers Mengniu.

Le mondial à tout prix

Une vague massive d’investissements qui ne semble pas seulement répondre aux impératifs marketing des entreprises sus-citées, mais aussi à un agenda politique. La volonté de Xi Jinping et de la Chine de candidater à l’organisation d’un Mondial dans la décennie à venir ne fait de mystère pour personne. « La Chine veut le Mondial à tout prix, même si ça signifie associer certaines de ses entreprises à l’image controversée de la FIFA, pose Simon Chadwick, professeur d’économie du sport à l’université de Salford, spécialiste du football chinois. L’objectif, c’est que la FIFA soit en situation de dépendance vis-à-vis des entreprises chinoises. »

Un scénario dont la tournure commence à inquiéter le président de l’UEFA, Aleksander Čeferin, qui milite pour une candidature européenne à la Coupe du monde 2030 : « Nous ne pouvons pas juste vendre le tournoi à ceux qui payent le plus… Les règles ne peuvent pas changer simplement parce que nous avons quelques gros sponsors. » Seule consolation pour le grand manitou de l’UEFA, la possibilité que la Chine se rabatte finalement sur le mondial 2034. « L’opinion chinoise reste divisée, mais, là-bas, on parle aussi d’organiser la Coupe du monde en 2034, précise Simon Chadwick. Ça laisserait plus de temps aux jeunes qui se forment aujourd’hui, et constitueront l’équipe nationale de demain, de se préparer. Ceci étant, 2030 reste une possibilité. Le partenariat que la majorité des entreprises chinoises a signé avec la FIFA prend d’ailleurs fin après la Coupe du monde 2030. » Un rapprochement long-termiste avec la Fédération internationale, qui aura en tout cas achevé de convaincre l’opinion chinoise que la question n’est plus tellement de savoir si la Chine organisera ou pas un Mondial. Mais plutôt quand.

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Par Adrien Candau

Propos de Simon Chadwick recueillis par AC

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