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Les 7 vies de Christophe Kerbrat
Par Mathieu Rollinger, avec Florian Lefèvre
Emblème de l’En Avant de Guingamp, Christophe Kerbrat va disputer une deuxième finale de coupe, après celle de Coupe de France remportée en 2014 face au Stade rennais. Mais, avant d’en arriver là, le Breton de 32 ans a emprunté plusieurs détours, si bien que « Toph’ est passé à un rien de rester un bon joueur amateur », comme l’assurent ses potes.
Phare breton de l’EAG
283 matchs sous le maillot frappé du triskel, idole de Roudourou et lui-même kalon (les socios guingampais), Christophe Kerbrat est ce qu’on appelle un taulier. Un type que son coach, Jocelyn Gourvennec, surnomme « mon Breizh » et qu’il trouve injustement sous-coté : « Il pourrait jouer dans des clubs avec plus de pedigree. Sauf que personne n’ira recruter un mec qui a plus de 30 ans et qui s’appelle Kerbrat. » Qu’importe, le défenseur n’est plus qu’à 19 matchs de dépasser le grand Coco Michel, en nombre de matchs de Ligue 1 disputés sous le maillot guingampais. La suite logique pour un joueur au club depuis 2011, soit l’époque où l’EAG remontait de National en Ligue 2, arrivé sur un coup de fil de Stéphane Carnot, le responsable du recrutement. « Je l’avais appelé en semaine, en début d’après-midi. Il a décroché en disant : « Désolé, je ne peux pas vous répondre, je suis au travail. »Et il m’a rappelé sur les coups de 18 heures. » Car jusqu’à l’âge de 25 ans, l’emploi du temps de Christophe Kerbrat n’avait rien à voir avec celui du footballeur professionnel qu’il est aujourd’hui.
Gardien de nuit
Carnot était mal tombé, car pendant de longues années, le Finistérien bossait en horaires décalés, plus appropriés pour ses activités sportives. De fait, après ses études en BTS, Kerbrat pointe dans une boîte d’intérim. Il se retrouve donc à surveiller de nuit des sites industriels comme celui de Doux à Châteaulin, contrôle les allées et venues sur le parking où il trompe sa solitude avec des mots croisés ou reste posté au volant d’une Rover pour veiller sur une scène de crime dans la banlieue brestoise. « C’était comme à la télé : les rubans jaunes, la bâche sur le corps et ma voiture devant, raconte-t-il à propos de cette dernière mission. C’était glauque, mais je suis resté jusqu’au petit matin. »
Stagiaire encravaté
Même si à l’école, ce n’était pas faramineux — « Au collège, j’étais un petit con. J’avais une boule au ventre le matin, parce que j’avais des conneries à assumer. » —, le natif de Carantec aurait très bien pu bénéficier de plus de confort dans sa vie professionnelle. Titulaire d’un BTS banque, il suit au départ les pas de sa mère, comptable au Crédit Mutuel. C’est d’ailleurs dans une agence qu’il obtient un premier stage. « Le bureau, la cravate, le costard, franchement, ça me faisait chier. Au guichet de l’accueil, quand les gens te demandent 10 euros parce qu’ils n’ont rien à bouffer… Je me disais :« Je ne veux pas passer ma vie dans un bureau ». » Un besoin de liberté qu’il assouvira ailleurs.
Phase de poules
Sa polyvalence le mène également à nettoyer les poulaillers des établissements Goasduff. « Montage, démontage… C’était très physique, je portais des charges toute la journée, se remémore-t-il. Les petites bêtes avaient de la place, tout était propre, mais à la fin de leur cycle, ça pue, ça schlingue, c’est suffocant. » Il n’y a pas de tâche ingrate pour Christophe : « On m’aurait proposé n’importe quel boulot, j’y serais allé tant que c’était compatible avec le foot… »
Joueur de fond de court
Jusqu’à l’adolescence, il a aussi fallu partager son temps avec le tennis. Classé 2/6 à son meilleur niveau, sélectionné en équipe de Bretagne, il est un bon espoir de la petite balle jaune. « Un mec très combatif, aussi sympa que chiant à jouer » , selon Vincent Stouff, rival local, au même titre qu’un certain Yoann Gourcuff. Ce sport, ou plutôt « ce combat l’un en face de l’autre » , lui a beaucoup apporté également dans sa pratique du foot. « Il est capable de quitter la balle des yeux et de savoir où elle va retomber, décrit Éric Blahic, entraîneur adjoint de l’EAG. Il n’a pas le physique type du défenseur de Ligue 1, mais par sa gestuelle, il sait s’organiser très vite avec des appuis très toniques. » Mais à l’âge de 17 ans, il faudra trancher entre ses deux passions. Et ce sera celle du ballon rond qui l’emportera sur la petite jaune.
Petit Poucet de Coupe
Le foot, justement, revenons-y. Car le Toph’ est une vraie star locale, en tant que milieu de terrain défensif du Stade plabennécois. Un club où il se sent si bien qu’il a refusé à 17 ans les avances des U18 nationaux de Guingamp et plus tard du Stade brestois. Non, lui, ce qu’il aime, c’est le Plab’ et les potes. Surtout que les résultats sont là : une montée en National en 2009, mais surtout une épopée en Coupe de France la saison suivante. Cette année-là, les amateurs bretons feront glisser l’OGC Nice sous la neige, puis donnent une leçon à l’AS Nancy lorraine à Picot. Une seule déception : avoir été suspendu pour le huitième de finale perdu contre Auxerre, à cause d’un rouge écopé quelques jours plus tôt à Luzenac, en championnat. Le reste n’est que folie.
Capitaine de soirée
Sur les routes de la Coupe, quelques vestiges de soirée, notamment une au Campanile de Nancy pour fêter la qualification. « On va appeler ça une beuverie, avoue Kerbrat. Une fois les dirigeants couchés, on a fait une soirée monumentale. On a fini par monter sur les tables avec tous les couverts sur la nappe, à chanter. Le lendemain, il y en a qui n’étaient pas bien dans le car. » Une aventure qui démontre surtout une certaine aptitude à cultiver la convivialité. Le critère qui a fini par le détourner du tennis. « Le tennis, c’était souvent le dimanche matin, alors qu’au foot, on jouait le samedi à 18 heures, tout était ouvert après… Les sorties avec les copains, c’est des moments importants dans la vie d’un jeune homme. » Et aujourd’hui, il est à 90 minutes de pouvoir s’offrir à Lille une autre soirée mémorable.
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Par Mathieu Rollinger, avec Florian Lefèvre
Tous propos issus de SO FOOT #160.