- Bilan 2018
Les 10 sélections qu’on n’attendait pas
Tout a été dit ou presque sur la France, la Croatie, l’Angleterre, l’Allemagne ou le Brésil, qui ont traversé la Coupe du monde pas exactement comme on pouvait l’imaginer. Mais il s’est passé beaucoup d’autres choses ailleurs. On a vu des sélections bouleverser la hiérarchie, réussir de vraies performances et mettre en lumière des joueurs souvent méconnus. Janga, Zenali, Anh Duc, Zemlianukhin, Diakité, ça va vous changer de Mbappé, Modrić, Neymar ou Kane...
EUROPE
Kosovo
Fadil Vokrri s’était battu pour que le Kosovo existe aux yeux de la FIFA et de l’UEFA. C’était un homme sympathique et actif, dont le cœur a lâché le 9 juin dernier, dans une salle de sport de Pristina, à seulement 58 ans. Le président historique de la Fédération kosovare, ancien joueur du Partizan Belgrade, du Fenerbahçe et de Nîmes, aurait adoré voir sa sélection nationale terminer l’année 2018 invaincue (sept victoires, deux nuls), et en tête de son groupe de la Ligue des nations, avec comme carotte une promotion en Ligue C. Les Dardanët, où se mélangent des joueurs nés au Kosovo, en Albanie, en Suisse ou en Allemagne, ont explosé l’Azerbaïdjan (4-0) dans la finale du groupe 3, notamment grâce à un triplé d’un certain Arbër Zeneli, né en Suède et attaquant d’Heerenveen (Pays-Bas). Dans un stade de Pristina évidemment rebaptisé en hommage à Fadil Vokrri, et qui a toujours affiché complet cette année.
Gibraltar
Le temps d’un succès en Arménie (1-0), puis d’un autre face au Liechtenstein (2-1), Gibraltar s’est mis à rêver d’une qualification pour le troisième échelon de la Ligue des nations. Des Arméniens vexés (6-2) et des Macédoniens sans compassion (4-0) ont renvoyé les amateurs du Rocher à leur place, mais tout cela n’est finalement pas bien grave. Les Gibraltariens, membres de l’UEFA depuis 2013 et de la FIFA depuis 2016, ont remporté en 2018 leurs deux premiers matchs en compétition officielle. En début d’année, ils avaient déjà battu la Lettonie en amical (1-0), dans leur petit stade de 2000 places situé à côté de l’aéroport international. Et Joseph Luis Chipolina, l’attaquant de Lincoln Red Imps et buteur lors des deux victoires de la Team 54 en Ligue des nations, est devenu intouchable sur ce minuscule territoire.
AMÉRIQUE DU SUD
Venezuela
On ne parle quasiment jamais du Venezuela en bien. Pendant que l’abject Nicolas Maduro affame son peuple, fait assassiner ou enfermer ses opposants (dont des enfants) et muselle la presse, ce qui ne l’empêche pas d’avoir quelques groupies en France, la sélection est un des rares prétextes pour évoquer autrement ce pays martyrisé par un mégalo à moustache et sa clique. La Vinotinto n’a disputé que des matchs amicaux en 2018, histoire de se dégourdir les jambes avant la prochaine Copa América (14 juin – 7 juillet au Brésil) que la CONMEBOL a élargie en conviant le Japon et le Qatar. C’est sans doute pour cette raison que Rafael Dudamel, l’ancien gardien de but de la sélection, a promené son équipe en Asie, où elle a accroché l’Iran (1-1) et les Nippons (1-1), deux formations qui avaient plutôt laissé une bonne impression en Russie. D’ailleurs, les Vénézuéliens n’ont affronté que des mondialistes cette année, hormis les Émirats arabes unis : le Panama (2-0), et la Colombie (1-2), avec une grande majorité d’expatriés, puisque hormis Flores, Anor ou Lucena, tous les internationaux jouent à l’étranger. Cela leur évite au moins de voir dans quel état se trouve leur pays…
CONCACAF
Curaçao
Avec ses 21 buts inscrits (et aucun encaissé), Curaçao squatte la première place du classement de la Ligue des nations de la CONCACAF, au bout de trois journées. Les insulaires ont poncé Grenade (10-0), les îles Vierges américaines (6-0) et la Guadeloupe de ce bon vieux Jocelyn Angloma (6-0). Et si tout se passe bien en mars prochain à Antigua-et-Barbuda, ils pourraient se qualifier pour la Gold Cup 2019, pour la deuxième fois depuis la dissolution de la Fédération des Antilles néerlandaises en 2010. Curaçao, qui occupe la 80e place du classement FIFA, s’appuie essentiellement sur des joueurs nés aux Pays-Bas, dont le capitaine Cuco Martina (Stoke City, Angleterre), et surtout le géant de Rotterdam Rangelo Janga (1,95 m tout de même…), qui a posé sa Samsonite au FC Astana (Kazakhstan). Pourquoi Janga ? Parce qu’il a planté déjà six buts en Ligue des nations, ce qui fait de lui le joueur le plus prolifique de la compétition.
ASIE
Yémen
Le Yémen va participer à la Coupe d’Asie des nations en janvier prochain aux Émirats arabes unis pour la première fois de sa jeune histoire, mais tout le monde s’en fout. D’ailleurs, tout le monde se fout du Yémen, devenu un immense champ de bataille où l’Iran et l’Arabie saoudite, les deux ennemis héréditaires de la région, règlent leurs comptes sur le dos des civils. La communauté internationale ferme les yeux pendant que des millions de Yéménites crèvent de faim ou meurent sous les bombes des belligérants. La sélection nationale, elle, tente d’exister au milieu de ce désastre humanitaire. Et elle le fait plutôt bien, depuis qu’elle s’est qualifiée pour la phase finale de la Coupe d’Asie grâce à un doublé décisif d’Abdulwasea Al-Matari face au Népal (2-1), le 27 mars dernier. Le championnat national est à l’arrêt, beaucoup de joueurs sont contraints à l’exil et Jan Kocian, le sélectionneur slovaque des Red Devils, n’a pas pu organiser comme prévu le stage et les matchs amicaux prévus à Doha (Qatar), à cause d’un coup de tordu de l’administration saoudienne. Jusqu’au bout…
Vietnam
Depuis son quart de finale en 2007, le Vietnam n’avait plus remis les pieds en phase finale d’une Coupe d’Asie. Les Golden Dragons, deuxièmes d’un groupe qui comprenait également la Jordanie, le Cambodge et l’Afghanistan, n’ont pas perdu un seul match depuis le début de l’année. Avec le Sud-Coréen Park Hang-seo à leur tête, ils ont terminé en beauté, en remportant face à la Malaisie (2-2, 1-0) la Coupe de l’AFF, une prestigieuse compétition réunissant les sélections d’Asie du Sud-Est. Nguyen Anh Duc, auteur du but libérateur en finale retour, a offert à son pays ce trophée très prisé dans cette partie du monde, dix ans après la première conquête. La sélection nationale, exclusivement composée de joueurs évoluant en V.League 1, s’est fait une place au sein de la classe moyenne du football asiatique.
Kirghizistan
Avec le Tadjikistan, le Kirghizstan était la seule république de l’ex-URSS à ne s’être jamais qualifiée pour la Coupe d’Asie. Les Tadjiks ont échoué là où leur voisin a réussi, grâce à deux victoires en mars contre la Birmanie (5-1) et l’Inde (2-1). Aleksandr Krestinin (40 ans), le jeune sélectionneur russe des White Falcons, qui entraîne également Dordoï Bishkek, le meilleur club du pays, ne s’appuie pas uniquement sur des joueurs évoluant dans le championnat local. Le Kirghize s’expatrie, en Turquie, en Allemagne, en Pologne, en Indonésie ou au Kazakhstan, comme Anton Zemlianukhin, le meilleur buteur de l’histoire de la sélection (12), dont six lors des qualifications pour la Coupe d’Asie. En place depuis octobre 2014, Krestinin a fait d’une équipe longtemps anonyme un ensemble un peu plus cohérent, même si sa dernière confrontation avec une pointure asiatique s’est achevée par une lourde défaite en amical au Japon (0-4).
AFRIQUE
Burundi
Le sanguinaire chef de l’État Pierre Nkurunziza aime le football. Et comme tous les tyrans, il surfera sur l’évènement si jamais le Burundi devait se qualifier pour la CAN 2019, et trouvera bien un moyen de se faire mousser. Car les Hirondelles sont sur le point d’atteindre cet objectif, qui n’en était pas forcément un au début des éliminatoires, si elles font match nul face au Gabon à Bujumbura en mars prochain. Si les Burundais en sont là, c’est parce qu’ils ont su prendre des points face au Mali (1-1, 0-0), au Gabon (1-1), et au Soudan du Sud (5-2), avec un quadruplé de Fiston Abdul Razak, la star de l’équipe. Et que trouve-t-on dans l’effectif d’Olivier Niyungeko, le jeune sélectionneur ? Des locaux, un ancien international espoir anglais, Saido Berahino (Stoke City), né à Bujumbura et qui a décidé de jouer pour le Burundi, et des joueurs éparpillés au Portugal, en Zambie, au Kenya, au Qatar et en Tanzanie.
Madagascar
Jérémy Morel, dont le père est né à Diego Suárez, au nord de Madagascar, a lui-même contacté Nicolas Dupuis, le sélectionneur français des insulaires, pour rejoindre les Baréa. Le Lyonnais a essuyé les vacheries d’usage sur les réseaux sociaux de ceux qui le décrivent comme un opportuniste – Madagascar était déjà qualifié pour la CAN 2019, la première de son histoire quand il s’est porté volontaire –, mais qu’importe : le défenseur de 34 ans s’apprête à vivre un expérience unique l’été prochain. Depuis deux ou trois ans, on sentait bien qu’il se passait quelque chose avec cette sélection habituée à la confidentialité. Dupuis a pu mettre en place sa méthode : fini l’isolement international, place à l’action. Résultat, les dates FIFA sont toujours utilisées, l’intendance s’est améliorée et le projet sportif a attiré une escouade de binationaux. Madagascar s’est qualifié après quatre journées, avec le Sénégal, qu’il a accroché à Antananarivo (2-2), et devant le Soudan et la Guinée équatoriale.
Mauritanie
Ismaël Diakité est devenu un héros national le 18 novembre dernier. Son but inscrit à six minutes de la fin face au Botswana (2-1) a offert à la Mauritanie sa première qualification pour une phase finale de CAN. Un peu comme Madagascar, les Mourabitounes avaient l’habitude de se faire discrets sur la scène continentale. Puis un jeune président – Ahmad Ould Abderrahmane – a été élu à la tête de la Fédération en 2011, avec pour ambition de sortir le foot mauritanien de son anonymat. Le dirigeant avait rapidement nommé Patrice Neveu, un vieux routier du foot africain, qui a obtenu les premiers résultats, puis Corentin Martins, il y a quatre ans. Le Breton a poursuivi le travail, avec sa propre méthode, qu’un parcours presque parfait (quatre victoires, une défaite) en éliminatoires de la CAN est venu valider.
Par Alexis Billebault