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Leonardo Unchained

Par Maxime Brigand
Leonardo Unchained

Pion essentiel de la victoire de la Juventus à l'aller face au Barça à Turin, Leonardo Bonucci assume désormais pleinement le costume de meilleur défenseur de son pays et probablement d'Europe. Le fruit d'un caractère taillé dans l'obscurité d'une cave et d'une force naturelle.

Il existerait donc un autre Leonardo Bonucci. Un sensible derrière la façade d’insensible. Une part de l’homme qui sait, au fond, que « la vie est plus importante qu’un mauvais dégagement » . Turin, au début du mois d’octobre dernier. Depuis quelques mois, le fils de Viterbe n’est plus le même, la faute à un championnat d’Europe passé avec ses deux tentacules, Chiellini et Barzagli, à se sacrifier pour la Nazionale. Bonucci l’affirme : en égalisant en quart de finale du dernier Euro contre l’Allemagne (1-1, 5-6 aux tirs au but), « les gens ont réellement compris » qui il était. En réalité, le public connaissait déjà ce visage fermé, brutal, cynique du défenseur de la Juventus. La face B, elle, a été sortie dans la salle de presse du Juventus Stadium avant un match contre l’Espagne le 5 octobre 2016. Ce visage, ce « masque » comme il aime l’appeler, Leonardo Bonucci préfère alors le cacher face à un auditoire pris à la gorge. « Oui, ce qui m’est arrivé m’a rendu plus fort, lâche-t-il entre les larmes. Je tiens à remercier mon fils et ma femme, parce que nous avons dû faire face à un moment difficile. Et on va continuer à se battre ensemble contre la maladie. Tout ça vous fait comprendre l’importance réelle de certaines choses. On relativise certaines critiques. » Cet homme peut donc pleurer et a des failles. Quelques semaines plus tard, Bonucci parlera de « l’émotion d’un merci » , mais aussi de ces semaines où « l’idée d’abandonner le football » l’a effleuré. En mai prochain, son fils Matteo fêtera ses trois ans.

Le couteau et la BBC

Sous le masque sensible, il y a donc le souvenir du dernier été passé à Formentera. « Trois semaines auparavant, on lui avait diagnostiqué une hernie inguinale, expliquait Leonardo Bonucci à la Repubblica en décembre. Pas grand-chose de grave, mais nous avions la sensation qu’il était devenu un enfant différent.(…)Nous sommes immédiatement retournés à Turin, à l’hôpital pédiatrique Regina Margherita. Les examens ont révélé une affection médicale aiguë. Il fallait intervenir tout de suite. Le jour suivant, Matteo est entré en salle opératoire à huit heures du matin et est sorti à seize heures.(…)Quand je suis sorti de l’hôpital, j’ai trouvé une trentaine de personnes qui m’attendaient, de la famille, des amis. Certains avaient demandé une permission au travail, d’autres avaient fermé leur magasin. C’est pour eux aussi que j’ai pleuré à la télévision. » Aujourd’hui, l’état de santé du fils s’est arrangé et le père ne pense plus à abandonner. De toute façon, ce n’est pas le genre. Il suffit de l’entendre parler de sa relation avec Chiellini et Barzagli pour en prendre conscience : « On partage des valeurs importantes, comme le sentiment d’appartenance, le sens du sacrifice, l’humilité et l’attention portée aux détails. » En quelques semaines, celui dont Pep Guardiola a un jour parlé comme de « la référence absolue à son poste » a alors replacé le couteau qu’il a depuis le premier jour entre les dents, et ce, malgré une petite prise de bec avec Massimiliano Allegri. Jusqu’à marcher sur la MSN catalane, mardi dernier à Turin.

Descendre à la cave

Que représente aujourd’hui Leonardo Bonucci ? 326 matchs avec la Vieille Dame, 69 sélections avec la Nazionale, mais surtout un statut de référence mondiale absolue à son poste. Défenseur central, un poste longtemps noyé sous les étiquettes flinguées, où le seul rôle était de faire fermer la gueule aux attaquants adverses. Tout ça, c’est terminé, et Bonucci est une figure de cette évolution vers un football où l’on peut jouer à trois derrière et où le défenseur est devenu un élément clé de la stratégie. Certains continuent pourtant de le réduire à son courage, d’autres préfèrent s’amuser à dire qu’il n’est qu’un corps assoiffé de sang avec une capacité de réflexion limitée. Non messieurs, c’est l’art de la défense, mais aussi la représentation d’une certaine idée de la revanche. S’il en est arrivé là, Bonucci estime que c’est avant tout par « son envie de combattre » . Au départ, l’homme a été rejeté, dessiné comme un joueur ridicule, habitué des bourdes. Puis, il y a eu Trévise et sa rencontre avec Alberto Ferrarini à un moment où sa carrière aurait pu s’arrêter. « La première fois que je l’ai vu, il a tout dit sur moi en une demi-heure, donnant l’impression de me connaître depuis toujours, racontera le milieu replacé défenseur à la Gazzettta dello Sport. En moins de trente secondes, Alberto m’avait dit des choses tellement personnelles… Qui était cet inconnu qui creusait en moi en donnant l’impression de me connaître depuis toujours ? À cette époque, j’étais fini. Aujourd’hui, je suis à la Juve, avec laNazionale… comme il me l’avait écrit sur un bout de papier lors de notre troisième rendez-vous. » L’histoire entre le coach mental et le joueur est connue et est désormais terminée. Le patient a été sauvé après des séances passées dans une cave entre des insultes et des coups de poings. Mystique.

« Je ne l’ai jamais vu paniquer »

Au point que Bonucci est progressivement devenu « un mec très sûr de lui » comme l’explique le gardien du Standard de Liège, Jean-François Gillet, qui a connu Bonucci lorsqu’il était à Bari sous les ordres de Giampiero Ventura. « Quand tu le rencontres, c’est la première chose qui te frappe, et il était jeune pourtant à l’époque. On dirait qu’il est un peu présomptueux, mais c’est sa force. Il ne tremble jamais, il dégage de l’assurance, il n’a jamais peur quand tu lui donnes le ballon, je ne l’ai jamais vu paniquer. Quand tu as un coach comme Ventura qui veut repartir au sol, de derrière, c’est un régal d’avoir un défenseur comme lui. Mais voilà, Leonardo ne cherchait pas la gloire personnelle. » Cela est encore le cas aujourd’hui, alors que le City de Guardiola ne cesse de baver devant ses copies parfaites. Défendre à la Bonucci est un art, comme de défendre hier à la Beckenbauer, à la Nesta, à la Baresi ou à la Maldini. C’est avoir la force d’aspirer l’âme d’un adversaire avec un culte de l’effort répété, ce qui habite également Barzagli et Chiellini. Une force naturelle entre les vagues, un homme qui a promis qu’une « équipe italienne est incapable de prendre 6-1 à Barcelone » . Il est toujours question de souffrance avec Leonardo Bonucci, c’est une constante. Mais le voilà désormais décidé, plus que jamais armé, à venir sécher les larmes d’une Vieille Dame qui n’a que trop attendu pour embrasser de nouveau les oreilles de l’Europe. L’histoire des romantiques croisera donc toujours le visage des cyniques magnifiques.

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Par Maxime Brigand

Propos de Jean-François Gillet recueillis par MB.

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