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L’entre-soi contreproductif des coachs de Ligue 1

Par Kevin Charnay
L’entre-soi contreproductif des coachs de Ligue 1

Depuis plusieurs années maintenant, c'est le jeu des chaises musicales sur les bancs de touche de la Ligue 1, avec à chaque fois, les mêmes protagonistes. Et c'est hors de question pour ceux qui n'ont pas la carte de membre de prendre part à la partie.

Le 12 janvier, Rolland Courbis devenait conseiller du président du Stade rennais, René Ruello, moins de trois semaines après avoir démissionné de son poste d’entraîneur à Montpellier. Mercredi 20, le même Rolland Courbis a été nommé coach de l’équipe bretonne, en lieu et place de Philippe Montanier. Un véritable coup d’État qui montre une fois de plus que coach Courbis est un sacré roublard, et qui prouve surtout que le marché des entraîneurs de Ligue 1 est complètement fermé. Autre exemple : il y a quelques mois, Hervé Renard, un presque nouveau venu sur les bancs du championnat de France, était évincé, puis remplacé par un vieux de la vieille, Frédéric Antonetti. Depuis des années, les coachs de Ligue 1 se succèdent les uns aux autres au gré des licenciements et des démissions, sans réel projet et sans changer véritablement l’identité de jeu d’un club. Une sorte de mafia du banc de touche qui ne favorise pas la progression des clubs de l’élite française.

Un véritable lobby

« Si Bielsa part, ce sera la victoire du lobby des entraîneurs français. » Les mots de Faouzi Dejedou-Benabid, co-auteur du livre Pourquoi le foot français va dans le mur, sont durs au mois de mai 2015. Quelques mois plus tard, le départ de l’entraîneur argentin du banc marseillais lui donne raison. En un an sur le banc de l’OM, El Loco a autant été encensé par ses supporters qu’il a été descendu en flamme par ses confrères français. Courbis, Dupraz and co étaient les premiers à remettre en cause publiquement son bilan, son comportement et même ses compétences. Même son de cloche pour Leonardo Jardim, quart-de-finaliste de Ligue des champions et troisième du championnat. À la veille des trophées UNFP, où aucun des deux n’est nommé dans la catégorie des meilleurs entraîneurs de l’année, un journaliste ose demander l’avis de Rolland Courbis sur la question. « On peut aussi demander à Bielsa et Jardim s’ils sont surpris que je ne sois pas nommé. C’est peut-être un ego mal placé, mais je ne vois pas pourquoi je ne suis pas dans les quatre. Demandez-leur si, avec l’effectif de Montpellier, ils auraient pu être 7e » , répond-il plein d’aplomb.

À chaque fois qu’un club moyen de Ligue 1 évince un coach comme Hervé Renard ou Philippe Montanier, c’est parce que l’équipe n’a pas de résultats et qu’elle ne propose pas de jeu. Jusque-là, rien d’illogique. Sauf qu’à l’heure où il faut trouver un remplaçant, quand on ne fait pas de la promotion interne, ce sont toujours les mêmes noms qui reviennent sans cesse : Frédéric Antonetti, Rolland Courbis, Élie Baup, Frédéric Hantz… Des entraîneurs qui se sont fait virer pour les mêmes motifs quelques mois ou quelques années auparavant. Une prise de risque zéro due à la peur de se casser la gueule en tentant quelque chose, la peur d’échouer à court terme. « Quand Lille vire Hervé Renard, le président ne peut pas mettre un jeune entraîneur qui n’est pas confirmé, il y a tout un aspect communication et marketing à prendre en compte » , explique Philippe Hinschberger, entraîneur du FC Metz.

Des étiquettes collées

Il est ainsi quasiment impossible pour un bon coach de Ligue 2 de découvrir la Ligue 1, sauf s’il parvient à faire monter son équipe. Pourquoi Jean-Marc Furlan n’est-il jamais évoqué comme probable candidat à la reprise d’un club comme Lille, Rennes, Nice ou Toulouse ? « Les entraîneurs sont estampillés Ligue 1 ou Ligue 2. Et vu le nombre d’entraîneurs qu’il y a déjà sur le marché, si on y ajoute les ex-grands joueurs, c’est difficile de changer de catégorie. Et puis, c’est une histoire de réseau, d’agents, et de journalistes qui parlent de vous ou non. Le football est un métier où il faut faire parler de soi. Que ce soit pour les joueurs ou les entraîneurs. Un entraîneur qui n’entretient pas son réseau, il est mort. Les petits entraîneurs comme moi, on a besoin de quelqu’un au sein du club pour nous appuyer, nous recommander » , expose Philippe Hinschberger.

Un manque d’ouverture d’esprit qui ronge le football français depuis maintenant près de 20 ans. En 2001, Ladislas Lozano, l’entraîneur charismatique du Calais finaliste de la Coupe de France en 2000, s’insurgeait déjà contre cette tendance. « Le monde pro tourne en rond, tout le monde se connaît. On voit arriver Courbis à Lens alors qu’il avait insulté le club six mois avant, et tout le monde se tape dans le dos ! » , s’énervait-il dans les colonnes du Parisien. « Lorsque j’ai rencontré Patrick Proisy (alors président du RC Strasbourg), il m’a dit que des présidents de Première Division pensaient à moi, mais n’osaient pas. » Finalement, Ladislas Lozano n’entraînera jamais plus haut que la Ligue 2, avec le Stade de Reims. Même si l’arrivée de jeunes entraîneurs comme Jocelyn Gourvennec, Christophe Galtier ou Patrice Garande vient servir de contre-exemple, on sait déjà quels noms seront évoqués si l’aventure tourne mal.

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