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Lens, l’année galère de Courbis

Par Antoine Donnarieix
Lens, l’année galère de Courbis

Avant de prendre les rênes de Montpellier, Rolland Courbis a roulé sa bosse dans d'autres clubs de l'Hexagone. Bordeaux, Toulouse, Marseille, mais aussi une courte expérience lensoise. Un fiasco de sept mois.

Un étranger qui vient dans le Nord pleure deux fois : quand il arrive et quand il repart. La phrase culte de Dany Boon dans Bienvenue chez les Ch’tis résume l’attachement qu’un homme peut découvrir dans une mutation au travail au-dessus de Paris. Des larmes de tristesse à chaque fois, mais pas pour les mêmes raisons. Et si Rolland Courbis ne peut pas vraiment se résumer à Kad Merad, il est en revanche beaucoup plus proche de Michel Galabru, ce vieux monsieur vivant dans une maison de campagne au rythme du son des cigales. Peu avant son départ de l’Olympique de Marseille, où il jouera la campagne de Ligue des champions en 1999/2000, Rolland se laisse aller à une déclaration plutôt taquine sur le stade Bollaert du RC Lens. « La pelouse de Bollaert à cette époque doit ressembler tellement à une banquise que je ne serais pas surpris d’y voir des pingouins ! » Fruit du hasard, le prochain club intéressé par le profil du technicien vacant sera… Lens. Bienvenu dans le Nord, monsieur Courbis.

Venu pour briller

Au point de vue sportif, le défi artésien est intéressant. La saison passée en effet, le RC Lens se voit pousser des ailes en Coupe UEFA, ne tombant qu’en demi-finale de la compétition face à l’Arsenal de Thierry Henry et Dennis Bergkamp. Avec une saison terminée dans le top 5, les Lensois veulent poursuivre leur dynamique en recrutant un coach avec de la prestance. Problème, les supporters Sang et Or ont de la mémoire. Et dès les prémices de cette aventure 2000-2001 assez originale, une atmosphère particulière prend place à Félix-Bollaert. Attaquant du RC Lens de 1998 à 2004, Daniel Moreira raconte : « Pour nos premiers matchs, je me souviens que des pingouins en peluche étaient dans le stade, c’était assez cocasse. Sur le principe, c’était une petite punchline gentille, mais forcément, quand les résultats deviennent mauvais, tu te prends cette déclaration en pleine face de la part du public. » Paradoxalement, les premières journées sont bonnes pour Lens. Après six journées, les Nordistes sont même leaders du championnat, avec quatre victoires et deux matchs nuls. Mais pour Moreira, cette période estivale n’était en réalité qu’un feu de paille. « Déjà, quand on est premiers, on sait qu’on va craquer à un moment. Les matchs que l’on gagnait, c’était souvent à l’arrache ou avec de la réussite. Mais dans le jeu, on sentait bien qu’on n’était pas exceptionnels. Du coup, dès notre première défaite, la réalité du terrain est apparue. C’était plus de la chance qu’un travail de fond… » . Contre l’OL à Gerland, le RCL craque trois fois en seconde période, pour une défaite sèche (3-0). Le début de la fin pour le futur Tournevis.

Entraînement et portable à l’oreille

Hasard ou pas, les performances de Lens commencent à se dégrader aux alentours de la mi-septembre. La période où les feuilles tombent des arbres, et les premières brises fraîches font leur apparition. Pour le Méditerranéen, l’obligation de se couvrir conformément aux traditions locales est embêtante. Le choc des cultures se répercute même dans sa façon de gérer ses séances au centre d’entraînement de La Gaillette. « Le fonctionnement de Courbis était très particulier, analyse Moreira. Il assistait aux exercices de loin, avec toujours son téléphone dans la poche ou sur l’oreille… Son assistant, Georges Tournay, s’occupait de nous pendant les ateliers. Rolland chapotait un peu le truc, comme un grand chef. En vrai, on ne savait même pas s’il regardait les entraînements. Et à la fin, il venait pour te dire : « Ok, toi demain, tu joues 30 minutes, mais le match suivant, tu seras titulaire ! » Il faisait ça pour éviter les brouilles entre joueurs, nous mettre tous dans le même sac. Sa méthode venait de ses expériences dans le Sud, mais c’est assez unique ! Nous, on connaissait plus le style Daniel Leclercq : c’était lui qui nous entraînait, qui nous donnait les consignes, on avait un système de jeu préétabli… Un fonctionnement classique quoi ! »

Un savon pour Brunel

Après la trêve, le froid bat son plein, Lens est à des lustres de ses ambitions du début de saison, à savoir une place européenne. Et Courbis fait du Courbis. « Rolland et Gervais Martel voyaient bien que les choses tournaient mal sur le terrain, explique l’ancien buteur du GF38. Du coup, ils cherchaient à imposer de nouvelles règles en dehors des matchs, pour améliorer notre image. Par exemple, ils nous avaient demandé de laisser nos grosses voitures dans nos garages, et de venir avec des véhicules plus simples. Pareil dans les séances vidéo, je me souviens qu’il avait piqué Philippe Brunel, preuves à l’appui, pour lui dire qu’il ressemblait plus à une danseuse qu’un footballeur. C’était sa méthode : chercher à toucher l’orgueil pour créer une réaction. » Malheureusement, l’orgueil ne viendra qu’une fois Courbis évacué, après une nouvelle défaite à Strasbourg (1-0). Rolland ira trouver refuge à l’AC Ajaccio, où le soleil redonne le sourire. Mais pour Moreira, son passage restera quoi qu’il arrive un bon moment. « Même si l’expérience n’a pas marché, je reste heureux de l’avoir eu comme coach. C’est vraiment un type à part, on le voit encore aujourd’hui. Dans ses conférences, c’est un show man et il joue avec ça, parce qu’il sait qu’il est bon là-dedans. » On tient peut-être là le cousin de Galabru.

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