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L’empereur du milieu

Par Valentin Pauluzzi
L’empereur du milieu

Ils ont fait une entrée fracassante en Serie A en rachetant coup sur coup l’Inter et le Milan. Or, ce n’est pas la première fois qu’on verra des Chinois en Serie A. Les grands financiers ont été devancés par un petit milieu de terrain nommé Ma Mingyu, il y a de cela seize ans.

« Perugia était un club ouvert à toutes les opportunités. Les dirigeants avaient déjà réussi un très joli coup avec Hidetoshi Nakata et l’idée était de le réitérer en s’ouvrant cette fois au marché chinois. Aujourd’hui, tout le monde le fait, mais à l’époque, c’était loin d’être une évidence. On peut dire qu’ils étaient visionnaires. » Claudio Rivalta fait partie de ces privilégiés ayant côtoyé l’unique footballeur chinois à avoir évolué en Italie. Contrairement à ses patrons, cet ancien défenseur n’a pas eu le droit à son petit souvenir du pays. C’est que Ma Mingyu avait débarqué les bras plein de cadeaux, comme pour caricaturer un peu plus son rôle d’ambassadeur. Une sympathique attention, peut-être pour s’excuser par avance de l’inexistante contribution qu’il apporta à son nouveau club, car, sans surprise, le natif de Chongqing n’avait pas le niveau.

Ma-chelangelo

Né à quelle date d’ailleurs ? Gaucci Jr parle d’abord d’un élément de vingt-sept ans, chiffre revu à la hausse un peu plus tard. « Ce qui nous a le plus marqué, c’était son apparence physique. On nous parlait d’un mec de trente balais, il en paraissait quarante. On se demandait vraiment s’il avait l’âge de sa carte d’identité. » À tel point que Rivalta et ses coéquipiers l’affubleront du petit nom de « nonno » , soit grand-père. Ma préfère celui d’un grand artiste : « Del Piero est surnommé Pinturicchio, j’aimerais qu’on m’appelle Michelangelo. » C’est à ce moment qu’il révèle sa passion effrénée pour la culture italienne. Or, ce n’est pas pour autant qu’il réussira à apprendre les rudiments de la langue de Dante. Rien à faire, la communication est pratiquement impossible : « On a essayé un peu. En vain. C’était comme Nakata, déjà que les Asiatiques ne sont pas très expansifs par nature. Il ne parlait pas anglais, et nous encore moins d’ailleurs. Heureusement, le coach Serse Cosmi a une mimique et une façon de s’exprimer qui n’est pas seulement verbale » , situe Rivalta. L’homme à la casquette prend en charge tant bien que mal cette nouvelle recrue, un playmaker dont Bora Milutinović, alors à la tête de la sélection chinoise, disait que l’unique défaut était « d’avoir passé ses meilleures années en Chine, sinon, il serait devenu une star internationale » . Rien que ça. En réalité, Ma est un honnête joueur, sans plus : « Un mec qui courait beaucoup et qui savait se sacrifier pour ses coéquipiers. Techniquement, il était pas mal, il ne lui manquait peut-être pas grand-chose pour prétendre intégrer la feuille de match. » Avec un beau numéro 9 sur les épaules comme le veulent les grands principes du marketing. Cela n’arrive cependant qu’une fois, lors d’un premier tour de Coupe d’Italie contre la Salernitana, une entrée en jeu qui n’a laissé aucune trace.

Seul au monde

Ma a à peine le temps de prendre ses marques dans sa nouvelle équipe qu’il doit s’envoler pour le Liban où se dispute la Coupe d’Asie. Deux semaines de compétition en octobre et une surprenante quatrième place. À son retour, on se dit qu’il y a de l’espoir. Nada. Mingyu vit reclus avec son épouse et téléphone plusieurs fois par jour à sa fille, à laquelle il promet de rentrer le plus rapidement possible. Ses apparitions dans les vestiaires démarrent par une révérence et se concluent par une fuite trois minutes montre en main après la fin de l’entraînement. Tout ceci sans être importuné par ses compatriotes : « C’est tout le contraire de Nakata, lui était suivi H24 par des journalistes, ils étaient sans arrêt sur son dos, même lorsqu’il effectuait le trajet des vestiaires à l’entraînement. Lui, c’était différent » , précise Rivalta. Et pour cause, l’Empire du milieu se contrefoutait complètement du football. Alors même s’il s’agissait d’un prêt payant avec option d’achat, le retour sur investissement (touristique, marketing) est proche de zéro. On est loin d’Hidetoshi, voire Ahn Jung-hwan, lui aussi fraîchement débarqué à Pérouse à l’été 2000 : « Mais il était vraiment très fort, et en Italie, on est bien placés pour le savoir. Il a réussi à trouver un temps de jeu intéressant, car considéré comme un très bon attaquant. Il a réussi à s’intégrer beaucoup mieux, à faire partie du groupe. Je pense que c’est aussi une question de culture, les Coréens sont plus ouverts. En revanche, il n’y avait pas de solidarité asiatique, ils ne traînaient pas du tout ensemble » , se souvient Rivalta. Ahn et Ma se retrouveront deux ans plus tard lors du Mondial nippon-coréen. Le second est même capitaine de la sélection chinoise et auteur de la seule frappe de son équipe lors du match face aux futurs champions du monde brésiliens. Revenu à Sichuan aussi vite qu’il en était parti, il raccroche les crampons en 2003. À quel âge ? Ma !

À Pavie, les Chinois sont déjà partis
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