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Lemonade Mouss

Par Maxime Brigand et Eddy Serres
Lemonade Mouss

Pour le grand public, il n’était encore personne il y a une semaine. Puis, Moussa Dembélé a écrit l’histoire du Old Firm, a commencé sa marche sur Glasgow et est tombé dans les bras de Brendan Rodgers. Comme un nouveau boomerang sur un talent perdu trop tôt par le PSG. Entre Serge Beynaud, la Championship et un taxi.

Brendan Rodgers n’a jamais marché seul. Voilà pourtant sept mois qu’il s’était muré dans le silence, loin du foot et de la passion qui le dévore. Le premier jour, celui qui est surnommé Buck Rogers a parlé d’un club qu’il a « suivi toute sa vie » et a évoqué « un rêve devenu réalité » devant un Celtic Park venu l’accueillir. Puis, il a réussi là où son prédécesseur, Ronny Deila, avait échoué pendant deux saisons consécutives en qualifiant le Celtic pour la phase de poules de la C1 après une double manche de barrages contre l’Hapoël Beer-Sheva fin août (5-2, 0-2). Il ne lui restait alors qu’une dernière marche à grimper pour gagner définitivement les cœurs. La Scottish Premiership n’avait plus connu ça depuis le 29 avril 2012. L’Écosse plus depuis une demi-finale de coupe nationale remportée par les Gers en avril dernier. Un Old Firm, l’histoire qu’il raconte et qu’il représente.

On parle d’un sommet pour puristes, d’une sauce qui se monte à l’avance. Cette fois, Joey Barton, débarqué à Glasgow cet été, avait allumé la mèche après avoir été comparé par la presse écossaise au capitaine du Celtic, Scott Brown : « Brown ne boxe pas dans la même catégorie que moi. Il est loin de mon niveau. » Brown a ensuite dégainé une ancienne déclaration de Barton qui expliquait alors être « fan du Celtic » , Joey, lui a répondu par une photo de Scott enfant avec le maillot des Rangers. Il n’en fallait pas beaucoup plus. Et le tableau s’est dessiné samedi dernier sur une gifle donnée par les Hoops et une course folle de Rodgers derrière la ligne blanche de Celtic Park. À la fin de la rencontre, Scott Brown vient régler ses comptes avec Barton devant les journalistes : « C’était un match d’hommes contre une équipe d’enfants. » Mais que l’on ne s’y trompe pas : le principal protagoniste de la rencontre n’a été ni Scott Brown ni Joey Barton. Non, le héros est un gamin français qui a fêté ses vingt ans il y a quelques semaines. D’un formidable triplé, Moussa Dembélé vient d’exploser aux yeux du monde.

Dans la lucarne d’un appartement

À quelque mille kilomètres de Glasgow, dans son appartement de Cergy, au cœur du quartier du square de l’Échiquier, la famille de Moussa en revient à peine. Devant leur téléviseur, la maman, le frangin Famory et les cinq sœurs voient apparaître leur Moussa en zone mixte, aux côtés de Scott Brown, justement.

Le Celtic a de la chance d’avoir Dembélé.

Il ressemble à un gamin tout gêné. Ou peut-être réalise-t-il simplement qu’il vient d’écrire l’histoire du Old Firm. Alors, Moussa Dembélé prend timidement la parole pour parler d’un « jour parfait » et d’un match dont il se souviendra « toute sa vie » . Pour la première fois depuis trente-trois ans, un joueur a inscrit un triplé un jour de Old Firm. Un de la tête, un du pied droit, et un du gauche, façon Michel Platini face à la Yougoslavie lors de l’Euro 84. Le ballon du match n’est pas très loin, alors que Brendan Rodgers savoure, expliquant que « le Celtic a de la chance d’avoir Dembélé » . Cette fois, l’entraîneur nord-irlandais avait décidé de lui faire confiance là où il lui préfère parfois Leigh Griffiths. Grand bien lui en a pris.

« On était en famille pour l’occasion. Avant le match, il m’a dit qu’il se sentait bien. Ce match devait être le moment de prouver, c’était son moment. Après la rencontre, il m’a juste dit : « C’est fait » » , raconte son frère Famory, de neuf ans son aîné. Voilà maintenant plus de deux mois que Moussa Dembélé est arrivé à Glasgow, sur ses promesses et une dernière saison à Fulham, en Championship, à danser aux côtés de Ross McCormack, qui a rejoint Aston Villa cet été. C’est une promesse, mais aussi le songe d’un nouveau produit de la formation parisienne qui a filé avec l’arrivée de QSI en 2011. Courtisé par plusieurs gros calibres européens depuis plus d’un an, dont la Juventus, Liverpool, le PSG ou encore Manchester United, et alors que son contrat à Fulham se terminait, Dembélé a finalement choisi le Celtic, pour l’histoire.

Rodgers lui a parlé du fait qu’il avait vu de nombreux jeunes qui ne jouaient pas et lui a expliqué qu’il pouvait faire avec lui ce qu’il avait fait avec Sterling à Liverpool.

Son entourage parle d’un « choix prioritaire » , mais surtout d’une rencontre déterminante avec Brendan Rodgers. « Il lui a montré tous ses schémas tactiques, lui a expliqué clairement comment il comptait l’utiliser, mais lui a surtout parlé de son expérience, de sa vie et de son passé à Chelsea, détaille son agent, Mamadi Fofana. Il lui a parlé du fait qu’il avait vu de nombreux jeunes qui ne jouaient pas et lui a expliqué qu’il pouvait faire avec lui ce qu’il avait fait avec Sterling à Liverpool. Ce qui a également été important, c’est sa peinture de Celtic Park, des 60 000 personnes, du fait qu’un nul ici est perçu comme une défaite, qu’il faut se familiariser avec la victoire. » Jusqu’aux premiers traits que l’on peut maintenant constater.

Le Camp des Loges et le taxi

Le vert des Bhoys lui va à ravir, et pourtant. Pourtant, au départ, Moussa Dembélé ne s’imaginait pas faire carrière sous ce tricot.

On ne pouvait pas aller au Parc des Princes, c’était trop cher. Du coup, on regardait le match à la maison et quand Canal plantait, on allait voir la fin à l’extérieur, chez des amis.

Gosse, le produit de la banlieue parisienne rêvait devant les exploits de Ronaldinho et la liquette du PSG. Là où le papa a le cœur dans le Sud. « Notre père est un vrai supporter de l’OM. C’est pour ça que Moussa est devenu fan du PSG, par esprit de contradiction, se remémore le frangin, Famory. On ne pouvait pas aller au Parc des Princes, c’était trop cher. Du coup, on regardait le match à la maison et quand Canal plantait, on allait voir la fin à l’extérieur, chez des amis. » La famille Dembélé vit alors sous prédominance féminine – deux garçons et cinq filles – entre un père chauffeur de taxi, qui se démène pour garantir un niveau de vie convenable à la maison, et une mère qui fait les ménages.

Moussa, lui, cavale alors à l’US Cergy Clos où son frère est également licencié. C’est là que le PSG va le repérer, comme une bascule dans le destin du clan Dembélé. La famille se plie alors en quatre, le gosse rejoint l’institution en 2004, à tout juste huit ans, et Famory se voit rapidement obligé d’arrêter le foot pour « assurer les allers-retours jusqu’au Camp des Loges. Mon père ne pouvait plus assurer les voyages, alors j’ai passé mon permis. J’emmenais aussi parfois les jeunes en déplacement. Parfois, on prenait Kingsley Coman. »

« Aussi loin que je me rappelle, il a toujours été un grand fan du PSG. C’était un rêve pour lui de signer là-bas » , se souvient José Tom, son ancien éducateur à l’US Cergy. Là est également née une relation particulière entre Moussa Dembélé et Kingsley Coman, issus tous les deux de la génération 96. Les deux jeunes partagent également des qualités similaires, entre un talent technique déjà affirmé et une grosse vitesse. « Mais j’étais beaucoup plus rapide » , rembobine en se marrant l’un des potes de génération, Ange-Freddy Plumain, aujourd’hui à Sedan.

Laurent Bonadei, ancien entraîneur des U17 parisiens, arrivé au club en 2011 et aujourd’hui coach de la réserve de l’OGC Nice, se souvient :

Ce qui était frappant avec Moussa, c’était sa capacité d’écoute. Quand on lui parlait, il avait les yeux grands ouverts.

« J’ai pris beaucoup de plaisir à travailler avec cette génération. Ce qui était frappant avec Moussa, c’était sa capacité d’écoute. Quand on lui parlait, il avait les yeux grands ouverts. Il fallait parfois le stimuler pour lui faire prendre conscience de son potentiel et des enjeux que ça impliquait. » Et QSI est arrivé. C’était à l’été 2011. « Quand ils sont arrivés, Moussa a compris qu’il ne jouerait pas, replace Mamadi Fofana. Il faut dire qu’à partir de ce moment-là, les jeunes ne jouaient plus au PSG. » Dembélé restera un an supplémentaire au club, gagnera l’Al Kass International Cup en 2012 avec Kimpembe, Coman, Rabiot ou encore Ongenda, empilera les buts, mais filera dès l’été suivant à Fulham en refusant un contrat professionnel qui lui avait été alors posé sur la table.

Danser sur du Serge Beynaud

J’étais en Guadeloupe quand j’ai appris son départ. Il m’a fallu sincèrement deux ou trois jours pour m’en remettre, car je l’imaginais bien faire une carrière à la Raúl à Paris.

Moussa Dembélé possède déjà ses qualités de finisseur et un sens du but aigu. De quoi gratter quelques séances d’entraînement avec l’effectif pro entraîné par Ancelotti en fin de saison. « C’est assez malheureux qu’il ait pu ressentir à un moment que le PSG ne lui ferait pas une place. Pour un attaquant, c’est toujours plus compliqué, il faut vraiment sortir du lot, mais il avait le potentiel, comme Kingsley. J’étais en Guadeloupe quand j’ai appris son départ. Il m’a fallu sincèrement deux ou trois jours pour m’en remettre, car je l’imaginais bien faire une carrière à la Raúl à Paris. Mais quand tu te sens frustré, il vaut parfois mieux aller vivre son expérience ailleurs » , replace Bonadei.

Dembélé laisse alors derrière lui les promesses, son côté chambreur et « ses danses sur du Serge Beynaud » qu’il mettait dans sa chambre, se marre Plumain. Le PSG vient une nouvelle fois de voir filer l’un de ses espoirs, alors que Rabiot débutera quelques mois plus tard chez les grands. Comme quoi, il y avait peut-être la place.

« Je voulais qu’il reste »

Moussa Dembélé file alors à Londres, rejoindre Fulham, avec son frère Famory.

La première fois qu’on était allés le voir jouer avec les équipes de jeunes du PSG, on avait été impressionnés par ses qualités physiques, sa puissance et son énorme vitesse.

« J’ai vécu avec lui lors des deux premières années. On vivait à Londres dans un appartement sans parler un mot d’anglais au départ, c’était assez drôle » , pose le frangin. Ancien scout du club avant de devenir entraîneur de l’équipe première après le départ de Felix Magath en septembre 2014, Kit Symons se rappelle : « La première fois qu’on était allés le voir jouer avec les équipes de jeunes du PSG, on avait été impressionnés par ses qualités physiques, sa puissance et son énorme vitesse. Il avait surtout un sens du but hors du commun. Le seul problème, c’est qu’il savait quasiment déjà tout faire et qu’il n’avait déjà plus grand-chose à apprendre. Il avait, en plus, une mentalité parfaite. »

Fulham est alors l’un des centres de formation les plus réputés du Royaume et vient de remporter la Premier Academy League U18. Ce qu’il va répéter la saison suivante avec Dembélé qui bouffe de la réserve avant de faire ses débuts chez les pros en Premier League le 30 novembre 2013 lors d’une défaite à West Ham (0-3). À l’issue de la saison 2013-2014, Fulham plonge en Championship et goûte à la galère du « septième championnat du monde » .

Le gosse est impatient, ne rentre que rarement avec Kit Symons et pense déjà à quitter le club à l’été 2015, alors qu’il ne lui reste qu’un an de contrat chez les Cottagers et que Rennes, le Genoa et surtout le Feyenoord frappent à la porte. « Il avait besoin d’apprendre la patience. C’était déjà un gros bosseur, quelqu’un dont la première qualité était de jouer pour les autres, mais il fallait attendre le bon moment » , complète Symons, qui sera viré quelques mois plus tard. Entre-temps, l’histoire a foutu le bordel, alors que Fulham a déjà laissé filer le jeune Patrick Roberts à City et qu’Emerson Hyndman est également dans l’attente. Fin août, Matt Smith, le buteur attitré de Kit Symons, se blesse et laisse sa place à Moussa Dembélé qui ne la lâchera plus pour former une paire explosive avec Ross McCormack.

On lui a offert une étape et il se sentait bien ici à Fulham, mais, à la fin, il a pris la décision de partir au Celtic qu’il pensait être la bonne pour lui.

« Jouer avec Ross l’a beaucoup aidé. C’est un joueur avec beaucoup d’expérience et ils se comprenaient naturellement sur le terrain. C’était assez incroyable » , note celui qui a alors pris la suite de Symons, Slaviša Jokanović. Pour claquer quinze buts en Championship lors de sa dernière saison en Angleterre, gratter un intérêt de Tottenham et réveiller des contacts avec le PSG l’été dernier. Jokanović : « Honnêtement, je voulais qu’il reste et on en a parlé ensemble plusieurs fois. On lui a offert une étape et il se sentait bien ici, mais, à la fin, il a pris la décision de partir au Celtic qu’il pensait être la bonne pour lui. Chaque jour, chacun fait ses choix et je lui souhaite maintenant de réussir. » Le voilà lancé, malgré une baffe reçue au Camp Nou cette semaine (0-7) et un penalty manqué. Histoire de ne pas grandir trop vite.

Par Maxime Brigand et Eddy Serres

Tous propos recueillis par MB et ES.

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