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Le tournoi que vous n’avez pas regardé : EuroPoussins 2019

Par Chris Diamantaire, à Pleudihen
Le tournoi que vous n’avez pas regardé : EuroPoussins 2019

La petite ville de Pleudihen (22) accueillait ce week-end le plus grand tournoi international de U10 d'Europe.

« Oh la vache rose ! » Il y a mille et une façons de sortir un adversaire de son match, et autant vous dire que celles de Drake ne pèsent pas bien lourd face à l’imagination d’un enfant. Il est tôt ce dimanche matin, et de petits corps fatigués s’arrachent sur un grand terrain divisé en quatre pour décrocher leurs play-offs à eux. La veille, quarante-huit équipes venues de l’Europe entière avaient entamé sous la chaleur ce qui sera sans doute le tournoi d’une vie pour beaucoup. Aux noms prestigieux – Chelsea, Juventus, Benfica, PSV, Liverpool et bien d’autres – se greffent la plupart des gros clubs français ainsi que l’élite de la jeunesse bretonne. Pleudihen-sur-Rance, commune des Côtes d’Armor qui a donné une dimension internationale à son tournoi en 2010, aligne ses trois équipes, forcément un peu à la peine au milieu de leurs invités de marque.

Samedi, le vaillant Noam, gardien de l’équipe A locale, a eu du mal à contenir ses larmes à mesure que les défaites se dessinaient malgré sa multitude d’arrêts, tandis que le numéro 6 du FC Nantes, haut comme trois pommes, a affiché une détermination et une attitude assez fascinantes, même quand les victoires étaient déjà largement acquises. Ainsi, peu à peu, les contrastes se dessinent, et l’intérêt du tournoi se révèle par la mosaïque de styles le composant. Le plateau a le charme des vieilles coupes d’Europe : les caractères s’y confrontent et les identités s’y dribblent. À la sortie d’un match brouillon joué sur un coup de dé, un éducateur, exécrable avec les arbitres et se prenant très au sérieux, s’exclame : « Ça, c’est une victoire tactique, les enfants ! » Difficile de ne pas esquisser un sourire alors que, quelques minutes en amont, le staff de la Juve laissait transparaître professionnalisme et simplicité.

Goal volant et pronostics au sol

Derrière le micro, un commentateur fait vivre l’évolution des rencontres avec panache. Nos yeux se concentrent sur un seul match à la fois, mais nos oreilles apprennent que le gardien du Hertha Berlin vient de marquer à l’ultime seconde ou que le canonnier du Sparta Prague a trouvé un mur pour l’arrêter. Vite, un dilemme inhérent au format de la compétition – réglée à la minute – s’impose à ces centaines de passionnés accoudés aux rambardes, venus pour le spectacle global et non pour supporter un neveu ou un petit cousin : suivre quelques équipes de bout en bout ou piocher ici et là des affiches au hasard ? On entend au détour d’une conversation que Roma-Lille était un match de haut niveau, que le PSV est bien parti pour succéder à l’Ajax… Mais les prédictions se révèlent délicates et les huit groupes de six équipes semblent avoir du plaisir à offrir. Après quelques allers-retours aux quatre coins du stade, la Juve et le FC Nantes, placés dans la même poule, nous apparaissent comme des candidats crédibles à la victoire finale, tout comme Málaga et le Hertha Berlin. Les Bianconeri sont les plus appliqués dans le jeu, les Berlinois les plus enthousiasmants. Avec leur gardien un peu fou qui n’hésite pas à partir en dribbles jusque dans le camp adverse et leur numéro 11 assez phénoménal, les Allemands, bien supportés en tribunes, auront grandement participé à égayer la phase de groupes.

Ange gardien et nounou d’enfer

Mais lorsque la phase finale arrive le dimanche, la pression de l’élimination et la fatigue accumulée la veille et le matin même (cinq matchs de poule de treize minutes) se ressentent. Les matchs se tendent, offrant parfois des scénarios dingues, à l’image de l’alléchant Málaga-Nantes (1-2) où les filets ont tremblé deux fois plus que le score ne l’indique. Le jeu change progressivement, devenant à la fois moins attrayant et plus intense. La construction laisse davantage place aux frappes lointaines. Le ballon se dispute au milieu, mais les matchs se gagnent désormais de plus en plus par les différences de niveau aux extrémités. À ce jeu-là, Caen et Bordeaux, sortis seconds de leur poule, dévoilent un sacré avantage : le gardien des Girondins dispose d’un instinct remarquable dans les séances de tirs au but alors que le numéro 9 du Stade Malherbe dégage une puissance ahurissante. C’est comme cela, au bout du suspense, que les Bordelais ont notamment écarté deux des favoris de la compétition – la Juve et Chelsea – pour se hisser jusqu’en finale et retrouver les Caennais, tombeurs tour à tour du PSV, de Nantes et d’une très bonne équipe d’Anderlecht. Les matchs de classement défilent, on retrouve notre soldat nantais préféré sur une civière et sous les applaudissements. Ça nous brise le cœur, mais ça ressemble à une sortie de héros.

Parmi les centaines d’anonymes, bénévoles et apprentis footballeurs, deux héros rennais un peu plus âgés se baladent. Petr Čech débarque sur la pelouse pour passer une annonce au micro : il a un enfant qui lui tient la main et ce n’est pas le sien. Jimmy Briand dit oui aux selfies, la foule se rassemble autour du terrain « Cobi » , l’ultime foulée vers le Graal peut commencer. Sur la pelouse, les rêves d’enfants se mêlent aux craintes déjà adultes. Dans un match crispant, Emmanuel, le dragster caennais, fait finalement la différence par deux fois. Bordeaux revient, mais il est déjà trop tard. Caen n’a désormais que faire du ballon, car la coupe lui tend les bras. Il le dégage au loin, l’arbitre siffle enfin, des gamins de Nîmes envahissent le terrain juste pour le plaisir de s’offrir un dernier souvenir. Doucement, la foule se disperse. Pleudihen peut laisser ses enfants rejoindre le vacarme des villes du continent et préparer sereinement son autre événement des beaux jours : la traditionnelle fête du blé. D’ici là, le rêve européen d’une bande de copains aura déjà conquis toutes les oreilles attentives de Normandie.

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