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Le tournoi des paroisses que vous n’avez pas regardé

Par Arthur Stroebele et Barnabé Devaux
Le tournoi des paroisses que vous n’avez pas regardé

Une messe, un repas et du football. Voilà le programme de la quatrième édition du tournoi des paroisses qui s’est déroulé à Clamart ce samedi. Et à l’instar du Real Madrid en Ligue des champions, la paroisse Saint-Laurent y a réalisé un triplé historique. Pour l’éternité.

« Maintenant qu’on vient de faire la chose la plus importante de notre journée, on peut aller jouer au foot ! » C’est par ces mots que Thomas de Sauvage, professeur de philosophie et organisateur de la compétition, clôture la messe inaugurale du quatrième tournoi des paroisses. Une cinquantaine de fidèles — qui deviendront joueurs une fois la cérémonie terminée — sont massés dans l’église Saint-François de Sales, ce samedi matin. Les ballons sont cachés sous les bancs, à côté des sacs de sport et des maillots de l’équipe de France. Sur le parvis, en attendant que tout le monde sorte, les plus jeunes claquent leurs premières passes : « Ça tape des grandes transversales devant l’église » , s’amuse un membre de la paroisse de Saint-Marc des Bruyères. La petite foule se met en marche vers les terrains synthétiques, mis à disposition par la mairie de Clamart. Une dizaine de minutes plus tard, les paroisses sont à l’échauffement et le tirage au sort des poules s’effectue en présence des capitaines. « Saint-Laurent contre Bon Conseil, terrain 3. Match de douze minutes, sept contre sept. En place ! » crie Julien au micro, venu aider à l’organisation.

« Le lien entre le foot et notre religion se trouve dans l’étymologie : église catholique, ça veut dire église universelle, et le foot est le sport le plus universel qui soit » , détaille Thomas. Ce supporter du PSG, nostalgique de l’époque Raí et Djorkaeff, regrette la tournure prise par son club et l’étiolement « du lien entre le centre de formation et l’équipe principale » . Au point de ne plus se rendre au stade, depuis plusieurs années. Côté tournoi, les matchs de poules s’enchaînent, et le niveau très hétérogène — parfois dicté par l’écart d’âge entre les joueurs (de seize à cinquante ans) — permet rapidement de cerner les favoris. Un regret néanmoins, pour Thomas : en pleine Coupe du monde féminine, aucune fille ne participe au tournoi.

Deux équipes du centre d’hébergement d’urgence de Clamart invitées

Mais cette année, en plus de neuf paroisses inscrites, deux équipes constituées des demandeurs d’asile du centre d’hébergement d’urgence de Clamart ont été invitées. Les joueurs viennent d’Afghanistan, du Soudan, d’Éthiopie ou encore d’Érythrée. Petite particularité pour ce tournoi inter-paroisse, puisque la plupart des joueurs sont musulmans. Leur première participation est scrutée avec attention, mais pour Bénédicte, bénévole auprès des jeunes du centre, l’essentiel n’est pas sportif. « Ils vivent dans des conditions très difficiles, et n’ont jamais l’occasion de construire des belles choses en commun, explique-t-elle. Ce tournoi, c’est une bouffée d’air frais. » Asghar, jeune Afghan de 22 ans qui a obtenu l’asile il y a quelques mois, confirme : « Ça fait du bien de voir d’autres personnes. On progresse même en français, grâce à ça » , lance-t-il.

Les matchs de poules terminés, pas de surprise dans les équipes qualifiées. Le double tenant du titre — la paroisse Saint-Laurent — ne trébuche pas, et se retrouve en quarts de finale. Les outsiders de la paroisse Saint-Luc passent aussi les poules, comme les deux équipes de Clamart. Le soleil cogne de plus en plus fort, alors que le repas de midi approche. L’autre moment spirituel de la journée. Sur des tables installées dans l’allée séparant les deux terrains, chaque effectif ramène des salades de pâtes, de riz, des chips et des tourtes. Mais une fois le repas partagé et la prière prononcée, la compétition prend le pas. L’intensité augmente, et les plaintes de l’équipe du Bon Conseil envers les arbitres se multiplient. Au moins autant que le nombre de penaltys oubliés, charité oblige. Un terme que l’équipe de Saint-Laurent a certainement oublié, après avoir écrasé 6-0 la paroisse Sainte-Cécile en quarts. Grâce notamment à la défense centrale, menée par le père Philippe.

« Pas de pull autour de la taille, des mocassins et une raie »

Car oui : aujourd’hui, l’homme d’Église a troqué sa soutane matinale pour le maillot de la paroisse du 10e arrondissement de la capitale. Numéro 3 sur le dos, le pugnace père Philippe défend avec hargne — et fair-play — son camp malgré sa différence d’âge avec les autres membres de l’équipe. « C’est un temps privilégié, ça crée de vrais moments de complicité entre les jeunes, explique-t-il. En tant que prêtre, ça me permet aussi de les connaître et de tisser des liens qui peuvent les aider à se confesser. » Avant chaque rencontre, le petit groupe se rassemble et prie en cercle sur le terrain. « Je leur donne ma bénédiction, mais ce sont les jeunes qui ont décrété qu’il fallait prier, pas moi ! » rigole le prêtre. Prière conclue par un original – mais déroutant – cri de guerre : « Saint Laurent, priez pour nous ! »

Contrairement aux équipes de Clamart, éliminées en quarts de finale dans l’autre partie du tableau, la paroisse Saint Laurent compte bien aller au bout et conserver son titre. Jean-Paul, capitaine et attaquant de l’équipe, ne cache pas ses ambitions : « On vient pour le triplé, mais tout le monde nous connaît, on est l’équipe à battre. » Avec son numéro 9 sur le dos, Jean-Paul fait trembler les gardiens adverses, mais n’oublie pas pourquoi il est là ce samedi. C’est notamment lui qui est allé lire un extrait de l’évangile, lors de la messe du matin. « Le spirituel est très important pour nous, parce que c’est ce qui nous lie. On ne se connaît pas grâce au foot, mais grâce à l’église » , explique le jeune homme. Saint Laurent se débarrasse facilement de l’équipe du Bon Conseil en demi-finales (3-0), seule équipe qui l’avait accroché jusqu’ici (1-1, en poules). À la sortie du terrain, le compétiteur Jean-Paul assure que sa foi n’est pas incompatible avec le foot : « On est là pour la bagarre ! Ce n’est pas parce qu’on vient d’une paroisse qu’on est obligé d’avoir le pull autour de la taille, des mocassins bateaux et une raie sur le côté » , ironise-t-il.

Jamais deux sans trois

La finale oppose donc Saint-Laurent aux joueurs de la paroisse Saint-Luc qui, après s’être qualifiés aux tirs au but, se sont empressés d’appeler leur prêtre pour annoncer la nouvelle. Pas de réponse, mais un SMS fuse : « On est, on est, on est en finale ! » Axon, capitaine de l’équipe, a pris le temps d’observer son adversaire au fil de la journée. « Le numéro 14 et le numéro 9, va falloir les serrer : ils sont très forts, mais on y croit » , s’enthousiasme celui qui aborde le haut de l’équipe de France en guise de maillot. Excès de confiance ou euphorie de la qualification, Axon et les siens se font terrasser en finale par les hommes du père Philippe (6-1).

Une fois le classement final annoncé au micro par Thomas, les vainqueurs reçoivent la coupe. Mais le père Philippe, lui, n’en oublie pas son premier rôle et tente de convaincre les triples champions de venir à la messe du dimanche matin. Pour l’organisateur, la quatrième édition du tournoi des paroisses est une nouvelle réussite. Débutée dans une cour d’école il y a quatre ans, la compétition prend de plus en plus d’ampleur et le concept pourrait prochainement être étendu sur toute une saison. « J’ai l’idée de créer un championnat. Ça permettrait d’offrir un prolongement à cette journée, parce qu’une fois la journée terminée, on n’est plus en contact avec les autres paroisses. L’idée me titille. » Idéal pour remplacer les samedis après-midi au Parc des Princes.

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Tous propos recueillis par AS et BD
Photos : AS et BD

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