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Le Shakhtar à la croisée des chemins

Par Christophe Depincé
Le Shakhtar à la croisée des chemins

Alors que l'Europe du football n'a d'yeux que pour le Naples de Maurizio Sarri, le Shakhtar Donetsk de Paulo Fonseca est à un pas d'arracher une qualification qui l'imposerait de nouveau comme le porte-étendard du football de l'Est.

Un petit point, voire moins, voilà ce qui manque au Shakhtar Donetsk pour s’extirper d’un groupe composé d’un des principaux favoris de la compétition, d’un de ses outsiders les plus enthousiasmants et du champion des Pays-Bas. Comptant six points d’avance sur les Napolitains qu’ils ont battus 2-1 à l’aller, les hommes de Paulo Fonseca pourraient même se contenter ce soir d’une défaite courte, mais riche en buts (3-2, 4-3…) grâce à la différence particulière. Pas une mince affaire au vu de la forme du club italien, toujours invaincu en championnat et valeureux lors de sa double défaite contre Manchester City en Ligue des champions, mais loin d’être une mission impossible pour le champion d’Ukraine, habitué aux joutes européennes.

Quand les Paulo n’étaient pas à la mode

Difficile d’évoquer le Shakhtar sans penser à l’héritage laissé par Mircea Lucescu, qui a su enchaîner les cycles et faire grandir le club entre 2004 et 2016. Huit fois champion d’Ukraine, quintuple vainqueur de la coupe locale et vainqueur de la Coupe de l’UEFA en 2009 après un parcours épique qui avait vu son équipe éliminer le rival Dynamo Kiev en demi-finale, le technicien roumain s’est finalement envolé pour un autre néo-géant de l’Est, le Zénith Saint-Pétersbourg, sur un double « échec » amer : une demi-finale de Ligue Europa contre Séville et une seconde place en championnat derrière un Dynamo Kiev bien moins séduisant, mais plus rigoureux. « Lucescu est une légende du Shakhtar. Il a amené le club au plus haut niveau. Il était notre professeur, non seulement dans le football, mais aussi dans la vie. Mais il nous faut avancer. Nous devons apprendre à vivre sans le Mister » , dira en son hommage une autre légende locale, Darijo Srna.

On juge un entraîneur à ce qu’il a réalisé, mais également à ce qu’il laisse. Là où les méthodes de certains usent les clubs jusqu’à condamner leurs successeurs qui n’y trouvent qu’une terre brûlée, Lucescu est parti en laissant la maison propre et bien organisée, malgré un déménagement forcé à Lviv (ville située à l’autre bout du pays, à environ 1 300 kilomètres à l’ouest de Donetsk) en raison de la guerre du Donbass (dans laquelle certains ultras du club sont engagés). Restait à dénicher un successeur qui ait les épaules. Le choix s’est porté sur Paulo Fonseca, jeune entraîneur à la cote mouvante au Portugal. Après avoir accompli des miracles avec Paços de Ferreira en 2013, le natif du Mozambique a raté le grand saut obligé pour tout rookie des bancs portugais : réussir dans l’un des trois monstres sacrés du pays.

Porto lui a offert sa chance aussi vite qu’il lui a retiré sa confiance. Fonseca a dû alors reconstruire sa réputation, encore une fois à Paços de Ferreira, mais surtout au Sporting Braga, avec lequel il a remporté la coupe du Portugal contre Porto et atteint les quarts de finale de Ligue Europa face au… Shakhtar Donetsk. À l’aise dans les chaussons que lui avait laissés Lucescu, le technicien portugais a vite pris la mesure de son nouveau poste, dominant aisément le championnat local, mais il s’est aussi embourbé sur la scène continentale.

À la conquête de l’Ouest… et de l’Est

Champion en titre, le Shakhtar s’est évité cette saison les aléas des tours préliminaires. Meilleur représentant du foot de l’Est en Europe cette dernière décennie (deux huitièmes et un quart de finale en C1 ; un quart, une demie et une victoire en C3), le club du milliardaire Rinat Akhmetov est à un petit tournant de son histoire : demeurer comme le simple fer de lance du football ukrainien devant le Dynamo Kiev ou franchir un véritable cap en visitant plus régulièrement le top 16 européen. Désormais installé à Kharkiv (300 kilomètres au nord de Donetsk) à la suite de la faillite du club local et débarrassé de l’hostilité qui régnait à son encontre à Lviv (où la population soutient davantage le Dynamo Kiev), le Shakhtar ne désespère pas de retrouver bientôt son magnifique stade de la Donbass Arena, alors qu’il lui est arrivé parfois ces dernières années de jouer devant moins de 2 000 spectateurs à « domicile » .

Toujours emmenée par une colonie de Brésiliens de second rang (Bernard, Taison et Marlos forment la ligne de milieux offensifs de l’habituel 4-2-3-1), une poignée d’Argentins (le buteur Facundo Perreyra) et une petite majorité d’internationaux locaux (Pyatov, Stepanenko, Kovalenko, Butko…), l’équipe de Paulo Fonseca ne semble pas avoir rompu avec les traditions instaurées par Lucescu. Un jeu virevoltant, avec du mouvement sur les côtés, des combinaisons en une touche pour perforer l’axe et toujours cette même impression de football « positif » dégagée à chaque sortie européenne. Pep Guardiola n’avait d’ailleurs pas manqué de souligner la qualité d’un collectif qui avait bousculé le sien pendant une heure à l’Etihad Stadium. Mais, ce soir, bousculer ne suffira pas, il faudra mettre à terre Naples devant ses supporters et l’Europe entière. Pour exister toujours davantage, malgré l’exil, à l’ouest et à l’est.

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Shakhtar Donetsk

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