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Le onze de rêve du Stade de Reims

Par Yann Bouchez
Le onze de rêve du Stade de Reims

Qui a dit que le stade Auguste-Delaune ne pouvait plus pétiller ? L'exploit des hommes d'Hubert Fournier face aux Parisiens a dû rappeler de vieux souvenirs à quelques spectateurs septuagénaires. Qui sont bien placés pour savoir que si les grands clubs ne meurent jamais, la résurrection est parfois longue à venir. Le stade de Reims aura dû attendre trente-trois ans - un âge christique, souligneront ses thuriféraires - pour retrouver le plus haut niveau national. Trois décennies de purgatoire marquées par des chutes sportives, des relégations administratives et même une liquidation judiciaire, en 1991. Des déboires qui n’ont pas réussi à faire oublier une époque bénie, au temps du noir et blanc. Robert, Roger, Raymond ou Lucien : les prénoms de notre Onze de rêve fleurent bon l’ORTF. A Reims, on sait que les meilleurs millésimes viennent avec les années. La nostalgie, c’est divin.

Dominique Colonna :

« Doumé », comme on l’appelle à Corte, où ce gamin de Haute-Corse enfila ses premiers gants, a eu une carrière bien remplie. Quinze ans crescendo. Après avoir brillé avec la laborieuse équipe du Stade Français, il rejoint Nice, puis s’installe pour six saisons à Reims. Il y récoltera trois titres de champion de France et une finale de Coupe d’Europe. Perdue, malgré un penalty détourné face au grand Real.


Défenseurs

Roger Marche :

Avec ses gros cuissots velus, son short remonté jusqu’au nombril, ses dents du bonheur et sa calvitie précoce, Roger en imposait. Sûrement pour ça que le mec, né à côté de Charleville-Mézières, était surnommé le « sanglier des Ardennes ». Il faut dire qu’avant de se consacrer au ballon, Roger avait brillé en athlétisme sur 400 mètres et au lancer de poids. Il remporte deux titres de champion et la Coupe latine avec Reims, puis rejoint le RC Paris. Avec l’équipe de France, il sera longtemps le recordman de sélections (63). Du costaud, on vous dit.

Robert Jonquet :

Plus fin et élégant que Roger Marche mais aussi efficace, « Bob » aura passé 18 ans au Stade de Reims. Résumer l’empreinte du beau gosse sur le Stade paraît difficile. On essaie, en quelques chiffres : 502 matchs, cinq championnats, deux Coupes de France, deux finales de Coupe d’Europe, trois saisons sur le banc d’Auguste-Delaune comme entraîneur du Stade. De quoi mériter une tribune baptisée à son nom dans l’enceinte rénovée, en février 2008. Pépère, Robert peut s’en aller, fin décembre de la même année, deux semaines après l’inauguration du nouveau stade. Reims in peace.

René Masclaux :

Quand ton père – ou ton grand-père – gueule devant l’écran plasma en regrettant le « bon vieux temps » où les joueurs n’étaient pas des mercenaires, sûrement pense-t-il à René Masclaux. Ou pas. Seize ans de foot de haut niveau et un seul club. Formé à Reims, René est né trop tard pour goûter aux finales de Coupe d’Europe. Il sera champion de… D2 en 1966 et vainqueur de la Coupe… des Alpes, en 1977. René, ou la fidélité mal récompensée.

Michel Leblond :

Le discret brun – une sorte de Jérémy Toulalan pour la polyvalence et la ressemblance physique, sans les cheveux blancs – a fait partie de l’époque football champagne de Reims. Milieu besogneux ou arrière à l’occasion, il est un peu comme la part des anges, cette quantité d’alcool qui s’évanouit pendant le vieillissement en fût : avec les années, son nom s’est évaporé, disparaissant de la mémoire collective. Mais les connaisseurs ne l’ont pas oublié.


Milieux

Jean Vincent :

A cheval sur les fifties et les sixties, Jean Vincent plantait (rien à voir avec le sénateur de l’Essonne), et plutôt pas mal. Aux côtés de Fontaine, Piantoni et Kopa de retour du Real, Reims termine champion en 1960, avec 109 buts au compteur. Cette année-là, Jean Vincent en marqua 14. Seulement 14 ?

Raymond Kopa :

Raymond Kopaczewski, aka Kopa, aura joué de 1951 à 1967 au stade de Reims, un club qui le faisait déjà kiffer quand il jouait près des terrils, du côté de Noeux-les-mines. Le Ballon d’Or 1958 s’est quand même permis une parenthèse d’infidélité en rejoignant le Real Madrid pour trois saisons. Où il a quand même gagné trois Coupes d’Europe. Pas mal. Mais du coup, Raymond n’a jamais remporté la Coupe de France. Robert Jonquet likes this.

Roger Piantoni :

Mercato 1957. Les transferts s’emballent. Raymond Kopa s’en va voir du côté de Madrid. Reims en profite pour faire venir Roger Piantoni contre une coquette somme : 25 millions de francs – on parle d’anciens francs, les enfants… 38 000 euros, quoi. Un investissement plutôt rentable puisque le « Bout d’chou » va planter 145 buts en moins de 200 matchs et sept saisons chez les Rouge et Blanc.

Carlos Bianchi :

En 1973, alors que la France subit la première crise pétrolière, Reims fait venir un joueur qui carbure bien depuis six saisons au Velez Sarsfield. Carlos Bianchi vient de planter plus de 120 buts en 165 matchs en Argentine. A Reims, un club déjà sur le déclin, El Goleador ne garnira pas son palmarès mais le dépaysement ne trouble pas plus que ça le grand dégarni : il enfile les saisons à plus de 30 buts et termine trois fois meilleur buteur du championnat avant de rejoindre Paris.


Attaquants

Just Fontaine :

A Reims, « Justo » a connu un vrai calvaire : fêter les victoires avec des bulles, lui qui ne supporte pas le champagne. Terrible. Et on espère qu’il ne s’est pas infligé une coupe pour célébrer chaque but : avec 121 pions en six saisons de D1, il reste le meilleur buteur du club. Prends ça, Cédric Fauré.

Bram Appel :

Bien avant Apple, Appel a inventé le « think different ». Dans l’équipe néerlandaise des travailleurs enrôlés de force par l’Allemagne, Abraham Leonardus refuse de faire le salut hitlérien. Si la Seconde Guerre mondiale marque son début de carrière, Bram montrera ensuite tout son talent à Reims, avec 96 pions en cinq saisons, participant aux premiers titres du club champenois.


Remplaçants

Albert Batteux :

« Au premier entraînement, ce n’est pas moi mais eux qui m’ont entraîné ». En toute humilité, Albert Batteux a commencé sa carrière d’entraîneur alors qu’il n’était pas trentenaire. Sur le banc, Bébert la science a presque tout gagné. Tellement fort qu’il entraînait aussi l’équipe de France en même temps, avec une troisième place à la Coupe du monde 1958. Il y avait une petite moitié de joueurs rémois chez les Bleus, mais personne n’a jamais crié au conflit d’intérêt.

Lucien Muller :

Aucun lien de famille avec Joël. Ni avec Gerd ou Patrick. Encore moins avec Yvan. Pas plus qu’avec Gilles.

Delio Onnis :

Après deux saisons et 39 buts au Stade de Reims, Monaco se dit que ce petit dribbleur allergique aux protège-tibias pourrait faire l’affaire, s’il maintient ce rythme. Delio fera bien mieux que ça…

Rosario Giannetta :

Rosario, avec son nom de cornet de glace, mérite sa place dans cette équipe de rêve. Parce qu’un mec qui, après une carrière à écumer la D2 dans les années 1980, revient au club de ses débuts pour filer un coup de main en DH, c’est beau. Et parce que Gerardo et Tony, les frangins, ont aussi donné pour le Stade.

Cédric Fauré :

Le grand Cédric a un vrai problème avec la Ligue 1. Rappel des faits : en 2004, il quitte Toulouse, où il avait pourtant participé à la remontée et au maintien des Pitchouns en Ligue 1, pour rejoindre l’En Avant Guingamp. En 2008, il quitte le Stade de Reims, où il jouait depuis 2006, pour goûter au plus haut niveau avec Le Havre. Six mois et trois buts plus tard, il retourne en Champagne pour une mission maintien en Ligue 2. Meilleur buteur de National, puis de Ligue 2 avec Reims, où il est apprécié, il va enfin pouvoir savourer la Ligue 1 en août. Ah, non, en fait, il est parti cet été…


Par Yann Bouchez

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