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Le Napoli et l'héritage Maurizio Sarri
Alors que le Napoli roule sur le championnat italien depuis le mois d’août, un certain Maurizio Sarri sera en visite au Diego Armando Maradona avec sa Lazio. Si l’actuel tacticien romain a quitté la Campanie il y a maintenant quatre ans et demi, l’héritage de son fameux « Sarrismo » reste toujours très marqué.
À la sortie de la victoire de la Lazio (1-0) face à la Samp, les journalistes italiens présents en conférence de presse n’avaient guère envie de s’attarder sur le contenu de cette purge. Très vite, ces derniers ont orienté leurs questions sur le déplacement sur la pelouse du Napoli, où Sarri a bâti sa légende. Réponse du Mister : « Ce Napoli joue un football encore plus attractif que les saisons précédentes. Depuis gamin, je supportais cette équipe, je me considérais comme l’un des leurs. » Mais le sexagénaire le sait, cette venue à Naples « n’est jamais un match comme les autres », comme il le déclarait lui-même en janvier 2020 lors de son retour avec la Juve.
Maurice le poseur de fondations
Rembobinons la cassette. Installé sur le banc vétuste de San Paolo de 2015 à 2018, Maurizio Sarri aura marqué son empreinte dans la ville de Francesco Rosi avec son très fameux « Sarrismo », un football très offensif et spectaculaire, en témoignent les 95 buts inscrits lors de l’exercice 2016-2017 ou encore les 91 points glanés la saison suivante. Alors que le Calcio se voulait ronronnant, la bande de Maurice est parvenue à ramener un bol d’air frais dans la Botte avec son jeu bien huilé, parvenant même à tenir tête à la Juve, jusque-là intouchable. Sous les ordres de l’ancien banquier, Hamšík, Insigne, Koulibaly, Jorginho ou encore Mertens vont être au sommet de leur art. « Sarri m’a tout simplement changé la vie », lâchait même le Belge en 2020 pour l’UEFA.
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« Avec son football, Sarri est parvenu à faire douter la Juve. Le jeu de ce Napoli est tout simplement un délice », déclarait même un certain Pep Guardiola. Malgré ce football total et plusieurs records glanés (Sarri deviendra l’entraîneur de l’histoire du Napoli avec la plus haute moyenne de points par match avec un total de 2,27), le tacticien à la dégaine frauduleuse ne parviendra néanmoins jamais à ramener un trophée dans la cité parthénopéenne. Oui mais voilà, à Naples, l’essentiel est ailleurs. Par le spectacle proposé chaque week-end pendant trois ans, Maurizio Sarri n’est pas près d’être oublié par les supporters napolitains : « Il restera dans notre cœur même s’il n’est jamais parvenu à ramener un trophée. Le football de Sarri a été un don du ciel, je n’ai jamais vu mon équipe aussi bien jouer. C’était un véritable spectacle, avec l’impression qu’il contrôlait cette équipe comme sur la PlayStation », se remémore Michele, secrétaire et membre actif du groupe Napoli Club Arezzo O’Sarracino.
2.27 – Maurizio #Sarri picked up 2.27 points per game as Napoli manager, the highest average for an Azzurri's manager in their Serie A history. Sarrismo. pic.twitter.com/4ZipDJm28E
— OptaPaolo (@OptaPaolo) May 23, 2018
Comme toutes les bonnes choses ont une fin, Maurizio quittera la Campanie au printemps 2018. L’occasion pour les tifosi de lui rendre plusieurs hommages, comme cette plaque commémorative (puis enlevée lors de son arrivée à Turin en 2019) à son honneur dans la ville de Bagnoli, en banlieue napolitaine, où vivait l’accro à la nicotine : « Ici est né le commandant Sarri. Le peuple napolitain remercie le créateur de la beauté. » Un divorce qui sera épineux pour les deux parties. Maurizio Sarri enchaînera les expériences peu concluantes à Chelsea (où les supporters n’ont pas arrêté de crier le fameux « Fuck Sarriball » dans les travées de Stamford Bridge) puis à la Juve. De leur côté, les Partenopei vont vivre trois saisons compliquées sous les ordres de Carlo Ancelotti et de Gennaro Gattuso. Puis un certain Luciano Spalletti a posé ses valises au pied du Vésuve.
Du « Sarrismo » au « Spallettismo »
En octobre dernier, lors d’un entretien accordé au Corriere della Sera, Kalidou Coulibaly déclarait, maladroitement il faut l’avouer, que « si le Napoli parvenait à remporter ce Scudetto, ce serait aussi le (s)ien. » Mais alors quid de Maurizio Sarri ? Si le tacticien italien a quitté Naples il y a maintenant quatre ans et demi et que le visage de cette équipe a drastiquement changé (seuls Zieliński et Mário Rui étaient là lorsque Sarri tenait les rênes de l’équipe), l’héritage laissé est difficilement contestable. Outre le dispositif (4-3-3 pour le Naples de Sarri et de Spalletti) et des profils semblables (Osimhen-Higuain, Kim Min-jae-Koulibaly, Allan-Anguissa, Zieliński-Zieliński), ce Napoli sous Spalletti a quelques similitudes avec celui de Sarri en matière de style de jeu : un football très offensif avec une volonté de multiplier les séquences de possession ponctuée par un pressing très intense dès la perte du ballon.
Luciano Spalletti reconnaît cet héritage prodigué par ce bon vieux Maurice : « Sarri est parvenu à laisser son empreinte ici, même sans remporter un trophée. Parfois, vous parvenez à vraiment marquer les esprits avec votre philosophie, c’est ce qu’est parvenu à faire Maurizio. » Si l’inspiration est claire, ce Napoli 2022-2023 est une version améliorée de celui qui sévissait quatre ans auparavant. « Le Napoli et surtout Giuntoli (directeur sportif du club, NDLR) se sont montrés très courageux en remplaçant des joueurs d’expérience par la jeunesse, avançait Sarri après la victoire face à Samp. Ce Napoli est peut-être plus physique et avec une plus grosse profondeur de banc que le mien. »
Si l’héritage footballistique de l’homme capable de « fumer 70 cigarettes par jour » est incontesté et incontestable, les tifosi se veulent très divergents concernant l’amour qu’il faut porter à l’homme de 64 ans. Si certains restent toujours extrêmement attachés à Sarri, comme Agostino Ialunese, président du groupe de supporters Club Napoli Maurizio Sarri, qui souhaite que « le stade l’applaudisse et se montre reconnaissant pour son travail et son héritage », d’autres n’ont pas digéré la pige de Sarri à Turin lors de l’exercice 2019-2020. « Ce vendredi, il ne sera pas accueilli comme il le souhaiterait. Nous, Napolitains, on ne peut pas déclarer notre flamme à quelqu’un qui a défendu ces couleurs », argumente Michele. Preuve en est, lors de son retour avec le survêtement de la Vieille Dame en janvier 2020, plusieurs banderoles déployées l’avaient qualifié de « bâtard » et de « traître ». C’est cliché certes, mais à Naples, on ne plaisante pas avec la loyauté.
Par Tristan Pubert