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« Le meilleur endroit pour jouer au foot, c’est le Vélodrome »

Propos recueillis par Maxime Brigand
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C'était une grande gueule du début de siècle. Un homme passionné et passionnant, fidèle jusqu'au bout des boucles. Retiré du foot à Split depuis maintenant cinq ans, Vedran Runje rembobine quinze ans de foot du bout de ses quarante piges. Avec le cœur.

La France t’a quitté sur une dernière aventure avec le RC Lens, en mai 2011. Tu as plusieurs fois expliqué que cette aventure t’avait marqué psychologiquement. Comment peux-tu l’expliquer avec du recul ?Oui, ça m’a touché. C’est pour ça que je suis parti à la fin de la saison et que j’ai décidé d’arrêter le football. Ce n’était plus possible pour moi de continuer à jouer dans une telle situation. J’étais à la fin de mon aventure, je sentais que je ne pouvais pas apporter plus. C’était plus simple pour moi d’arrêter là, même si ce n’était pas une décision facile à prendre. Pour moi, c’était qu’une question d’honnêteté.

Depuis ton arrivée en 2007, tu avais réussi à développer une relation particulière avec les supporters du club. Comment tu pourrais la décrire ?On va dire que comme dans toutes relations, il y a des hauts et des bas. Dans un club de foot, ça dépend des résultats, c’est normal. À Lens, je suis arrivé à une période où les résultats n’étaient pas bons. Malgré ça, avec les supporters, ça se passait bien pour moi. Reste qu’au bout d’un moment, quand ça ne va plus, la situation se retourne et il faut accepter la critique. J’avais envie d’apporter encore plus à ce club et je n’ai pas réussi. Après, il y a eu cette histoire après le match à Lorient (après une défaite à Lorient 3-0, le 11 décembre 2010, Vedran Runje avait insulté les supporters, ndlr). Je n’ai pas été très fier de ça, ce n’était pas une bonne réaction de ma part, mais j’ai réagi sur l’instant. C’était de la frustration.

Il y aussi une image que l’on retient : le tifo géant réalisé par les supporters du RC Lens, en décembre 2008, avec un message en croate, « Nous avons beaucoup de respect pour toi Vedran. Merci d’être là » . On était en Ligue 2 à ce moment-là. Déjà, ce n’est pas normal pour un club comme ça, surtout avec l’équipe que l’on avait la saison précédente, mais bon, c’est arrivé. C’est le foot, et j’ai décidé de rester. Les supporters ont respecté ça et ils ont fait ce tifo pour moi. C’est à ce moment que j’ai choisi de finir ma carrière à Lens. On voulait remonter tout de suite, mais malheureusement, à cause des problèmes avec la DNCG, le club ne pouvait pas recruter. La situation était compliquée, ça jouait dans notre tête et tout a pété à Lorient quand j’ai eu cette réaction.

Tomislav Ivić a su voir quelque chose en moi, et grâce à ça, j’ai fait quelque chose de bien dans ma carrière.

Pourquoi, après la descente, tu avais décidé de rester à Lens ?Avant ça, j’étais en Turquie, à Beşiktaş, où on avait terminé deuxièmes du championnat et remporté la Coupe de Turquie. J’avais l’opportunité de jouer la Ligue des champions, mais, pour moi, Lens était un bon projet. Je suis arrivé dans un club qui était bien et qui est descendu. Je pense que, quand ça va mal, il faut aussi être honnête et rendre la confiance. Quand ça marche mal, il faut rester pour donner un coup de main. J’aurais pu trouver un autre club, j’étais international, mais j’ai souhaité rester. C’était prioritaire pour moi, avec l’équipe, de faire remonter le club rapidement.

Est-ce qu’aujourd’hui tu continues à suivre les résultats du club ?Oui, je suis aussi toujours en contact avec certaines personnes qui y travaillent. Il n’y a pas longtemps, j’étais de passage en Belgique, et je suis venu voir quelques matchs. C’est un club de mon cœur, comme tous ceux où je suis passé.

Toi, tu as commencé ta carrière à Split. L’Hajduk est un monument dans le pays, mais vit aujourd’hui dans l’ombre du Dinamo. Qu’est-ce que ça représentait pour toi de jouer pour cette institution ?Je suis parti au Standard en 1998. Le Dinamo gagne tout depuis une dizaine d’années, mais dans l’histoire de l’ex-Yougoslavie, le Hajduk était un grand club. J’ai signé mon premier contrat à l’âge de 17 ans. J’étais un espoir du club, du pays, mais à la fin de mon contrat, j’ai eu la possibilité de partir en Belgique. Mon objectif était de partir jouer à l’étranger. Chez nous, le championnat était correct, mais pour moi, partir était une priorité.

Ton entraîneur, à l’époque, était le monument Tomislav Ivić. Il a été avec toi au Standard et à l’OM aussi. Comment a-t-il compté dans ta carrière ?Il a su voir quelque chose en moi, et grâce à ça, j’ai fait quelque chose de bien dans ma carrière. À cette époque, il était directeur sportif et entraîneur. C’est un rôle un peu particulier et il était aussi consultant de l’entraîneur de l’Hajduk. Je n’étais pas vraiment titulaire et quand il est parti à Liège, il m’a emmené avec lui et deux autres joueurs.

À Split, l’OM a la même image que l’Hajduk. Celle du club de province qui se bat contre la capitale. Je crois que même ici, Marseille est un mythe grâce à Skoblar, la finale de C1 en 91 contre l’Étoile rouge.

Très rapidement, tu es devenu l’un des meilleurs gardiens du championnat belge, si ce n’est le meilleur. Qu’est-ce que t’a apporté le football belge ?J’avais 21 ans. J’ai changé dans mon jeu, mais en arrivant, je ne comprenais pas le français. Avec l’entraîneur, ça m’aidait. Je m’occupais de mon boulot, et la première saison, j’ai été élu meilleur gardien du championnat par les joueurs. C’est quelque chose qui m’a aidé par la suite parce que j’étais reconnu. Comme partout, après, tu as besoin de beaucoup de chance.

C’est à ce moment-là que tu as signé à Marseille, en 2001. L’OM a longtemps été une terre de joueurs yougoslaves avec Slišković, Bokšić ou Skoblar. Qu’est-ce que représente l’OM pour un joueur croate ?À l’époque encore, c’était quelque chose. Ici, à Split, l’OM a la même image que l’Hajduk. Celle du club de province qui se bat contre la capitale. Je crois que même ici, Marseille est un mythe grâce à Skoblar, la finale de C1 en 91 contre l’Étoile rouge. C’est quelque chose de mythique. Pour moi, c’était différent, car Marseille luttait pour ne pas descendre. Ce n’était pas évident d’arriver dans une situation pareille, mais c’était un challenge.

Jouer au football avec la pression, la passion, était quelque chose d’important pour toi ?C’est simple : un club sans supporter, ce n’est pas un club. Pour moi, les supporters sont les plus importants. Après, quand ça marche sur le terrain, c’est bien, sinon, il faut accepter les critiques. Même maintenant, depuis que j’ai arrêté, je le vois. Une tribune sans supporter, c’est rien. Quand tu joues dans un grand club, tu dois accepter de vivre avec la pression, ça doit te motiver et pas l’inverse. C’était le cas à l’OM.

Le Vélodrome te connaissait surtout pour ta grande gueule. D’où vient ce caractère ?Je n’ai jamais aimé perdre. C’est pareil dans tous les sports, mais comme tout le monde je pense. Je n’ai pas travaillé sur ma grande gueule, c’est comme ça. Je pense que c’est ma vie qui a construit ça.

Depuis mon arrivée, j’étais devant les autres gardiens. On revient fort et la direction décide de tout changer. Barthez est arrivé. Je n’ai pas compris pourquoi, comment. Même le public était contre cette décision. C’est le football.

Le poste de gardien était une évidence pour toi ?Comme tout le monde, à l’école, je jouais sur le terrain. Gardien, je n’ai pas décidé. Je pense que c’est le poste de gardien qui m’a choisi. Jeune, j’aimais plonger, être dans le but, chambrer les autres qui n’arrivaient pas à marquer.

Du côté de Marseille, la première saison était compliquée, il y avait eu aussi ces deux matchs contre le PSG…Au début, oui, c’était compliqué. La première année, il y a quelque chose comme quinze joueurs qui sont arrivés au club. Tous les jours, un nouveau mec arrivait. C’était pas facile de mettre ça en place sur le terrain mais, neuvième la première saison, c’était déjà mieux qu’une bataille pour la relégation. On connaissait le PSG, on savait que Ronaldinho pouvait nous faire mal. C’était déjà un grand joueur. Tu sais que quand tu joues contre Paris, il te faut un résultat, il faut gagner, pour les supporters. Alors oui, Ronaldinho nous a fait mal. La suite a montré le joueur qu’il était, mais, sur le moment, ça faisait mal quand même.

La saison suivante, vous accrochez la Ligue des champions.(Il coupe) C’est ce qui montre que l’OM est un grand club. Tu te bats pour ne pas descendre et deux ans après tu fais revenir la Coupe d’Europe au stade. C’est quand même fort. En Europe, en 2003-04, on avait une grosse poule avec le Real, Porto et Belgrade. C’était une grande saison pour le club, mais pour moi, c’était le début des problèmes.

En janvier 2004, Barthez arrive en prêt et te pousse sur le banc. Tu ne joueras plus avec l’OM. Comment as-tu vécu cette situation ?Honnêtement, même aujourd’hui, je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Depuis mon arrivée, j’étais devant les autres gardiens, dans un club qui ne voulait pas descendre. On revient fort et la direction décide de tout changer. On m’a changé moi, Barthez est arrivé. Je n’ai pas compris pourquoi, comment, ce qui est arrivé est arrivé mais même le public était contre cette décision. C’est le football.

Si je regarde tous les joueurs avec qui j’ai joué, la plupart avait peur en Turquie, mais à Marseille, ils se dépassaient. C’est difficilement descriptible.

Cette saison, le club était aussi porté par le talent de Drogba. Quel souvenir tu en gardes ?Didier est arrivé avec une étiquette de bon joueur, mais il venait de Guingamp. Avec lui, on avait Mido qui avait déjà une solide réputation et Marlet. On ne savait pas trop qui allait jouer. Mais dès que Didier a commencé à jouer, c’est parti comme une flèche. Il marquait quand il voulait.

Après l’OM, tu retourneras à Liège et tu feras une saison en Turquie. Quelle ambiance as-tu trouvée à Istanbul ?Je ne sais pas si on peut parler d’ambiance. C’était bien, mais c’était différent de l’OM. La Turquie, c’est bruyant, ça chante, mais le meilleur endroit pour jouer au foot, c’était le Vélodrome. Si je regarde tous les joueurs avec qui j’ai joué, la plupart avait peur en Turquie, mais à Marseille, ils se dépassaient. C’est difficilement descriptible. Quand j’étais à l’OM, le Vélodrome dégageait une ambiance positive, car on avait aussi des bons résultats.

Tu as aussi connu la sélection nationale, tardivement, grâce à l’arrivée de Slaven Bilić. C’est une idole à Split, quel genre d’entraîneur était-il ?J’ai commencé tard. J’ai joué la C1 avec l’OM en 2004, mais je n’étais pas appelé par la sélection alors que les autres gardiens n’étaient parfois même pas titulaires ailleurs. C’est le choix du coach, je respecte. Quand Bilić est arrivé, il m’a appelé pour un match contre l’Italie, qui venait d’être championne du monde. Quand on joue chez nous, tout peut arriver. Je me sentais vieux parfois, et j’expliquais au sélectionneur qu’il pouvait prendre des gardiens plus jeunes. Lui voulait que je reste. Tu ne peux pas refuser la sélection. Avec Bilić, on avait une relation particulière. Il est très proche de ses joueurs, dans le respect mutuel avec eux, dans la confiance et la bonne ambiance. Il est comme ton pote, tu n’as pas envie de le trahir. C’est comme jouer pour ton ami.

Est-ce que tu es surpris par cette réussite qu’il a aujourd’hui en Angleterre ?En réalité, j’avais plutôt été surpris lorsqu’il a échoué au Lokomotiv Moscou. Chaque pays a sa spécificité. En Turquie, il a réussi et, aujourd’hui, en Angleterre, c’est exceptionnel. Je suis très content pour lui, mais pas vraiment surpris. Il est fort dans l’analyse du détail, c’est un homme 100% football. Je pense qu’il avait besoin d’un travail à plein temps plutôt que d’un travail plus irrégulier comme celui de sélectionneur.

Contre la Turquie en 2008, on marque à la dernière minute de la prolongation. Moi, sur le banc, j’étais en train de ranger mes gants pour aller au vestiaire, et sur le dernier long ballon…

Tu crois en ton pays pour l’Euro ?Je pense qu’on a une belle génération. On a une équipe assez jeune, talentueuse, avec des joueurs qui jouent dans les meilleurs clubs européens. On va être une équipe difficile à battre. Le foot est une histoire de détails qui peuvent changer un match : un poteau sortant, un poteau rentrant.

Tu parles de détails. Toi, ton championnat d’Europe en 2008, vous l’avez perdu sur un détail contre la Turquie…C’est un cauchemar, même aujourd’hui. On est passé en quelques secondes d’un état euphorique à la tristesse totale. Tu marques à la dernière minute de la prolongation, moi, sur le banc, j’étais en train de ranger mes gants pour aller au vestiaire, et sur le dernier long ballon… Il y avait du monde, et boum, égalisation. Certains de l’équipe actuelle étaient là à l’époque, ça leur servira.


Ton fils, Roko, est aussi devenu gardien, comme ton frère et toi. Tu l’as poussé ?Non, non, non, non… Je n’ai rien fait. C’est la malédiction de la famille, on est tous gardiens ! Quand je le regarde jouer, il me rappelle moi. Il me demande des conseils, mon frère, qui est entraîneur des gardiens à Split, l’aide aussi. L’important est qu’il s’amuse. Pour le moment, ça marche bien, il a été retenu avec l’équipe nationale de sa génération. Il ne faut pas trop parler, je ne veux pas qu’il prenne la grosse tête et qu’il pète un plomb.

Pour vous, le monde du foot, c’est terminé ?Comme tu as vu, je suis parti de France très rapidement. J’avais besoin de temps, de me vider la tête. Maintenant, ça revient doucement, l’envie de revenir dans le foot. Je ne sais pas encore comment, mais ça me tente. On verra bien.

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