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Le journal de Benjamin Pavard – Épisode 9

Julien Mahieu
Le journal de Benjamin Pavard – Épisode 9

Pendant toute la Coupe du monde, SO FOOT vous propose de vivre la compétition de l’intérieur, grâce au précieux témoignage de Benjamin Pavard, numéro 2 de l’équipe de France.

Mardi 17 juillet

Je suis champion du monde. Moi, Benjamin Pavard, 22 ans, natif de Maubeuge, qui n’était personne il y a encore quelques mois, je peux m’écrier haut et fort : « Oui, je suis champion du monde ! » J’en reviens toujours pas.

Il y a deux ans, j’étais dans la fan zone de Lille pour regarder la finale de l’Euro avec les copains.

Il y a un an, j’étais en D2 allemande.

Et aujourd’hui, mon pyjama c’est un maillot bleu avec 2 étoiles brodées sur le cœur.

Hier matin, en ouvrant les yeux, j’ai eu un instant de panique, je me suis demandé si je n’avais pas rêvé tout ça. Et puis quelques minutes plus tard, dans la salle de bain, pendant que je me rasais – bon, ok, pendant que je me brossais les dents, j’avoue, j’ai pas un seul poil au menton –, j’ai commencé à m’imaginer que je vivais un grand délire comme dans le Truman Show : si ça se trouve, il y a tout le reste de l’humanité qui s’amuse à me faire croire que je suis champion du monde, et moi je me rends compte de rien. Et vous savez quoi ? Ça ne me gênerait pas tant que ça.

Bon, on ne va pas se mentir, il était temps que la Coupe du monde s’arrête, parce que je prenais de plus en plus le bouillon, match après match : en huitièmes, je marquais encore des buts venus du tur-fu contre ces tocards d’Argentins, mais alors en demi-finales et en finale, j’ai joué comme le dernier des corniauds. À ma décharge, faut dire que je me suis coltiné à chaque fois le mec le plus dangereux de l’équipe adverse : après Hazard, dimanche c’était Perišić qui était sur mon aile. C’est pas possible, ils m’ont tous ciblé comme le type dont il faut se méfier à tout prix, ou quoi ? C’est mes reprises de volée de rêve qui les terrifient autant ? Notez bien que ma performance était un peu à l’image de celle de l’équipe : autant on avait plutôt bien maîtrisé tous les matchs jusqu’ici, autant on a joué la finale en total dérapage incontrôlé, et j’arrive toujours pas à comprendre comment on a pu rentrer aux vestiaires à la mi-temps en menant au score. Alors que les Croates, qui devaient soi-disant être sur les rotules, ils ont fait le pressing comme des chiens de la casse et ils ont sacrément bien joué au foot. Sauf que ça ne suffit pas, ça. Quand tu affrontes une équipe capable de marquer deux fois en cadrant un seul tir en finale de Coupe du monde, il te faut un peu plus que du talent.
Les Croates ont joué une finale. Et nous, on l’a gagnée.

J’ai entendu pas mal de gens dire qu’on a eu de la chance, que l’arbitre a été généreux avec nous, et patati et patata, mais la vérité, c’est qu’on a quand même dû surmonter quelques obstacles assez inattendus pour battre les Croates. Déjà, N’Golo Kanté a raté son premier match depuis 2013, et manque de bol, c’est tombé pile sur une finale de Coupe du monde. Il paraît qu’il aurait mal supporté la pression d’un match aussi important, mais la vérité, c’est qu’il a surtout mal supporté cette saloperie de gastro qu’il a chopée ce week-end. On l’a envoyé sur le terrain bourré de médocs, il suait du Smecta dès l’entraînement, mais sans surprise, ça n’a pas fonctionné, et m’sieur Deschamps a été contraint de le faire sortir avant l’heure de jeu. C’est dommage, c’est un peu comme si tu allais voir le dernier Avengers au cinoche et qu’il n’y avait aucun super-héros à l’écran : c’est tout de même ballot.

Ensuite, y a eu le coup de folie d’Hugo, qui refusait visiblement qu’on fête le titre trop tôt… Ça y est, on menait de trois buts en finale du Mondial, le mec il s’est cru en plein five avec ses potes, il s’est dit : « Allez hop petit pont sur Mandžukić, et après on lui fait des frites sur le crâne et des pichenettes dans les oreilles. » C’est tout de même prodigieux : il fait une Coupe du monde de mammouth, d’ailleurs il était tellement incroyable jusque-là, c’est comme si on avait garé un mammouth dans les cages, et juste au moment où tu crois que c’est fini, qu’il est le meilleur gardien de l’histoire du foot français, Hugo il laisse échapper une énorme boulette, comme quand tu crois laisser échapper un petit vent sous les draps quand ton amour est dans la salle de bain et finalement tu repeins la literie. J’voudrais bien savoir combien de personnes l’ont insulté simultanément en France à ce moment-là ? Allez, disons que c’est juste un détail, un rebondissement de plus dans la magnifique histoire que nous avons écrite, tous ensemble.

Je suis tellement fier de faire partie de ce groupe de vingt-deux joueurs, et je tiens à remercier tout le staff, en particulier notre G.O., Adil Rami. J’sais pas combien de concours de T-shirts mouillés il a animés dans les campings, mais il a vraiment réalisé une Coupe du monde de bonhomme, impérial pour nous envoyer des tapes dans le dos avant les matchs, inégalable pour trouver des surnoms pourris à tout le monde, et leader incontestable pour raconter des conneries à table. En revanche, j’étais un peu dégoûté par toute cette histoire de moustache porte-bonheur, là. Parce que s’il y a un vrai porte-bonheur, dans cette équipe de France, c’est moi, les mecs… Trente et un matchs avec les Bleus, quatre en U19, quinze en Espoirs et douze avec les grands, et toujours aucune défaite à mon actif : du moment que j’étais sur le terrain, fallait pas vous affoler, c’était sûr qu’on allait gagner.

Pour fêter ça, hier après-midi, on était invités par Manu à prendre le goûter à l’Élysée. (Oui, j’ai le droit de faire l’imbécile, de le tutoyer et de l’appeler Manu, vu que je me nourris moi-même et que j’ai gagné la putain de Coupe du monde.) C’est quand même merveilleux, le football : au départ tu joues avec un ballon à moitié crevé et tu shootes entre deux blousons, tu es heureux, et à l’arrivée, y a Adil Rami, Ousmane Dembélé et Florian Thauvin qui reçoivent la Légion d’honneur. Bon courage pour relier les points et reconstituer la logique de tout ça.

Bref, c’était très sympa, Brigitte nous attendait sur le perron avec le champagne, et une grenadine pour Prunelle. M’sieur Deschamps, il est entré à l’Élysée comme s’il était chez lui, il nous a dit : « Allez venez, je connais bien les lieux, je viens assez régulièrement » et il nous a fait le tour du proprio. C’était une belle façon de terminer l’aventure : on a chanté la chanson de N’Golo, on a fait daber la première dame, y a Benji Mendy qui faisait des snaps avec le président en l’appelant « Frère » … Je suis pas sûr de réaliser l’exploit qu’on a accompli, mais je me rends bien compte que le pays a complètement pété les plombs.

Voilà, c’est la fin du Mondial, et c’est la fin de ce journal. C’était un bonheur de partager tout ça avec vous. Et surtout, c’était un plaisir de faire de vous des champions du monde, pour les quatre prochaines années. À très vite !

Julien Mahieu

Cet article est bien évidemment une fiction, et est réalisé en partenariat avec Volkswagen.

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