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Le jour où Rémi Maréval a martyrisé Mandanda

Par Jérémie Baron
Le jour où Rémi Maréval a martyrisé Mandanda

Il y a dix ans face à l’OM, le latéral nantais signait de son pied gauche l’un des pions les plus improbables, mais surtout splendides jamais vus à la Beaujoire. L'histoire du but d'une vie, et également celle d'un cauchemar pour Steve Mandanda.

« Comme elle vient ! » Avant d’être prononcés par Bertrand Cantat dans un refrain entêtant en 1996, ces trois mots formaient surtout depuis la nuit des temps un classique chez tout bon éducateur de foot n’ayant pas peur de perdre un ballon. Et l’une des meilleures illustrations de ce principe footballistique a sans nul doute été offert par Rémi Maréval. Dix ans avant Benjamin Pavard ou encore cinq avant Samuel Umtiti, le modeste latéral a lui aussi fait partie de ces défenseurs qui se sont offert un kiff sur un coup de folie que personne n’avait vu venir, faisant ainsi une entrée fracassante dans les tendances Youtube. C’était un 29 octobre, pendant l’un des pires exercices du club nantais dans l’élite, face à l’Olympique de Marseille d’Éric Gerets. On rembobine.

« Je me suis tordu le poignet »

Au cœur de l’automne en cette année 2008, alors que le premier quart de championnat vient de s’écouler, les Canaris sont en pleine résurrection. Tout juste promus à la suite d’une année de purgatoire, ils ont trébuché en sortant de l’ascenseur, et Michel Der Zakarian (premier mandat) a été remercié après trois minuscules journées. Avec Élie Baup en pompier de service, le FCN vient de connaître ses premières victoires et respire un peu, mais accueille un gros morceau lors de cette 11e journée : l’OM talonne de deux points le leader lyonnais sur les cimes de la Ligue 1, malgré une défaite face au PSG trois jours plus tôt (2-4). « C’était un Marseille qui tournait bien à l’époque, il y avait une belle équipe, Ben Arfa était là, se souvient Guillaume Moullec, titulaire ce mercredi-là, en farfouillant dans ses vieux souvenirs.Ça faisait partie des gros matchs. » Mais sept mois après leur cagade face à Carquefou en Coupe de France (1-0), les Phocéens vont de nouveau être pris à la gorge pour leurs retrouvailles avec la Beaujoire.

Le tableau d’affichage indique 43 minutes, et personne n’y a encore inscrit son patronyme – malgré une nette domination des visiteurs, vêtus des fameux maillots jacquard – lorsque David De Freitas botte un coup de pied de coin côté droit, face à la Tribune Loire. Son centre atterrit premier poteau, rebondit sur une tête marseillaise et commence à doucement s’enfuir loin des 16,5 mètres. Le premier sur le ballon est Rémi Maréval, 25 ans, six petites titularisations en Ligue 1 dans les jambes et surtout pas l’ombre d’un but dans l’élite. Puis, c’est l’impact.

« Quand je la vois arriver, j’ai simplement envie de me faire plaisir, racontait Maréval après coup. D’où mon relâchement et mon engagement dans le ballon. En général, ça partait loin au-dessus de la Tribune Loire. Même mes centres filaient parfois derrière le but. Cette fois, ma position devait être bonne parce que la balle est vraiment bien partie. Je la prends légèrement de l’extérieur, et du coup, la frappe est dévissée juste ce qu’il faut. » La reprise des 35 mètres est parfaite, la sphère part à une vitesse folle et dans une trajectoire de l’espace. La suite, c’est une partie de Lego et la confirmation qu’un ballon rond peut totalement s’imbriquer dans la lunette d’une cage. Pris par l’émotion et pas vraiment habitué à ce genre de choses, le buteur se lance dans une célébration incontrôlée : « Sur le moment, je ne savais plus ce que je faisais. J’ai couru vers le kop, j’ai voulu plonger devant les supporters et je me suis tordu le poignet. C’est de ma faute, je ne sais pas tomber ! Mais je n’oublierai jamais ce moment. »

Double bastos pour Mandanda

Dans cette histoire, la victime s’appelle Steve Mandanda, patron des bois olympiens depuis une saison et même nouvel international tricolore depuis quelques mois à ce moment-là. Mais sur le coup, l’intervention semble impossible, d’autant que le scénario s’est retourné contre Il Fenomeno. « Mandanda avait pris un choc juste avant, il était diminué, rappelle Moullec.Du coup sur la frappe, il n’avait pas bougé. » Le portier cédera même sa place à Rudy Riou à la pause. « Il me semble que j’étais plutôt devant, témoigne Elliot Grandin, aujourd’hui sans club, qui formait alors le duo d’attaque de l’OM avec Bakari Koné.Donc je la vois partir en pleine lucarne, et je vois Steve immobile. Maréval a mis le but de sa vie, une frappe venue de nulle part. Même si Steve n’avait pas pris de coup avant, elle aurait été dure à sortir, celle-là ! »

Une offense pour Taye Taiwo, patator de service également présent sur la pelouse de Louis-Fonteneau. Mais surtout un petit moment de légende qui vient d’être écrit par un joueur tout sauf prévisible. « Maréval avait le profil d’un joueur de deuxième division, se remémore Élie Baup.Je l’avais beaucoup fait jouer, sur le côté gauche, il formait une belle association avec Aurélien Capoue. Il était physique et, techniquement, il tentait des choses surprenantes, à l’image de ce but. Il avait un bon pied. En dehors des matchs, il tentait, il avait une grosse frappe. Après, pour le réussir en match, en plus face à Marseille, c’est autre chose… » Avis que corrobore David De Freitas : « À l’entraînement, je ne vais pas dire qu’il a cassé des carreaux, mais ça partait dans tous les sens. Il a osé le faire et il n’y en a pas énormément qui l’auraient fait. La frappe aurait pu partir au-dessus de la tribune, mais pour lui, le foot était un amusement, donc c’était son jeu. On avait été agréablement surpris et heureux, mais ce n’est qu’après, le lendemain en voyant les images, qu’on a vraiment pris conscience de la chose. »

« Dix ans après… »

À l’entrée du dernier quart d’heure, dans un deuxième acte également marqué par l’expulsion de Christian Bekamenga, Baky Koné finira logiquement par égaliser à 1-1 lors d’un moment de flottement dans le camp nantais, d’une reprise limpide sous la barre qui aurait obtenu le statut de but du match dans n’importe quelle autre partie. Mais le mal est fait, et les dieux du foot ont déjà choisi leur chouchou. « Dix ans après, on me reparle encore de ce but avec les vidéos qui circulent sur le net, s’amuse De Freitas.Je suis au départ du ballon, donc on voit mon maillot, le commentateur dit mon nom et les gens m’en reparlent toujours. Ça reste gravé, en plus contre Marseille, Mandanda, à domicile… »

À l’arrivée, ce missile et ce nul un peu inespéré (1-1) feront partie des rares bons moments de cette saison catastrophique de l’octuple champion de France, qui terminera 19e et mettra des années à regoûter à de telles soirées. Pour Maréval, ce sera l’unique réalisation à ce niveau, même si le natif de l’Oise réussira l’exploit d’inscrire un an plus tard un but tout aussi mythique, mais dans un tout autre registre et à l’échelon inférieur face à Nîmes, pour son seul autre caramel sous le maillot des Canaris. Et s’il a par la suite réalisé une carrière plus exotique que mémorable, dans les travées de l’enceinte nantaise, depuis cet épisode, l’expression « faire une Maréval » fait partie du vocabulaire courant. Tous n’ont pas cet honneur.

Par Jérémie Baron

Tous propos recueillis par JB sauf les propos de Rémi Maréval, recueillis par FC Nantes Magazine.

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