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Le jour où Rafael Márquez a signé au Barça

Par Chris Diamantaire
Le jour où Rafael Márquez a signé au Barça

Au début de l'été 2003, Rafael Márquez quittait Monaco pour écrire sa légende à Barcelone grâce à la malice d'un homme encore méconnu : Jorge Mendes.

30 juin 1999, Henri Biancheri est dans les tribunes de l’Estadio Antonio Oddone Sarubbi, au Paraguay. Sur le terrain, le Chili et le Mexique s’affrontent pour leur premier match de poules de la Copa América. Le directeur sportif de l’AS Monaco est présent pour superviser une dernière fois Pablo Contreras. Après la rencontre, il rentre en Principauté avec la conviction d’avoir vu l’un des futurs meilleurs défenseurs du monde. Sauf qu’il ne s’agit pas de Contreras, mais de Rafael Márquez. Sûr de son fait, il menace de démissionner si Campora ne consent pas à recruter le jeune Mexicain. Le Docteur s’exécute : le joueur de l’Atlas Guadalajara s’engage à l’ASM contre 4 millions de dollars. Quatre ans plus tard, Márquez file au FC Barcelone pour à peine plus. Biancheri confesse, dépité, dans France Football : « L’an passé, on en demandait autour de douze millions d’euros. Je ne sais pas exactement comment les deux clubs se sont entendus.(…)Je pensais qu’il serait vendu beaucoup plus cher. »

Jorge Mendes, déjà

Derrière la transaction, un enchaînement de circonstances dont a su tirer profit un homme qui ne dominait pas encore les coulisses du football, mais fréquentait déjà la Principauté : Jorge Mendes. L’AS Monaco est alors au bord du ravin. 53 millions d’euros de dettes, une menace de relégation administrative et un remue-ménage en interne. Quelques jours plus tôt, Nonda a refusé de s’engager à Lyon, alors que Campora et Aulas avaient tout ficelé de leur côté. Une nouvelle déconvenue pour le président monégasque, déjà fragilisé par ses échecs successifs dans la recherche d’investisseurs crédibles, et qui voit là une quinzaine de millions s’envoler. À sept cents kilomètres du Rocher, le club catalan est lui aussi en pleine révolution.

Joan Laporta vient de remporter les élections à l’issue d’une saison catastrophique (6e en Liga) et a promis de la magie alors que les caisses sont vides. Les rêves se nomment Beckham et Ronaldinho, mais le Barça veut aussi un défenseur central. La cible prioritaire ? Roberto Ayala, valeur sûre de l’époque. Valence en demande 12 millions, une somme d’envergure pour un club alors obligé de contracter des prêts bancaires pour recruter. Mendes, désireux de s’implanter en Catalogne, sollicite un rendez-vous avec Laporta et lui propose Márquez. Begiristain a loué les qualités du libéro mexicain auprès de son président. Mais ce dernier n’accroche pas, convaincu que la transaction ne peut se faire à moins de 12 ou 13 millions, somme à laquelle le Real Madrid a failli conclure l’affaire l’été précédent. Les indésirables Dani et Christanval sont un temps envisagés dans le deal, mais Monaco a besoin de cash pour rassurer la DNCG.

La stratégie Mendes se met en place : « Combien peux-tu mettre ? » , demande-t-il à Laporta. « J’ai dit à Jorge que nous pouvions mettre 5 millions, en pensant qu’il lui serait impossible d’obtenir un accord. Il m’a dit :« Tu me donnes ta parole ? » Je lui ai répondu : « Oui. Si tu nous l’amènes pour 5 millions, on le prend, c’est sûr. » » Mais il y a un élément que Laporta ignore alors. Campora est en passe d’être évincé par le Palais et ce n’est pas avec un homme qui a trente ans de football que Mendes va devoir négocier, mais avec un novice : l’intérimaire Pierre Svara. L’agent portugais file voir Svara, s’enferme six heures dans son bureau, et l’épuise jusqu’à obtenir de sa part une promesse de vente du capitaine de La Verde pour 5 millions. Márquez, Mendes et Nieto, l’agent mexicain du joueur, redescendent dès le lendemain dans une fourgonnette « sans climatisation » vers la Catalogne. Sans prévenir les dirigeants barcelonais.

2003, l’été sera chaud

Il faut parfois savoir mettre le pied dans la porte pour que l’élégance d’un joueur parvienne aux yeux du monde. C’est ce qu’a dû se dire Mendes entre deux ou trois pensées plus chiffrées quand, au bout du chemin, il a sorti son portable : « J’ai arrêté le fourgon devant les bureaux du Barça et j’ai appelé Laporta et Sandro : « Je suis ici. » « Ici ? Où ça ? » « Devant la porte du club, avec Márquez… » « Avec Márquez ? » « Oui, hier, je vous ai demandé vingt fois si c’était OK pour 5 millions et vous me l’avez promis. J’ai avec moi le document de Monaco. » » Estomaqués par l’audace de l’intermédiaire portugais, les dirigeants catalans finissent par tenir leur parole après quelques heures de flottement. « Si j’avais appelé de Monaco, ils m’auraient dit de ne pas venir » , note Mendes. Et le passage en force du Portugais va libérer des espaces inattendus.

Le dossier du défenseur réglé à moindre coût, Laporta veut désormais son gros coup. Il sera chipé au nez et à la barbe de Manchester United, mais viendra lui aussi de Ligue 1 : « Ronaldinho nous a coûté 27,5 millions, payables en quatre ans. Nous avons pu acheter les deux, car nous avons payé 7 millions pour Ronnie et 5 millions pour Márquez, soit le prix que demandait Valence pour Ayala. » Comme tout VRP qui se respecte, Jorge Mendes essaiera dans la foulée de placer tout son catalogue, assez attrayant il est vrai, mais les finances exsangues du Barça limiteront la marge de manœuvre. Si un montage permet à Quaresma de rejoindre lui aussi les Blaugrana, Deco devra attendre la saison suivante et Cristiano une autre vie. « Après Ronaldinho, il n’y avait plus aucun denier, concède Laporta. Jorge te faisait saliver avec d’autres joueurs. Cristiano Ronaldo, par exemple.(…)Il voulait faciliter sa venue. Mais nous disions la vérité, nous ne pouvions tout simplement pas le signer. » Le football, ça se partage. Ses joyaux aussi.

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Par Chris Diamantaire

Propos de Laporta et Mendes extraits du livre Jorge Mendes : Mes clés pour réussir dans le football, aux éditions Talent Sport (2016)

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