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Le jour où Marco Simone a inscrit son dernier but

Par Valentin Pauluzzi
Le jour où Marco Simone a inscrit son dernier but

Il y a dix ans, Marco Simone avait décidé de rechausser les crampons à Legnano, son club formateur qu’il venait de racheter quelques mois plus tôt. Il y plantera le dernier pion de sa carrière.

« Il me l’a volé, plaisante Laurent Lanteri à l’autre bout du fil, c’était un match de championnat sur le terrain de la Biellese. On perdait 2-0, coup franc aux 18 mètres un peu excentré. Marco tente un genre de centre-tir, moi j’essaie de mettre la tête et du coup, je gêne le portier qui n’est autre que Federico Marchetti, international et titulaire à la Lazio aujourd’hui. Il saisit le ballon et le laisse s’échapper, une très grosse boulette. Au final, la Ligue a bel et bien accordé le but à Marco. » Une réalisation qui ne changera pas le cours du match, avec finalement une défaite 2-1 dans la ville piémontaise. Le dernier but de Marco, avec le splendide maillot couleur lilas qu’il avait endossé 20 ans plus tôt chez les jeunes.

De Châteauroux à Legnano

Été 2005, rangé du foot depuis plus d’un an et bien installé dans la luxueuse Montecarlo, Simone a entamé sa nouvelle vie d’agent de joueurs. Néanmoins, l’envie de renvoyer l’ascenseur à son club formateur est trop forte. Avec son frère Giovanni, il décide donc de racheter l’AC Legnano. À quelques encablures de Milan, l’équipe évolue en Serie C2 depuis cinq ans, sa vraie dimension après avoir fréquenté la A et la B jusque dans les 50’s. Si son frangin est président, Marco n’occupe aucune fonction officielle, mais construit l’équipe de A à Z, l’ailier Pedro Kamata fait partie des heureux élus : « J’étais en fin de contrat avec Châteauroux en L2. Il venait souvent, car il était l’agent de Lanteri et suivait d’autres joueurs prêtés par Monaco. Après chaque rencontre, on allait manger un morceau « Chez Mimmo », un resto italien. C’est là que Marco m’a proposé de venir, je ne suis allé à Legnano que pour lui. Je passe quand même de la D2 française à la CFA italienne, mais quand Simone te propose quelque chose, tu ne peux pas refuser. » Ce sera également l’avis de Patricio D’Amico, le jumeau de Fernando.

Six mois plus tard, l’attaquant Lanteri quitte aussi la Berrichonne pour suivre son agent et ami. La mission est de monter le plus rapidement possible en Serie C1, mais la situation s’est compliquée. Simone a dû licencier Vincenzo Maiuri, son ancien coéquipier à Côme : « Spagnuolo avait pris l’équipe en main, un bon gars, qui est surtout un entraîneur des gardiens. On flirtait avec la zone rouge, un autre coach fait un intérim de quatre jours et perd son seul match. Au final, ce sont Patrick Legain et Nicolas Gennarielli qui finissent la saison, alors que ce sont deux préparateurs physiques, le premier est d’ailleurs encore avec Marco à Tours. » Legnano se classe 10e, deux petits points au-dessus des play-out. Une saison de rodage.

Un but et un rouge

Et une saison durant laquelle Marco choisit de rejouer après 18 mois d’inactivité : « Ça le démangeait trop, on était en difficulté, il est un peu venu comme le sauveur. Lui entraînait de son côté à Montecarlo et venait à Legnano juste pour les matchs. Il avait une bonne condition physique et était aligné titulaire. C’était le capitaine, tout le monde le suivait, on lui donnait tous les ballons, même s’il avait trois joueurs dessus » , se remémore Kamata. 22 octobre, défaite 2-1 contre Portogruaro Summaga, voici la date du retour. Problème, Marco prend des coups, beaucoup de coups : « Ce n’était pas un cadeau pour lui de revenir, cela galvanisait les adversaires » , poursuit Pedro. Lanteri abonde : « C’était une boucherie. Déjà à ce niveau, les défenseurs ne sont pas des tendres, mais alors quand ils avaient Marco au marquage, c’était encore pire. Il s’est même pété une côte en prenant un coup de coude. » À Valenza, c’en est trop, Simone perd ses nerfs et se prend un carton rouge. En février, et au lendemain d’une défaite 1-0 contre Olbia, il dit stop. Le revival aura duré 11 rencontres.

Des portes de la Serie B à la faillite

Son intention est de concentrer toute son attention sur le management. Un choix payant puisque les Lilla remportent le championnat la saison suivante. Simone est porté en triomphe, mais cette fois, c’est une autre paire de manches, comme le souligne Kamata : « La C1, tu joues contre de grosses équipes gérées par des mecs qui ont une grosse fortune personnelle. Je me souviens du premier match, déplacement à Foggia, 12 000 personnes en tribunes, nous on arrivait à 1 000. » L’ancien buteur du PSG sent qu’il n’y arrivera pas tout seul et se fait aider par d’autres entrepreneurs, dont Giuseppe Resta. La saison démarre mal, Legnano est dernier à la trêve et condamné à la descente, puis survient le changement d’entraîneur : « Notaristefano remplace Gabetta et se met à faire jouer tous les joueurs ignorés jusqu’à maintenant, moi, Legati, Avogadri ou encore Valdifiori aujourd’hui au Napoli. Au Bentegodi, contre le Hellas, on mène 3-0, les spectateurs criaient « pitié ». C’était le boxon, l’arbitre donne 6 minutes d’arrêts de jeu pour leur permettre de planter deux buts » , raconte Lanteri. La remontée se termine à une surprenante 7e place.

La Serie B, voilà le vrai objectif de Simone, mais pour conserver ses meilleurs éléments, il faut les moyens, et dans la région, personne ne semble prêt à les mettre, Lanteri encore : « Tout seul, c’était compliqué pour Marco, ceux qui l’ont épaulé se sont révélés être des escrocs. C’est dommage, il avait réussi à créer quelque chose de super, on ne manquait de rien, c’était un club familial, à son image. Legnano, c’était sa ville, son peuple. Il ne voulait pas faire de l’argent dessus, c’est d’ailleurs impossible à ce niveau. » Lâché, Simone s’éloigne petit à petit. Legnano se classe 18e et dernier. Un an plus tard, c’est la faillite, et chose rare, les Lilla disparaissent de la circulation, restant même inactifs pendant un an (ils sont aujourd’hui en D5). « Est-ce qu’il regrette ? Je ne pense pas. En deux ans, il amène le club de la C2 aux portes desplay-offde la B. Si on l’avait aidé, on serait encore là-bas. Dix ans après, on est encore tous en contact, ça veut bien dire quelque chose » , conclut Lanteri. L’histoire est belle, la fin moins, mais le sang qui coule dans les veines de Simone est bien de couleur lilla.

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