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Le jour où la France a lancé son Euro 84

Par Maxime Delcourt
Le jour où la France a lancé son Euro 84

Le 12 juin 1984, la France entamait sa conquête de l’Europe à domicile contre des Danois déterminés à créer la surprise face au pays hôte. L’histoire l’a prouvé, il n’en sera rien : grâce à un but de Platini à la 78e minute, les Bleus s’imposent et posent les bases d’un collectif, solidaire et ultra-motivé. Retour sur ce match, moins anecdotique qu’il en a l’air.

Un Parc des Princes euphorique, une équipe de France tétanisée, mais libérée par une bourde d’Arconada, l’expulsion d’Yvon Le Roux à cinq minutes de la fin, le but du K.O. par Bruno Bellone dans le temps additionnel… Tous ces faits de jeu, la France du foot les connaît par cœur. Ils datent du 27 juin 1984 et permettent à la France de remporter sa première grande compétition à domicile. Alors, forcément, on ne retient que ces 90 minutes, on met de côté le match complètement fou au tour précédent face aux Portugais dans un Vélodrome au bord de l’extase, et on oublie que ce triomphe a certainement pris forme quinze jours plus tôt lors du match d’ouverture contre le Danemark. « C’était une rencontre très crispée et difficile à négocier, rappelle aujourd’hui Manuel Amoros. On avait perdu 3-1 contre eux neuf mois plus tôt à Copenhague et on savait qu’ils venaient ici pour défendre et nous prendre en contre. » Bruno Bellone confirme : « C’était un match très compliqué face à une équipe solide avec de fortes individualités comme Michael Laudrup. Ils allaient très vite devant et étaient très robustes et costauds sur le plan défensif. »

De la pression, de l’émotion et un but chanceux

Dans un Parc des Princes archi-blindé, la tactique mise en place par les hommes de Josef Emmanuel Piontek n’est pas la seule barrière à gérer pour la sélection française. Après tout, l’Euro se joue en France et il faut apprendre à composer avec la pression inhérente à celle d’un pays organisateur. En clair, on n’est plus en 1982. La demi-finale acquise cette année-là, le fait d’être le pays hôte et la qualité de l’effectif témoignent d’un changement de statut. Désormais, les Bleus sont les grands favoris. « Ce statut, c’était une complication supplémentaire pour nous, mais on ne s’est pas mis la pression avec, détaille Bruno Bellone. On avait un groupe solidaire et complémentaire, on était persuadés que l’on pouvait remporter la compétition et on a décidé de prendre les matchs les uns après les autres. Les mots et l’expérience du sélectionneur, toujours très bon et très posé dans sa façon de nous parler, ont aussi été utiles pour rentrer parfaitement dans la compétition. »

Les mots de Michel Hidalgo, mais aussi son départ annoncé à la fin de la compétition, ne sont pas leur seul moteur. Les rêves, eux aussi, servent de guide à leur destinée. Manuel Amoros se souvient : « À l’époque, les discours d’avant-match ne duraient pas deux heures comme aujourd’hui. Les mots de Michel avaient donc avant tout pour but de nous rassurer, de ne pas rajouter de pression sur nos épaules. Le fait qu’il quitte la sélection après l’Euro n’y changeait rien. Bien sûr, on savait que ça lui ferait un beau cadeau, mais, de toute façon, l’équipe voulait gagner. On était hyper motivés, on savait que l’on avait un jeu attrayant et, finalement, le plus dur a été de remporter ce match contre le Danemark. Après, ça été l’apothéose. »

Merci Platoche !

Les 90 minutes face aux Scandinaves sont pourtant loin d’être une partie de plaisir. D’abord parce que les hommes d’Hidalgo doivent faire abstraction des matchs de préparation quelque peu délicats, comme ces quatre nuls en 1983. Ensuite parce qu’ils ne se procurent pas beaucoup d’occasions en dépit d’une possession de balle assez élevée, et sont même près de craquer suite à l’expulsion de Manuel Amoros à la 87e minute après un coup de tête sur Jesper Olsen – « un geste instinctif, une erreur de jeunesse » , dit-il aujourd’hui. Enfin parce que le Danemark possède à l’époque quelques joueurs de renoms : Michael Laudrup, Morten Olsen, Franck Arnesen et Preben Elkjær-Larsen, mais aussi Søren Lerby et Søren Busk, deux joueurs qui évoluent alors aux côtés de Bruno Bellone à Monaco. « Les joueurs danois nous connaissaient bien et savaient comment nous prendre. Heureusement, on a su faire un match sérieux et on a eu un coup de pouce du destin avec cette frappe de Platini contrée par Busk dans son propre but. »

Avec ce 27e but en équipe de France, Platini égalise alors le record de Just Fontaine et amorce un nouveau record : celui du meilleur buteur des championnats d’Europe avec neuf réalisations. Dans les vestiaires, pourtant, Platoche n’en parle pas, il est focalisé sur le collectif. Mais tout de même : neuf buts en cinq matchs, le bilan est bon. Excellent même à en croire Bellone, qui n’hésite pas à mettre l’accent sur l’importance du numéro 10 au sein de l’effectif français : « À l’époque, la Belgique et la Yougoslavie étaient au top. Si on n’a pas Michel pour marquer trois buts à chacun de ces matchs, on est foutu. Mais au-delà de ses performances sur le terrain, il était également essentiel à l’entraînement, où il prouvait tous les jours son génie, et dans le vestiaire. Aux côtés du sélectionneur, il était celui qui donnait des conseils en permanence. C’était le seul joueur de l’équipe à évoluer à l’étranger, il avait l’avantage de connaître la plupart de nos adversaires. »

« Pas de ceux qui pensent que le premier match conditionne le reste de la compétition »

Si Platini a éclaboussé la compétition de tout son talent, et fait perdre la tête à des gardiens aussi costauds qu’Ole Qvist, Zoran Simović ou Arconada, c’est bien le collectif qui parvient à tirer son épingle du jeu. « On savait que l’on était attendus, mais on avait confiance en nous et on était bien préparés, soutient Manuel Amoros. On peut bien sûr penser que rien n’aurait été pareil si on n’avait pas réussi à marquer ce but face au Danemark, d’autant que l’on ne gagnait pas souvent contre la Belgique et la Yougoslavie à l’époque. Mais je ne suis pas de ceux qui pensent que le premier match conditionne forcément le reste de la compétition. En 1982, par exemple, on perd face à l’Angleterre, mais on va quand même en demi-finale. L’important, c’est le mental et la motivation, finalement. » Et Bruno Bellone de comparer inévitablement son équipe de France à celle de Didier Deschamps en 2016. Selon lui, c’est certain, les Bleus « peuvent faire quelque chose de bien. Contre l’Écosse, par exemple, ça se voyait qu’il y avait une bonne ambiance et un profond respect entre tous les joueurs. En plus, ils vont jouer au maximum sept matchs en 30 jours, plaisante-t-il pour conclure. Nous, c’était cinq matchs en 15 jours. »

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