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Le jour où le football et la télévision se sont rencontrés

Par Kevin Charnay
Le jour où le football et la télévision se sont rencontrés

Le 4 mai 1952, Nice et Bordeaux s'affrontaient en finale de la Coupe de France. Et pour la première fois, un match de football était retransmis à la télévision française.

On ne pouvait pas rêver mieux. Nous sommes le 4 mai 1952, à Colombes, et la finale de la Coupe de France ne pouvait fournir de meilleure affiche. D’un côté, l’OGC Nice, champion en 1951, a réussi à conserver son titre il y a quelques jours, une première dans l’histoire du football professionnel français. En face, les Girondins de Bordeaux, dauphin de leur adversaire du soir en championnat. Pendant toute la saison, les deux équipes se sont livré une terrible bataille pour le titre de champion de France. Il a fallu attendre le tout dernier moment pour que les Aiglons soient sacrés. Et ce qui a fait la différence, c’est la double confrontation entre les deux équipes. À chaque fois, les Niçois se sont imposés, engrangeant quatre points ultra-décisifs. Alors forcément, le public veut voir cette fabuleuse revanche. Ils se sont massés à 61 485 dans l’enceinte du stade Yves-du-Manoir. Mais pour la première fois, ceux qui sont dans le stade ne seront pas les seuls à profiter du spectacle, puisqu’il s’agit du premier match de football retransmis en direct à la télévision en France.

Un entraîneur audacieux

Pour cette occasion, l’entraîneur des Aiglons, Numa Andoire, décide de surprendre tout son monde. D’abord, dans la préparation du match. « Pour que nous ne pensions pas au match du lendemain, la veille, il avait organisé une soirée d’accordéon très divertissante » , se rappelait Antoine Bonifaci, stratège du milieu de terrain niçois, il y a quelques années, dans des propos rapportés par le site de l’OGC Nice. Numa Andoire leur conseille de se coucher très tard, afin de s’endormir facilement, à l’aube. Ambitieux, sachant que le match commence à 15 heures. Ensuite, l’entraîneur niçois réserve une surprise de taille dans son onze de départ. « Numa ne faisait rien comme tout le monde, avec lui, il fallait toujours s’attendre à quelques innovations, à quelques décisions imprévues. Deux joueurs paraissaient être chez nous les piliers de l’attaque : Désiré Carré et Bengtsson. Pour le match qui précédait la finale, à Metz, Numa les avait laissés sur la touche, nous pensions qu’il voulait les reposer. Mais en fait, il ne leur a pas fait jouer la finale, il les a remplacés au dernier moment par Carniglia et Nurenberg » , racontait Bonifaci.

En gros, Andoire se prive de son capitaine et de son meilleur buteur. D’entrée de jeu, ses choix s’avèrent payants, puisque le Luxembourgeois Victor Nurenberg ouvre le score dès la dixième minute. Deux minutes plus tard, c’est l’autre surprise de la feuille, l’Argentin Luis Carniglia, qui marque un second but, sur un centre d’Abdelaziz Ben Tifour. Même si les Bordelais sont parvenus à marquer entre-temps, par l’intermédiaire de Baillot, au terme d’une belle action collective. Les téléspectateurs doivent se régaler devant leur écran de télévision, car le rythme du match est très élevé. En même pas quinze minutes, on a déjà assisté à trois pions, et ce n’est pas près de s’arrêter. À la demi-heure de jeu, Jean Belver inscrit le but du 3-1 d’une sublime reprise de volée. On pense les Girondins abattus, mais ils se maintiennent en vie en réduisant le score juste avant la pause. Sur un coup franc tiré par Joop de Kubber, Edouard Kargu reprend de la tête et trompe Marcel Domingo. En un match, le gardien niçois a déjà encaissé deux fois plus de buts que durant toute la compétition. Il avait craqué en demi-finale pour la première fois.

La décision se fait

Au retour des vestiaires, Kargu entame la seconde période comme il avait terminé la première. Tambour battant. Cette fois-ci, il déborde côté droit, se mue en passeur et centre en direction de Baillot, qui signe un doublé. Les Girondins égalisent, mais subissent vite le contre-coup des efforts fournis pour revenir au score. Même s’ils continuent à se créer pas mal d’occasions, ils en concèdent aussi énormément. Pendant quelques minutes, on sent bien que le match peut tourner dans les deux sens. Et finalement, ce sont les Girondins qui craquent en premier. Ben Tifour allume sous la barre pour redonner l’avantage aux Aiglons. Un avantage scellé peu après l’heure de jeu par Césari, qui transperce la défense bordelaise à lui tout seul, tout en puissance. Cette fois, les dés sont jetés. Nice défait encore Bordeaux et fait le doublé Coupe-championnat. Aujourd’hui encore, la confrontation est considérée comme l’une des plus belles finales de la compétition. Nul doute que les premiers téléspectateurs d’un match de football se sont régalés devant un tel spectacle.

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