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Le Havre, une saison à bon port ?
Aucune recrue ou presque, dans l’attente d’un effectif stable, un budget limité, un nouvel entraîneur sans grosse expérience… Le Havre risque de faire partie des favoris pour finir dans la charrette pour sa deuxième saison d'affilée dans l'élite. Sauf si, avec Didier Digard en capitaine d'équipage, le club doyen fait ce qu’il a fait de mieux la saison dernière : emmerder les puissants et déjouer les pronos, tout en restant familial.
N’en déplaise à Médine, deux « beu-bar » porteront Le Havre cette saison : en plus de celle du rappeur normand, celle de Didier Digard, un peu plus courte mais tout aussi bien taillée. Revenu 17 ans après un long exil, le technicien de seulement 38 ans a effectué sa première avant-saison dans la peau d’un entraîneur principal, et débarque avec une mission : le maintien. Celle-là même accomplie par Luka Elsner, son prédécesseur parti à Reims, pour le retour du Havre dans l’élite. Quinzième en mai, le HAC s’était finalement sauvé de justesse après un début de saison prometteur. Deux saisons d’affilée en Ligue 1, le club doyen n’avait pas connu ça depuis 1992-1993 mais n’a pas changé ses plans pour autant. Après une intersaison calme, le club embêté par (et embêtant pour) la LFP se présente avec un équipage qui n’a pas trop bougé.
Pas de vagues et la peur du naufrage
« Je serais inquiet si les joueurs ne savent pas qu’on a des manques, et qu’on n’a pas le meilleur effectif de Ligue 1 », disait Didier Digard ce week-end. Après deux mois de mercato, c’est calme plat en Seine-Maritime, marée basse côté arrivées. Les Ciel et Marine vont lancer la saison avec trois nouveaux joueurs, en plus du retour de prêt de Yann Kitala. Ruben Londja arrivé de Lausanne, et Ismaïl Bouneb venu de Valenciennes, effectueront leur premier stage en Ligue 1. À 26 ans, le latéral gauche Yanis Zouaoui débarque de Martigues pour suppléer le titulaire Christopher Operi. Sans aucun centime déboursé, alors qu’André Ayew est annoncé dans la salle d’attente après une pige convaincante.
Le Havre devra donc compter sur les bons crus de son historique Cavée, son centre de formation nommé aujourd’hui en hommage à Christophe Revault. Yoni Gomis et Steve Ngoura, deux finalistes de l’Euro U19 avec les Bleuets, en sortent, comme Antoine Joujou, Josué Casimir ou le capitaine Arouna Sangante, qui ont tous joué la saison dernière. Deux milieux de terrain reviennent bronzés des JO avec le Maroc (Yassine Kechta et Oussama Targhalline) et un cadre, Abdoulaye Touré, a vécu « une petite Coupe du monde » avec la Guinée cet été. Ce manque de nouvelles recrues n’inquiète pas Jean-Michel Roussier : « Le maintien est largement à notre portée. » La meilleure nouvelle est arrivée des coulisses pour le boss havrais, avec la prolongation de contrat du directeur sportif Mathieu Bodmer, actée alors que le club traversait une mauvaise série au printemps. Il n’a pas encore trop eu à poser aux côtés de nouvelles recrues, mais il sait qu’il pourrait perdre Étienne Youté Kinkoué (Hoffenheim est sur le coup, une offre de 7 millions d’euros aurait été refusée), voire Christopher Operi, Arouna Sangante et Oussama Targhalline. Dans les colonnes de Paris-Normandie, il qualifie cette intersaison de « frustrante » : « On a des opportunités de joueurs, des garçons prêts à nous rejoindre tout de suite, mais on ne pourra pas bouger avant d’avoir réussi à vendre. Ce mercato est vraiment compliqué. A priori, ça s’agitera après la première journée. Mais là, j’ai l’impression qu’on ne fait que tourner en rond. »
« On ne sait pas ce que l’avenir nous réserve, renchérissait Jean-Michel Roussier le mois dernier. Personne ne va revendiquer d’avoir un budget plus bas que le nôtre. » Certains chiffres annoncent une réduction du budget de l’ordre de neuf millions d’euros, 26 contre 35. La faute à une prise en compte, sûrement plus réaliste que d’autres, de la situation galère des droits TV dont son président s’est longtemps (et à juste titre ?) opposé, et un encadrement de la masse salariale imposée par la DNCG. Roussier dénonçait le deal avec le fonds d’investissement CVC, défavorable au Havre, comme le « casse du siècle » pour le foot français. Malgré tout, qui dit masse salariale encadrée dit travail obligé. La saison dernière, Daler Kuzyaev, Loïc Nego et Abdoulaye Touré avaient été chopés libres. « Sans faire d’analogie avec ce qu’il se passe en France actuellement, ses décisions [celles de Vincent Labrune] ont entraîné de brusques changements de cap, qui risquent de nous mener à un naufrage », disait ensuite Roussier.
Digard à la barre
Pour éviter de couler, Le Havre commence sa traversée avec un capitaine qui connaît le navire. Un gars qui redébarque dans le club doyen mais qui fait tout très vite : papa à 16 ans, capitaine du Havre à 20 ans, retraité à 31 ans. Le pote de Bodmer n’a dirigé que 25 matchs avec Nice, mais a scalpé Marseille, Monaco, Lens, et Lyon, en plus d’avoir (ça vaut ce que ça vaut) la quatrième meilleure moyenne de points de l’histoire du Gym. Le tout au moment où surgissait l’affaire des mails de Christophe Galtier, et avec un discours emballant. En effet, l’ancien milieu de terrain dit avoir « 99% de Carlo Ancelotti, avec 0,5% de Thomas Tuchel et 0,5% de Pep Guardiola », plus un peu de Quique Setién, et préfère gagner « 5-4 que 1-0 ». À vous de juger.
Pour la confiance, il faudra repasser un peu plus tard. À une semaine de la reprise, les Havrais se sont fait étriller 6-0 par Bochum en amical, jouant comme des « enfants » selon leur coach qui a presque leur âge. « Une bonne leçon », renchérissait le capitaine Sangante après la rencontre. Surtout avant de recevoir le PSG en ouverture de la saison et du championnat. « C’est pas préoccupant, c’est ce qui montre qu’il y a beaucoup de chemin », dédramatisait Digard, qui semblait avoir pris de la bouteille cet été : « Les gens se voilent la face mais [être viré] c’est le cas pour tout le monde. Après, j’espère que mon histoire ici sera très longue. » Il faut espérer que le voyage dure plus de 25 matchs, et qu’il conduise à un nouveau maintien pour le doyen.
Par Ulysse Llamas