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Le football aussi pleure son Johnny

Propos recueillis par Andrea Chazy
Le football aussi pleure son Johnny

Hinschberger, Courbis, Printant, Savidan, Coupet, Thil, Fernandez… Les mélomanes du foot pleurent leur Johnny.

Phillipe Hinschberger (ex-entraîneur de Metz)

« C’est un monstre ! (Rires.) J’aime beaucoup de chansons de Johnny Hallyday et je pense que quelqu’un qui n’aime pas le rock’n’roll ne peut pas rester insensible à ses fameuses ballades. Moi, je serais plutôt à jouer Je te promets que Allumez le Feu, même si je maîtrise bien Le Blues aussi quand même. La chanson de 2002 sur les Bleus, ce n’était pas ce qu’il avait fait de mieux. Aujourd’hui, ce n’est pas trop le genre de chansons qu’on écoute dans les vestiaires, mais ça peut tout à fait être le type de chansons qu’on met sur des montages vidéo de motivation. À la guitare, ça se joue facilement, c’est trois-quatre accords. Mais pour jouer une chanson comme Le Blues, il faut avoir un bon doigté si vous voulez que cela ressemble à quelque chose. »


Ghislain Printant (ex-entraîneur de Bastia)

« Déjà, comme pas mal d’entre nous, il a bercé notre jeunesse. C’était un monument sur scène. Et j’ai un rapport même personnel, puisque j’ai perdu mon frère aîné il y a près de dix ans qui était un fan de Johnny Hallyday. À travers ce message pour Johnny que j’ai publié sur Twitter, c’était aussi un petit clin d’œil pour mon frère. C’était un fan de la première heure et il ne fallait pas voir un concert de Johnny à côté de lui, c’était une souffrance. (Rires.) Johnny, j’ai eu l’occasion de le voir sur scène et c’était un spectacle. Il était toujours accompagné de supers musiciens, son spectacle était grandiose à chaque fois. Il arrivait à vous transmettre quelque chose avec ses chansons et quand on vous parle de spectacle, Johnny Hallyday c’était LE spectacle. Y avait pas de mauvais match. (Rires.) S’il y avait une équivalence dans le football, et même si beaucoup de joueurs sont passés derrière, je pense que Pelé pour le caractère mythique correspond bien. L’ensemble de son œuvre est formidable. Il fait partie des grands de la musique et du show-bizz. C’est quelqu’un qui va laisser son empreinte et qui restera des années et des années. »


Steve Savidan (ex-international français)

« Il a pas mal accompagné ma jeunesse, parce que ma maman est fan et je suis devenu fan aussi. Je suis allé le voir une fois à Angers et c’était top. Avant, j’avais une discothèque à Angers, et je peux te dire que j’en ai saoulé des Angevins avec Johnny ! (Rires.) En pleine soirée éléctro, tu passes Gabriel, ça marche toujours. Quand je jouais à Valenciennes, on avait une sono dans le vestiaire et quand c’était mon tour de mettre ma musique, c’était en aléatoire et ça tombait parfois sur Johnny. Et bah je peux te dire qu’on m’a sauté pas mal de fois mon tour derrière et qu’on m’a confisqué mon portable plusieurs fois… (Rires.) Mais je dois avouer que quand je me suis levé ce matin, ça m’a fait bizarre. J’ai envoyé un message directement à ma maman. Il faisait partie d’un cadre de vie et, qu’on aime ou pas, il a été là un moment dans ta vie, dans une soirée ou autre. Et ça a toujours été mal perçu d’écouter Johnny, on a toujours l’impression que t’es un beauf et c’est un truc dont j’ai horreur ! Je l’ai encore vu aujourd’hui, on essaye de caricaturer les fans de Johnny : il faut que ce soit un mec et sa femme archi fans avec des T-shirts, des tatouages, présentés tout le temps d’une façon particulière… On les fait chanter, on les fait un peu passer pour des cons… Comme si c’était moins bien qu’autre chose d’être fan de Johnny. J’ai une amie qui est journaliste et qui a tweeté un truc que je trouve très juste qui est : « Jean-Philippe Smet s’est endormi, mais Johnny Hallyday est éternel. » J’ai deux grands regrets avec Johnny. Le premier, c’est de ne pas avoir vécu un concert des Vieilles Canailles, et le second, c’est que j’aurais tellement aimé tomber sur lui dans un bistrot, prendre deux-trois verres de rhum et rigoler. C’est un mec, tu sens que si le cercle est bien autour, tu peux l’aborder sans passer pour un mec relou et passer une bonne soirée avec lui. Ça ne m’étonne pas que ce soit un mec timide, parce que finalement, c’est un peu comme les footeux : t’es tellement habitué à voir beaucoup de monde autour de toi que tu te retrouves souvent un peu tout seul… Ah, dernière chose : tu écris bien que les fans de Johnny ne sont pas des beaufs, hein ! »


Rolland Courbis (ex-entraîneur de beaucoup de clubs)

« J’ai eu la chance de le croiser trois ou quatre fois grâce à Jean-Claude Darmon. Quand j’avais huit ans, il en avait dix-huit et il commençait déjà à faire parler de lui. J’ai suivi sa carrière et je l’ai accompagné toute sa vie comme beaucoup de Français, pour ne pas dire tous les Français. C’était quelqu’un de sympa et très discret, timide, quelqu’un de très attachant. On se demandait parfois si c’était vraiment la même personne sur scène… (Rires.) Quand je vois que certaines personnes, que ce soit dans le sport ou autre, roulent des mécaniques pour pas grand-chose, lui, il aurait largement pu par rapport à ces gens-là et c’était tout le contraire. Il y a deux chansons que je m’amusais souvent à chanter : Retiens la nuit et L’idôle des jeunes. Ces deux chansons m’ont marqué, et quand on reprend les paroles de L’idole des jeunes, par exemple, quand il dit : « Les gens m’appellent l’idole des jeunes, il en est même qui m’envient. Mais s’ils pouvaient savoir dans la vie, combien tout seul je suis » , c’est magnifique. Parce qu’à l’époque, il était seul et n’était pas encore tombé amoureux, alors que toutes les filles étaient pourtant amoureuses de lui… C’était une idole. Pour un gamin de huit ans comme moi, il était déjà vieux avec ses dix ans de plus. Et ces dix ans-là, je ne les ai jamais rattrapés… (Rires.) À l’époque, il n’y avait pas de chanson de bizutage dans le vestiaire, mais si ça avait existé, je me serais sûrement servi de l’une de ses chansons, car tout le monde connaît les paroles et ce n’est pas très dur à chanter… Enfin, de la chanter comme ça, hein. Parce que de la chanter comme lui, avec la voix qu’il avait, ça c’est une autre histoire ! Cette voix, elle est incroyable. »


Grégory Coupet (ex-gardien de l’OL et des Bleus)

« C’était un personnage incontournable de la chanson française. Je l’ai vu plusieurs fois en concert, notamment à Bercy lors du concert de -M-. Ce n’était pas prévu, c’était une surprise et quand il est arrivé sur scène, ça a été un moment incroyable. Ce n’était pas son public et, pourtant, quand il est arrivé sur scène, il imposait quelque chose. C’est une bête de scène, c’est un monstre. Dans le monde de la chanson, Johnny est éternel. Et puis Johnny me rappelait aussi mon père au niveau du charisme, aussi peut-être parce que mon père aimait bien Johnny. Bon, il ne chantait pas comme lui quand même… (Rires.) Parce que, même si son choriste a une voix qui lui ressemble, il n’y a qu’un Johnny ! Quand on est français et encore plus quand on a mon âge, c’est impossible d’avoir raté Johnny. La musique de 2002 ? Bon, ce n’était pas sa meilleure, mais c’était Johnny quand même. Cette chanson, chantée par n’importe qui, ça n’aurait pas donné grand-chose, mais c’est grand que ce soit lui qui ait participé à cela. Passer à côté de Johnny, même si on n’aime pas le rock ou la chanson française, ce n’est pas possible. Quand on voit tous les hommages aujourd’hui, qu’il est allé sur le Paris-Dakar et tout ce qu’il a fait à côté… C’est un monstre ! Je chambrais mes joueurs ce matin en leur disant que vu que ce n’était pas Jay-Z qui était décédé, ça les touchait moins. Mais bon, ils le connaissaient tous quand même, et c’est ça qui montre aussi l’ampleur de ce qu’il a fait. »


Grégory Thil (attaquant de Boulogne-sur-Mer)

« Je me souviens surtout du fait qu’il était tellement content d’avoir assisté à la finale de la Coupe du monde 1998… C’était un grand fan de sport. J’aimais bien, même si je n’étais pas un fan de la première heure pour autant, c’était plus de la génération de mes parents. Ils aimaient bien Johnny, les Beatles, les Stones, ils aimaient bien le rock. Et puis Johnny, pour les Français, c’est quand même exceptionnel. Il est parti un peu tôt, mais il a quand même marqué la France. Il a fait tellement de chansons connues, que ce soit Laura, Allumez le feu, etc… Il avait un répertoire vachement varié, et c’est aussi pour ça qu’il a rencontré un grand succès. Un joueur de foot français qui aurait cette aura ? Je ne vois que Zidane qui peut se ranger dans cette catégorie-là… »


Luis Fernandez (ex-entraîneur du PSG et du Betar Jérusalem)

« Johnny Hallyday c’est… (Il cherche ses mots, ému.) C’est quelqu’un d’exceptionnel, d’extraordinaire. Dans le football, tu as des génies comme Messi, Neymar, Cristiano Ronaldo… Eh bien dans la musique, tu as Johnny Hallyday. Ce sont des hommes qui marquent leur temps par leur talent, leur force, leur caractère. C’était quelqu’un pour qui j’avais de l’admiration. Je me souviens que chez Michel Drucker, avant la Coupe du monde 1986, on avait fait une chanson avec Johnny, c’était un super moment. Tu sentais que c’était quelqu’un qui aimait le foot, qui le regardait, et il nous a marqués. Après, tu as ceux qui aiment ou pas. Mais, personnellement, j’adorais, c’était un plaisir. Je suis ému parce que Johnny, ce sera à jamais Johnny Hallyday. Quand on reste aussi longtemps, qu’on a une aussi longue carrière, qu’on vend autant, ça se respecte. J’avais été à son concert au Parc des Princes et c’était une bête de scène. Johnny, c’est quelqu’un qui ne trichait pas. Quand on voit les témoignages, de ses fans ou de ses proches, et que c’est la générosité qui en ressort, moi j’aime ça. Aujourd’hui, on perd quelqu’un de grand. Et même quand il a fait sa tournée avec Eddy Mitchell et les Vieilles Canailles, c’était un plaisir. Moi j’ai grandi avec Johnny, il fait partie de ma vie, il a toujours été là et je ne suis pas près de l’oublier. Cruyff et Pelé sont des gens qui étaient différents, qui ont apporté quelque chose à leur sport, et je pense que l’on peut mettre Johnny dans cette catégorie de personnes pour la musique. Moi, je veux qu’il entre au Panthéon, c’est mon avis, ce serait un hommage mérité. »

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