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Le carnet tactique de la première journée de Ligue 1

Par Maxime Brigand
Le carnet tactique de la première journée de Ligue 1

Cette saison, So Foot reviendra après chaque journée de Ligue 1 sur trois points tactiques. Après les premières foulées, retour sur l'entrée d'Eduardo Camavinga contre Lille, la première de Kovač contre Reims et la découverte Birger Meling.

➪ Un Camavinga, ça change la vie

Alors que Clément Turpin enchaîne trois coups de sifflet, Eduardo Camavinga baisse la tête. Le milieu du Stade rennais, sans doute frustré d’avoir été coupé dans sa représentation par un homme à houppette, décide alors de s’offrir quelques jongles avant de quitter la piste d’un Pierre-Mauroy qui n’est pas passé loin de voir le LOSC se faire souffler d’entrée par des Bretons qui ont terminé la nuit comme des sauvages. Finalement rassuré par le score final (1-1), le public nordiste a malgré tout vu passer une tornade et a pris sa dose d’étincelles sur le museau. Dans le rôle de Peter Pan, Camavinga, évidemment, entré peu après l’heure de jeu à la place de Benjamin Bourigeaud et qui a aidé ses potes à prendre le contrôle de la piste de danse. À sa façon : celle d’un gamin insouciant de dix-sept ans, qui a obtenu son bac ES début juillet, qui cavale désormais avec un numéro 10 sur le dos et qui a décidé de repousser les avances du Real pour balancer durant encore quelques mois son plaisir de jouer à la tronche de la Ligue 1. Et ce avec des chiffres majuscules : 43 ballons touchés, 91% de passes réussies, 100% de duels remportés, trois dribbles passés, 100% de duels aériens gagnés, une passe-clé, trois tirs, deux interceptions et deux ballons récupérés, dont un dans le camp lillois. Bien sûr, au moment de faire les comptes, il y a aussi – et surtout – une passe décisive, la troisième de sa carrière, pour Damien Da Silva. « Il a eu une préparation tronquée et c’était trop tôt pour le faire démarrer, a raconté Julien Stéphan, le technicien rennais, après le show de son joueur. Il est jeune, j’ai besoin de lui dans la durée. Ce soir, c’était quand même certain dans mon esprit qu’il allait nous apporter des choses dans la dernière demi-heure.   » Gourmand, Eduardo Camavinga a même décidé de tout changer.

Son entrée a ainsi permis au Stade rennais de gratter un point, en poussant notamment davantage dans des couloirs lillois fragiles, et de mettre le pied sur les échanges (66% de possession sur les 25 dernières minutes). L’international espoir a surtout aidé son équipe à respirer dans l’entrejeu et à accélérer le rythme. Durant trente minutes, on a ainsi vu le Camavinga de la saison dernière : un type disponible, qui sollicite sans cesse le ballon, qui n’hésite pas à afficher de la personnalité et à prendre des responsabilités, fiable à la relance, capable de résister à la pression, d’ouvrir des espaces pour ses coéquipiers, d’organiser en phase initiale et de pétiller dans les transitions offensives. Mais aussi un Camavinga un peu nouveau, qui a su peser offensivement et qui est désormais sécurisé dans ses projections par le nouveau système breton, construit autour de la tour Nzonzi. S’il a perdu trois ballons, dont deux sur de longues ouvertures dans la foulée de son arrivée à la soirée, Eduardo Camavinga a d’abord fait parler son excellente visualisation du terrain pour sortir les ballons.

Dès son entrée en jeu, Eduardo Camavinga a été le premier relais dans les sorties de balle pour les deux centraux rennais, Da Silva et Aguerd. Sur ce type de séquences, on l’a alors souvent vu chercher ensuite Faitout Maouassa dans le couloir gauche.

Lorsque les centraux rennais ont eu la possibilité de sortir balle au pied, Camavinga a aussi été une solution préférentielle derrière la première ligne adverse afin d’orienter rapidement le jeu breton vers l’avant en formant des triangles.

Lorsqu’il a eu de l’espace pour s’exprimer et faire gagner des mètres à son clan, Camavinga n’a ensuite pas hésité à s’engouffrer grâce à sa conduite de balle extrêmement rapide. Techniquement, on l’a aussi vu se goinfrer entre un contrôle en aile de pigeon sur une relance de la tête de Bradarić et un petit pont glissé à Renato Sanches. Libre dans sa tête et guidé par son instinct, le jeune Rennais s’est également aventuré à la finition. Il a d’abord eu une balle de but, envoyée au-dessus.

Puis, il a gagné un duel aérien décisif – une rareté avec lui – qui a conduit au but de Da Silva.

Enfin, celui qui a bouclé la saison dernière avec le statut de plus gros tacleur de Ligue 1 (4,2 tacles tentés/match) a également fait parler son efficacité défensive grâce à deux de ses principales qualités : son talent de chasseur et sa capacité d’optimisation de l’espace.

Après s’être assuré du parfait équilibre du bloc breton autour de lui, Camavinga saute dans les pieds de Yazici et enclenche derrière une transition rennaise.

Attendu au tournant cette saison et aidé par la gestion intelligente de son cas par Stéphan, Eduardo Camavinga a réussi sa rentrée chez les grands de façon brutale. Il y a quelques jours, il disait vouloir « confirmer   » son premier exercice complet dans l’élite. La mission commence bien.


➪ Que retenir de la première de Kovač ?

Alors Niko, ton Monaco sera-t-il méchant et cynique ? Pas d’inquiétudes à avoir : la réponse est non. « Notre style sera basé sur la haute intensité   » , a d’abord expliqué début août, à L’Équipe, Niko Kovač, figure d’un éternel « nouveau chapitre » ouvert cet été sur le Rocher, avant de se pointer dimanche à son premier match de Ligue 1, où l’on a rapidement compris que le technicien croate avait une idée claire de son projet : monter rapidement une ASM jeune et jolie. Que retenir de cette première ? Qu’elle a d’abord pris l’allure d’un cauchemar, Monaco se faisant piquer deux fois par le jeu long et la prise de profondeur rémoise. Ainsi, au bout de cinq minutes de jeu, sur un dégagement de Rajković, El Bilal Touré a devancé Disasi dans les airs et a envoyé Boulaye Dia tromper Benjamin Lecomte. Seize minutes plus tard, rebelote : au bout d’une chandelle, Disasi et Badiashile ont laissé Dia les manger, puis les deux centraux monégasques ont reculé après une perte de balle côté gauche de Ballo-Touré devant El Bilal Touré, qui n’a eu qu’à battre facilement Lecomte d’une frappe sèche décochée de l’entrée de la surface. Être mené de deux buts à domicile après 21 minutes, Kovač n’avait pas prévu ça, et Reims tenait alors son plan : un attaquant pour cadrer la relance monégasque, un autre pour couper l’accès à Fofana, placé en sentinelle, deux milieux axiaux – Chavalerin et Munetsi – pour s’occuper de Golovin et Tchouameni, un bloc solide derrière pour fermer l’accès à la surface, point.

Sur le premier but rémois, Disasi perd son duel avec Touré alors que Badiashile, trop orienté pour couvrir correctement son pote, laisse filer Dia dans son dos. Sur le second, les deux centraux monégasques vont ensemble à la perte du ballon, signe d’un manque de repères défensifs.

Puis, après cette deuxième baffe, l’AS Monaco s’est allumée et on a commencé à voir une esquisse de ce que Niko Kovač souhaite mettre en place sur le Rocher. Armé d’un 4-3-3, le Croate a d’abord filé deux arcs à ses centraux – Disasi et Badiashile -, ultra-responsabilisés et chargés de tirer des flèches au sol (toujours au sol) dans toutes les zones du terrain (290 ballons touchés et 278 passes déclenchées à eux deux). Une relation clé : celle entretenue par Axel Disasi, excellent dans la construction, et Tchouameni, trouvé à plusieurs reprises dans l’interligne droit et qui n’a cessé de matraquer le couloir gauche rémois en compagnie de Gelson Martins et d’un Aguilar omniprésent (cinq passes clés, trois fautes subies, dix centres tentés). De l’autre côté, Badiashile, plus lent dans l’exécution que Disasi, a d’abord davantage cherché Onyekuru (remplacé à la pause par Diop) avant d’un peu plus toucher Golovin en seconde période.

Structure de l’ASM avec ballon : un 4-3-3 classique, avec des ailiers excentrés, un Ben Yedder seul en pointe et deux relayeurs pour faire avancer le bloc via les interlignes.

Sur la grande majorité de ses lancements, Disasi cherche Tchouameni dans l’interligne, chargé ensuite d’écarter vers Aguilar ou Martins.

Sur cette séquence, Tchouameni écarte sur Martins, qui attend Aguilar pour jouer le 2 contre 1 face à Konan.

À quelques reprises, une fois Aguilar lancé, Martins s’est ensuite inséré au cœur du bloc rémois, en retrait, pour allumer. Ici, sa frappe sera sauvée par Rajković.

Kovač demande à ses centraux de participer activement à la phase offensive. Ici, ce qui ressemble à son idéal : Disasi se projette balle au pied et vient former un losange avec Aguilar, Tchouameni et Martins. LASM est ainsi en supériorité numérique sur le côté.

Dimanche, après avoir débuté timidement, soit en se contentant de bouger le bloc rémois sur la largeur et en peinant à le percer verticalement, l’AS Monaco de Kovač, revenue au score grâce à deux phases arrêtées, s’est déshabillée et a montré quelques petites choses intéressantes durant soixante-dix minutes, même si elle s’est fait prendre sur certaines transitions défensives, notamment lorsque le travail de compensation derrière les projections d’Aguilar était mal effectué. Le nouveau technicien croate souhaite placer beaucoup de joueurs devant le ballon, ce qui comporte une grande part de risque et explique les espaces derrière, et que son équipe épuise l’adversaire (Monaco a eu le ballon 76% du temps dimanche). Il cherche aussi à empiler les frappes (22 dimanche pour seulement 5 cadrées), à attaquer principalement via les côtés et à s’implanter totalement dans le camp de l’adversaire. Plusieurs fois, on a ainsi aperçu les dix joueurs monégasques dans le camp rémois.

On a aussi vu l’ASM proposer un contre-pressing à quelques reprises, ce qui doit devenir une norme sous Kovač.

Ce n’est évidemment qu’un début, et Niko Kovač a insisté après la rencontre sur ce point : « On va continuer à se développer tactiquement.   » David Guion a d’ailleurs été lui aussi dans ce sens : « On sent que Monaco est une équipe agressive, qui veut jouer chez l’adversaire, en essayant de passer par les côtés. Elle possède une valeur athlétique avec Tchouameni, ainsi que des leaders techniques avec Golovin et Ben Yedder. Elle sera dans le haut du classement. » Le cas de Ben Yedder sera particulièrement à suivre, l’international français ayant souvent été très esseulé devant et ne pouvant physiquement peser sur l’énorme quantité de centres (36) tentés par l’ASM s’il n’est pas accompagné dans ses déplacements (par un attaquant capable de jouer en remise type Slimani la saison dernière). Golovin, lui, a sorti une très gosse deuxième période, notamment dans le pressing, tout comme Tchouameni, impérial dans les duels (18 remportés) et passeur décisif sur l’ouverture du score. Cette histoire ne fait que commencer. Reste à voir la tournure qu’elle va prendre avec les quelques recrues attendues par Kovač.


➪ Meling, drôle d’enchanteur

Les paroles, avant le décollage : « Je suis pressé de voir jusqu’à quel point je peux repousser mes limites.  » Et les actes. Alors qu’Amine Gouri a régalé pour ses débuts avec Nice et qu’Enzo Le Fée a passé son dimanche après-midi à livrer ses premières friandises du côté de Lorient, un type a particulièrement attrapé les regards : Birger Meling, 25 ans, recruté cet été par le Nîmes Olympique. Trouvé par le directeur sportif gardois, Reda Hammache, et validé par Jérôme Arpinon ( « Il m’a montré une vidéo d’une heure. J’ai dit oui tout de suite ! » ), l’international norvégien a dévasté le côté droit brestois avec son Batman et colocataire dans la vie, Romain Philippoteaux. Offensivement, ses chiffres ont été monstrueux – 6 interceptions, 1 passe-clé, 100% de centres réussis – et Meling a été une solution de diagonale constante pour Loïck Landre et Lucas Deaux. Derrière, il a toujours combiné avec Philippoteaux et a d’abord délivré une passe décisive pour Denkey, avant d’être à son tour buteur.

Trouvé sur son côté, Meling déclenche dans le bon timing pour Denkey.

Parti de son côté, Meling trouve Philippoteaux dans l’interligne gauche, avant d’aller s’insérer dans les mailles distendues de la défense brestoise. Il va ensuite allumer la lucarne de Larsonneur.

Bémol sur cette première : le Norvégien n’a pas toujours été rassurant défensivement, a perdu cinq ballons dans son camp (plus que n’importe qui côté nîmois) et a eu quelques défauts dans l’orientation de son corps. Malgré tout, il a parfois aidé Nîmes à se sortir du pressing adverse et a su attraper l’adhésion de ses partenaires défensifs en quelques semaines, Loïck Landre lâchant par exemple ceci dans L’Équipe : « Quand il monte aussi haut, je n’ai pas peur. C’est un marathonien et je sais qu’il va revenir à deux cents à l’heure.   » Meling n’est pas un mec qui sort de nulle part. Plusieurs clubs de Ligue 1 le suivent depuis quelques saisons et attendaient de le voir sur une marche intermédiaire avant de sauter sur le coup. Nîmes est un bel endroit pour renforcer sa réputation.


On a aussi entendu…

Christian Gourcuff phosphorer après un 0-0 sans vie à Bordeaux : « J’aime le foot, il n’y a pas que les buts qui comptent. J’ai vu des enchaînements intéressants dans la circulation du ballon. Après, ce n’est qu’un moyen, et la finalité reste de se créer des occasions. Il y a eu une phase de préparation très satisfaisante, mais il faut des changements de rythme pour déséquilibrer une défense très regroupée, sinon, ça reste vain. »

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