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Le but de Cantona face à Sunderland a vingt ans

Par Régis Delanoë
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Le but de Cantona face à Sunderland a vingt ans

Il y a vingt ans à Old Trafford, Éric Cantona marquait l’un des plus beaux buts de sa carrière : une chevauchée fantastique suivie d’un lob génial pour achever d’écraser Sunderland, un moment de football jouissif sublimé par la célébration du « King », col relevé, regard perçant, pivotant sur lui-même pour réclamer les vivats de la foule. Magnéto, Serge !

L’année civile 1996 qui était sur le point de s’achever au soir de ce match face à Sunderland avait été globalement contrastée pour Éric Cantona. Déjà parce qu’il n’était cette fois plus question d’équipe de France, Aimé Jacquet ayant définitivement décidé de se passer de lui pour disputer l’Euro anglais, puis pour préparer l’échéance du Mondial à la maison. Mais à la limite, tant pis, car Canto ne vibrait désormais dans le monde du football que pour une seule tunique : la rouge, siglée du sponsor Sharp, de Manchester United. En 95, il y avait eu ce kung-fu kick contre le supporter de Crystal Palace Matthew Simmons, les huit mois de suspension qui avaient suivi et la perte du titre pour les Red Devils, en partie en raison de cette absence et de l’écho que l’événement avait eu dans le vestiaire. L’année suivante était celle de la rédemption pour le Français qui, revenu à la compétition plus iconique que jamais, avait grandement contribué à la reconquête du titre et même d’un nouveau doublé coupe-championnat après celui de 94. À l’occasion de cette finale de la FA Cup 96 face à Liverpool, c’est lui qui avait marqué le seul but du match, paré du brassard de capitaine. De nouvelles responsabilités confirmées par Alex Ferguson pour démarrer la nouvelle saison 96/97, avec cette fois l’objectif d’aller conquérir l’Europe. Sauf que la première moitié de saison ne se passe pas forcément comme prévu, ni pour MU ni pour Canto. L’équipe subit une inattendue et inquiétante mauvaise passe entre fin octobre et début novembre, subissant notamment un violent revers 0-5 face à Newcastle. Son capitaine, lui, reste muet devant le but en Premier League pendant près de cent jours, ne parvenant pas à concrétiser une occasion entre une victoire 4-1 face à Nottingham Forest le 14 septembre et ce fameux succès brillant en forme de délivrance du 21 décembre 1996 face à Sunderland.

Un Français dans les buts de Sunderland : Lionel Pérez

Au coup d’envoi de ce match comptant pour la 18e journée, MU ne pointe qu’en sixième position, à six points du leader Arsenal dans un championnat très disputé. Devant les 55 081 spectateurs d’Old Trafford et face au douzième du classement, Sunderland, la victoire est impérative après deux nuls décevants en déplacement sur les pelouses de West Ham et Sheffield Wednesday. Alex Ferguson aligne sa meilleure équipe du moment, avec Schmeichel dans les buts, une défense composée d’Irwin, May, Pallister et Gary Neville, Scholes, Butt, Phil Neville et Ryan Giggs au milieu, Cantona et Solskjær en pointe. Le Norvégien concrétise à la 36e la molle domination des siens en ouvrant le score. Le plus difficile est fait pour des Mancuniens libérés, qui se rassurent alors en aggravant le score à mesure que les minutes s’égrènent. Peu avant la mi-temps, le gardien français de Sunderland Lionel Pérez fait faute sur Nicky Butt, un penalty transformé par Cantona, qui débloque du même coup son compteur. Au retour des vestiaires, Solskjær double son compteur personnel, tandis que Butt y va aussi de son petit but juste avant l’heure de jeu. En seconde période, Ferguson fait tourner son équipe, McClair, Poborski et Thornley ayant successivement remplacé Pallister, Solskjær et Giggs (Beckham restant sur le banc). On joue la 79e minute, c’est l’heure du chef-d’œuvre.

Le une-deux génial avec McClair

Au milieu de terrain, Cantona hérite du ballon entre deux joueurs adverses. Il pivote, crochète pour éliminer le premier, accélère balle au pied pour se défaire du second, poursuit son effort, avance de vingt mètres, trouve face à lui un troisième Black Cat, le défenseur Gary Melville, qu’il décide de ne pas affronter en sollicitant le une-deux avec Brian McClair, disponible à sa gauche. Le remplaçant récupère le ballon, se le remet dans le sens de la course et le transmet de nouveau à Cantona, parti le récupérer à l’entrée de la surface. Le King ralentit très légèrement sa course, il n’a qu’un court instant pour prendre sa décision, alors que Kubicki arrive sur lui. C’est alors qu’il voit Lionel Pérez, son ancien coéquipier à Nîmes en 1991, très curieusement avancé au devant des cages qu’il est censé défendre. Il choisit le lob, le réussit somptueusement, sans contrôle. Pérez se détend en vain, le ballon file, opère une trajectoire légèrement oblique pour heurter le haut du poteau opposé, juste sous la lucarne. Le stade explose.

Comme s’il cherchait du regard chacun des spectateurs

« La tête était haute, la poitrine bombée et les bras en l’air, faisant des gestes comme pour dire « Come on, let me have it ». C’est un homme dont l’arrogance du buteur n’a d’égal que ses célébrations. Les quelque 50 000 fans de Manchester United hurlaient spontanément et en chœur « Eric is back. » » Comme le décrit le journal The Observer du lendemain, la célébration du buteur est au moins aussi folle et électrisante que le but lui-même. Le ballon est à peine rentré dans le but que Cantona se retourne, dos à celui-ci, le col relevé, le brassard de capitaine lui serrant l’avant-bras droit. Les yeux noirs perçants, c’est comme s’il cherchait du regard chacun des spectateurs. Il continue à pivoter, commence à lever les bras, McClair arrive dans son dos, l’enlace et parvient à lui arracher un demi-sourire de satisfaction. La foule est en délire, la plèbe est rassasiée. L’héroïque gladiateur qu’on croyait sur le déclin peut rejoindre son camp en trottinant, tout en recevant les félicitations de ses coéquipiers. Ce cinquième but le fait entrer définitivement dans la légende du club et dans les cœurs des Red Devils. Il est relancé, son équipe aussi. À la suite de ce large succès, elle prendra vingt-six points sur trente possibles lors des dix matchs suivants. Manchester Utd reprend sa place de leader, ses adversaires (Newcastle, Arsenal, Liverpool) sont encore dominés. Ce nouveau titre, le troisième en quatre saisons, est le dernier pour Cantona, qui décide de prendre sa retraite à trente ans. Au sommet de sa gloire.

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