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Lass à la meringue

Par Florian Lefèvre, avec Javier Prieto Santos
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Lass à la meringue

De 2009 à 2012, Lassana Diarra a passé trois ans et demi au Real Madrid. Lass a gagné des titres, régalé le Bernabéu, mais a surtout vécu une relation féroce et passionnelle avec José Mourinho.

L’élimination se profile face à des smicards de troisième division. Ce 10 novembre 2009, à la 70e minute d’un seizième de finale de Coupe du Roi entre le Real Madrid et Alcorcón, une bronca descend des tribunes du stade Santiago-Bernabéu. Humiliés 4-0 à l’aller par l’équipe de la banlieue madrilène, les Merengues ne parviennent pas à marquer et ne remporteront finalement qu’une victoire anecdotique (1-0) grâce à un but de Rafael van der Vaart. Mais ce qui révolte le Bernabéu, c’est ce choix du coach Manuel Pellegrini : sortir Lassana Diarra pour faire entrer Marcelo. « Personne n’a vraiment compris cette décision, avouait à l’époque l’ancien milieu défensif emblématique du Real Madrid Ricardo Gallego à So Foot. Les socios espéraient encore revenir au score, mais Pellegrini l’a remplacé alors que Lass avait été, de loin et en jouant arrière droit, le joueur le plus dangereux du Real. Quand il l’a vu sortir, le public a compris que l’équipe ne reviendrait plus au score… »

L’anecdote démontre à quel point le milieu de terrain français s’est imposé en quelques mois entre les murs de la Maison-Blanche. Quand il débarque à Madrid lors de l’hiver 2009 en provenance de Portsmouth pour pallier la blessure de son homonyme, Mahamadou Diarra, le joueur de 23 ans laisse d’abord sceptique les fidèles merengues. Serait-ce un nouveau caprice à 20 millions d’euros qui va repartir aussi vite que l’illustre Julien Faubert ? Pas vraiment. Les socios revoient plutôt Claude Makelele. Du haut de son mètre soixante-treize, Lass récupère des ballons à gogo et met sa propreté au service des stars de l’équipe. Au bout de six mois, le Français récupère le numéro 10 de Wesley Sneijder, avec lequel il soulèvera une Liga (2012), une Coupe d’Espagne (2011) et une Supercoupe d’Espagne (2012). Bientôt, il retrouve un homme qui le suit depuis ses débuts : José Mourinho.

Mourinho est allé le chercher au Havre

Dès 2005, le Special One mise sur l’espoir du Havre AC à Chelsea. Viré du centre de formation du FC Nantes et du Mans à l’adolescence, Lass marche à la confiance. Qui mieux que Mourinho pour manager Lass et sa forte personnalité ? « Avec Wenger, je n’ai rien appris. Ou alors seulement à douter de tout, balançait-il à El País lors de ses débuts au Real Madrid. Ce club n’était pas fait pour moi. Wenger ne m’a jamais adressé la parole, jusqu’à ce que je lui annonce que je partais. Je respecte sa façon d’entraîner, mais j’ai beaucoup plus appris avec Mourinho. Lui, il me parlait en me regardant droit dans les yeux, et si j’avais un problème, on en discutait franchement. » Ces deux-là devaient se retrouver.

Mourinho arrive à Madrid au sommet : il vient de réaliser son chef-d’œuvre en remportant la Ligue des champions avec l’Inter. Diarra, lui, aurait dû disputer la Coupe du monde 2010 s’il n’avait pas déclaré forfait lors du stage de Tignes à cause de douleurs intestinales liées à une crise vaso-occlusive de drépanocytose. À l’heure de se frotter à Pep Guardiola et de batailler avec son meilleur rival lors de Clásicos épiques, Mourinho titularise Lass dix-neuf fois lors de sa première saison sur le banc madrilène, pour vingt-six apparitions en Liga. Comme toujours, Lass ne s’en satisfait guère. Il veut jouer. Tout le temps. Point barre. Dès lors, le Français annonce dans la presse ses envies de départ.

À l’été 2011, José Mourinho veut que son joueur fasse partie du stage de pré-saison à Los Angeles. Lass l’envoie chier, coupe son téléphone et disparaît des radars quelques jours. Lorsque le joueur revient au centre d’entraînement de Valdebebas, le groupe est en Californie. Avant de partir, le Portugais a ordonné que les ballons soient scellés dans une armoire. Quand il s’en aperçoit, Lass voit rouge, menace les employés du club et obtient finalement les ballons, comme le narre le journaliste d’El País, Diego Torres, dans son livre Preparense a perder. Les jours suivants, une inspection du travail fait un rapport sur cet épisode.

« Sors de ma vie et fous-moi la paix »

Dans le vestiaire du Real Madrid, Lass est surnommé « Antisistema » par ses coéquipiers, car c’est l’un des seuls à tenir tête au Mister. Maître dans l’art de provoquer des réactions chez ses joueurs, le coach portugais aime son Lass passionnément. Mourinho est tellement dingue de son profil tout terrain et de son abattage qu’il lui envoie des textos pour le persuader de rester. Les réponses de Lass à ces messages sont révélées dans le bouquin de Diego Torres. Cela donne des échanges exaltés : – « Sors de ma vie et fous-moi la paix.Je ne vais pas te vendre pour moins de 20 millions d’euros. Réintègre le groupe et tu seras titulaire.Le groupe, c’est ta mère qui va le réintégrer.Je vais t’envoyer avec le Castilla (en réserve, ndlr). – Ok, bah je vais continuer à toucher mes 9 millions d’euros de salaires et j’attendrai avec le Castilla jusqu’à la fin de mon contrat, comme ça je pourrai partir libre.Tu ne tiendras pas autant de temps avec le Castilla. – « T’es sûr ? Rappelle-toi ce que j’ai fait à Chelsea. Je suis resté des semaines sans jouer et finalement vous avez dû me transférer à Arsenal. J’avais 20 ans, là, j’en ai 26 ans, donc imagine ce que je peux faire aujourd’hui. »

Le 21 mars 2012, Lass est remplacé à la 29e minute de jeu à Villarreal. Le divorce est prononcé. Le Français n’apparaît plus sur la feuille de match. Officiellement, il est blessé. En réalité, il ne veut plus jouer. Un mois avant le match à Villarreal, Lass s’était pointé dans le bureau du coach pour lui gueuler dessus : « Oublie-moi, fais ta vie et je ferai la même, mais oublie-moi ! Je te l’ai dit 1000 fois, tu me saoules ! » Finalement, Lass se barre à l’Anji Makhatchkala en septembre 2012. En Russie, il double son salaire.

« Le monde entier aime Gisele Bündchen, mais Mourinho lui, il aime Lass »

Dans le livre de Diego Torres, un témoin anonyme proche du vestiaire madrilène affirme que « le monde entier aime Gisele Bündchen, mais Mourinho lui, il aime Lass. Tellement qu’il est capable de tout lui pardonner. Le problème, c’est que Lass n’aime pas Mourinho. » En 2015, Lass livre sa version sur sa relation féroce avec le Mou dans L’Équipe Mag : « J’ai énormément appris de lui. Il n’a rien à voir avec les autres. Moi et Mourinho, on s’est dit des choses… On s’est insultés. Parfois, on ne se disait pas bonjour pendant un mois. C’est un orgueilleux, je suis un orgueilleux… » Un orgueilleux plus sexy que Gisele Bündchen donc.

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Par Florian Lefèvre, avec Javier Prieto Santos

Propos de Diarra tirés d’El País, du livre Preparense a perder et de L’Équipe Mag, ceux de Gallego recueillis par So Foot

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