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L’arrière latéral est-il vraiment le moins bon joueur de l’équipe ?

Par Gaspard Manet
L’arrière latéral est-il vraiment le moins bon joueur de l’équipe ?

Pour jouer au foot, il faut être onze. C’est un fait. Mais sur ces onze personnes, toutes n’ont pas les mêmes aptitudes physiques et techniques. C’est un autre fait. Une légende urbaine veut que parmi ces onze, celui qui en a le moins, des aptitudes, on le mettrait latéral. Car qu’il soit à droite ou à gauche, l’arrière latéral est souvent considéré comme le moins bon joueur de son équipe. Jallet et Morel ne serviront pas d'exception qui confirme la règle. D’ailleurs, Booba n’a jamais chanté « Que des numéros 3 dans ma team », hein !

Le virus du foot est quelque chose qui s’attrape jeune. Très jeune, même. À l’âge où l’on est encore empli d’insouciance et de joie de vivre. À l’âge où, bien sûr, on rêve de devenir footballeur professionnel. Enfin, on rêve d’être Ronaldo, Messi ou Ibrahimović, plus exactement. Mais bizarrement, on ne fantasme pas sur la possibilité de devenir Évra, Alves ou Marcelo. Non, effectivement, on ne rêve pas de devenir arrière latéral. D’ailleurs, à l’heure des premières licences, des premiers entraînements, rares sont les minots à demander instinctivement d’occuper ce poste. La plupart rêvant d’être numéro dix ou avant-centre. Alors, souvent, la répartition se fait sur les qualités intrinsèques des gamins. Le plus technique sera meneur, le plus costaud sera défenseur central, le plus casse-cou sera gardien, ainsi de suite, jusqu’au moment fatidique du choix des arrières latéraux. Et bien souvent, c’est le petit Kevin, peu gâté par dame nature au niveau des qualités footballistiques, qui va jouer ce rôle. Alors, l’arrière latéral peu doué, mythe ou réalité ?

Si la théorie est peut-être encore valable chez les plus jeunes, elle ne s’avère pas très crédible dans le monde du foot professionnel. À une époque où les latéraux ont pris une dimension offensive importante, il est impensable d’imaginer que ce sont des joueurs limités techniquement. D’ailleurs, l’apport offensif de ces derniers est souvent un élément déterminant pour la victoire d’une équipe. Comme le confirme Grégory Tafforeau, ancien arrière gauche à Lille : « Moi, je pense que maintenant, les matchs se gagnent avec les latéraux. » Le latéral serait donc devenu un joueur déterminant pour le jeu de son équipe ? Incontestablement, selon l’ancien Lillois : « C’est souvent ce genre de joueurs qui débloque les matchs. Contre des équipes super regroupées, ton seul moyen de gagner, c’est en passant par les côtés et ce sont les latéraux qui vont te permettre de contourner les blocs compacts. » Il est vrai qu’à l’heure actuelle, les latéraux fournissent un travail offensif comparable à celui d’un ailier. Dans un football porté vers l’avant, ces derniers se doivent de dédoubler en permanence et d’être capables de balancer régulièrement de bons centres pour créer des actions de but. Ces joueurs de couloir sont désormais autant jugés sur leur apport offensif que sur leur travail défensif, comme le souligne Tafforeau : « Aujourd’hui, si un latéral fait un bon match défensivement, mais qu’il n’apporte rien sur le plan offensif, on va lui dire que son match n’est pas abouti. » Cela reflète bien l’énorme évolution qu’a connue ce poste. De nos jours, le latéral, qui participe activement au jeu, ne peut plus se permettre d’être limité techniquement.

Aucun autre poste n’allie à ce point-là tâches offensives et défensives

Claude Barret, lui-même ancien latéral dans les années 1980, va également dans ce sens, car pour lui « les latéraux sont même les défenseurs les plus techniques » . Selon l’actuel entraîneur adjoint de l’AJ Auxerre, « c’est plus facile de jouer stoppeur que de jouer latéral, par exemple. Stoppeur, on est dans l’axe, on a juste à bien défendre et bien relancer, alors que latéral, il faut monter, il y a des une-deux, il faut dédoubler avec l’ailier, ça demande beaucoup plus de travail. » Finalement, cette idée préconçue d’un latéral moins doué que ses coéquipiers n’a pas vraiment lieu d’être. Du moins, aujourd’hui. Car, comme le reconnaît Barret : « Nous, à l’époque, c’était marquage individuel, donc c’était surtout l’aspect défensif de la chose. Maintenant, dans les grands clubs, les latéraux doivent apporter un plus offensivement, donc forcément, ils doivent être bons techniquement. Aujourd’hui, si t’as un latéral qui ne te met pas de bons centres, c’est compliqué. » Le latéral aurait donc progressé en parallèle de l’évolution du poste et des tâches inhérentes à celui-ci. Philippe Jeannol, qui a joué ce rôle quelques fois dans sa carrière, au cours des années 1970-1980, admet qu’à « l’époque, c’est vrai, on mettait peut-être le joueur le moins technique » . Toutefois, pour l’ancien Nancéien, l’importance des latéraux est cruciale : « Ce sont eux qui peuvent créer le déséquilibre. Ils ont presque un rôle essentiel dans l’animation offensive. »

Si les latéraux ont bien eu cette image de joueurs peu doués techniquement, les attentes d’aujourd’hui sont telles à ce poste-là, que le latéral est loin d’être le peintre de son équipe. Pour Greg Tafforeau, cette idée est à jeter : « C’est un poste où la qualité technique a évolué, on ne voit plus de latéraux bûcherons comme à l’époque. On voit des latéraux aussi bons techniquement que les milieux de terrain. » Et force est de constater que l’ancien capitaine du LOSC a raison. Aucune grande équipe ne peut se permettre d’avoir des latéraux moyens. Par leurs dédoublements, leurs centres, leur faculté à apporter le surnombre, ils sont devenus incontournables dans l’efficacité d’une équipe. Le poste de latéral apparaît même comme l’un des plus difficiles, car aucun autre poste n’llie à ce point-là tâches offensives et défensives. Il est donc essentiel de savoir bien gérer son effort, ne pas trop se perdre aux avant-postes, ne pas se prendre pour un ailier, quoi. Comme le dit Claude Barret : « Les jeunes latéraux d’aujourd’hui, leur priorité c’est d’apporter un plus offensivement. Mais il faut leur rappeler que leur boulot, à la base, c’est quand même de défendre. » Bref, ce n’est pas de tout repos, d’être défenseur latéral.

Par Gaspard Manet

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