L’Argentine fait barrage contre les critiques envers Lionel Messi

Certains diront que c’est trois fois rien. Juste un trois en fait. Comme la note attribuée par le journal L’Équipe à Lionel Messi après le huitième de finale aller de Ligue des champions contre le Real Madrid. Ce petit chiffre de rien du tout, balancé ce mercredi en page trois du canard, a pourtant enflammé l’Argentine pendant toute la journée d’hier. À la limite de l’incident diplomatique. « La note ridicule de L’Équipe à Messi ! », s’indignait le quotidien sportif argentin Olé en Une de son site en fin d’après-midi. Le matin même, dans ses colonnes, le journal expliquait avoir vu « un bon match » de La Pulga justifiant une note de 5,5. « Ils pensent que Messi doit faire la différence dans tous les matchs et quand il ne le fait pas, ils le punissent. Comment peut-il être moins bien noté que Benzema qui n’a pas touché un ballon du match ? », se demandait le rédacteur resté anonyme. En découvrant que Le Parisien n’avait pas beaucoup mieux noté (3,5) le capitaine de l’Albiceleste, la chaîne de télévision TyC Sports s’interrogeait carrément : « Y a-t-il une campagne médiatique contre Messi en France ? »

Un journaliste du quotidien sportif français était même invité à venir s’expliquer en direct. Il était en réalité sur le banc des accusés. Le débat a occupé l’antenne pendant une bonne partie de la journée. « Beaucoup attendent de voir Leo tout là-haut à chaque fois. Je trouve qu’il a été bien », disait pour sa part le champion du monde 1986 Oscar Ruggieri, sur ESPN. Avant de balancer un mystérieux : « Il se passe quelque chose là-bas. » Sous-entendu une grande conspiration française contre le petit d’Omar da Fonseca.

Totem d’immunité

Depuis la disparition de Diego Maradona et surtout la victoire de l’Argentine en Copa América cet été, il faut comprendre que Lionel Messi est devenu l’intouchable héros national dans son pays. Oublié les critiques, parfois violentes, envers celui qui avait perdu quatre finales avec sa sélection. Celui qui a mené l’Albiceleste en leader vers un titre attendu depuis 1993 a d’une certaine façon « payé sa dette », nous expliquait il y a quelques mois l’écrivain argentin et fou de foot Eduardo Sacheri : « C’est comme si, seulement maintenant, on l’avait enfin totalement accepté comme notre enfant prodige. » En plus de ça, les Argentins sont ravis d’avoir désormais le beau rôle. Avant, ils s’agaçaient de voir leur numéro 10 sourire et tout gagner avec Barcelone pendant qu’ils le voyaient perdre et pleurer avec leur sélection. Désormais, c’est à Paris qu’ils le voient tête baissée. Chez eux, ils célèbrent dorénavant de le voir débarquer avec la banane en permanence. L’important, c’est la Coupe du monde. Il faut donc le protéger jusqu’à sa dernière danse. Et surtout, ne pas répéter les erreurs du passé en étant trop dur avec le natif de Rosario.

Jusqu’à maintenant, les performances en demi-teinte du numéro 30 avec le PSG ont été constatées sans être critiquées dans la presse argentine. C’est la faute au manque de préparation, au problème d’adaptation, à Pochettino ou à son récent Covid, lit-on souvent. Difficile en réalité de vraiment parler du niveau de l’attaquant sans déclencher un débat hystérique. Un exemple symptomatique : après le match contre le Real Madrid, quand un chroniqueur, avec mille pincettes, ose dire sur ESPN que « Mbappé fait ce que Messi faisait avant avec Barcelone », sous-entendant qu’à 34 ans, La Pulga allait désormais avoir un rôle différent, le présentateur vedette du canal Sébastian Vignolo coupe net le débat, hors de lui : « Pour moi, Messi a joué un très bon match ! Le meilleur joueur de la rencontre et l’héritier, c’est Mbappé. Mais le meilleur joueur du monde reste Messi. Ça m’énerve ! Je ne travaillerai pas avec quelqu’un qui n’aime pas comment joue Messi ! S’il y a un anti-Messi, je me lève et je m’en vais. » Il est finalement resté.

No entienden nada… le tocó errar un penal pero jugó un buen partido . Y después de haber fallado se hizo cargo del equipo encabezando cada avance. https://t.co/tYG3h6z1tM

— Sebastián Vignolo (@PolloVignolo) February 16, 2022

Le Kun vs la France

Désormais streamer compulsif depuis que ses problèmes de santé l’ont contraint à mettre un terme à sa carrière, Sergio Agüero a lui aussi volé au secours de son pote de toujours mercredi soir. « Leo a tout défoncé sur ce match. Je ne dis pas ça parce que c’est mon ami ! Il était très bien et très actif. » Forcément objectif, le Kun avait aussi très envie de s’exprimer sur le « 3 de L’Équipe-gate » depuis son siège de gamer : « Les Français, les journaux, les magazines l’ont tué. Ce sont des abrutis ! J’avais un entretien prévu avec une revue française. Je leur ai dit :« Je ne vais pas le faire en soutien à Lio Messi ! »C’est tout. Maintenant je suis énervé. » Et encore, il n’a pas entendu Jérôme Rothen se demander si le PSG avait engagé le septuple Ballon d’or ou son frère…

¡SE ENOJÓ EL KUNI CON LOS FRANCESES! « El penal de Leo, la CDSM. Encima jugó re cheto. Los diarios lo mataron, son re giles. Tenía una entrevista con una revista de Francia. Agarré y dije: ‘No, porque aguante Lio Messi’. CORTA ». pic.twitter.com/aFOrAZPPfN

— TyC Sports (@TyCSports) February 17, 2022

Au milieu de tout ce shit storm contre la presse tricolore sur les bords du Rio de la Plata, la palme d’or de l’indignité est à décerner à Alejandro Fantino, animateur-star de programmes sportifs et de débats politiques en Argentine, convaincu d’avoir envoyé punchlinesur punchlinepour exprimer le fond de sa pensée et orienter l’opinion publique contre le club parisien : « Journalisme français, dédiez-vous plutôt à la philosophie parce que vous avez deux concombres dans les yeux quand vous regardez du football. Avant Messi, je pensais que le PSG était un endroit où on vendait des fruits à la sortie de Roland-Garros. Vous ne méritez pas d’avoir Messi. Vous êtes plus froids qu’une poitrine de phoque. Vous pouvez être champions d’Europe, mais n’aurez jamais d’âme en 123 vies. Quand l’émir va vouloir parier sur la ligue de palet sur Mars, vous allez angoisser ! Avant Messi, on regardait la ligue française pour voir si vous rendiez hommage à Descartes. » On avait dit : pas René.