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L’Algérie et le renouveau binational

Par Adel Bentaha
L’Algérie et le renouveau binational

En reconstruction et avec la Coupe du monde 2026 en ligne de mire, l’équipe d’Algérie a réenclenché son processus de sélection de joueurs binationaux. Analyse d’un système fonctionnel.

C’est un serpent de mer, allant et venant de manière épisodique : la sélection de joueurs binationaux en équipe d’Algérie. Plus que n’importe quelle autre fédération africaine, l’instance algérienne – forte de sa diaspora – a effectivement fait de ce processus un credo de renforcement majeur. En dépit d’une mise en stand-by durant les derniers mois, les démarches administratives ont aujourd’hui repris, au détour d’informations confirmées et de rumeurs persistantes, envoyant Rayan Aït-Nouri, Houssem Aouar ou Amine Gouiri chez les Verts.

La FIFA a créé beaucoup trop de jurisprudences en permettant aux joueurs d’évoluer avec deux sélections différentes, cas par cas.

Le cas par cas

Derrière ce procédé courant, il n’est pas inutile de s’attarder sur les critiques sévissant des deux côtés de la Méditerranée. En France, la problématique serait ainsi liée à la formation, mâchant le travail aux autres pays. La France formerait des joueurs qui optent pour une autre sélection, entend-on régulièrement. En Algérie, le débat s’axe sur la sincérité de ces joueurs venus de l’étranger avec des critiques du genre : les binationaux choisiraient l’Algérie par défaut, car l’équipe de France leur fermerait la porte. Deux visions compréhensibles, se révélant pourtant plus complexes. Mansour Boutabout, ancien international algérien (22 sélections, six buts entre 2003 et 2008, NDLR), a lui-même connu ce cas de figure et préfère nuancer. « Aujourd’hui, le problème réside dans le règlement. La FIFA a créé beaucoup trop de jurisprudences en permettant aux joueurs d’évoluer avec deux sélections différentes, cas par cas. Forcément, quand on fait miroiter à un joueur binational qu’il peut disputer une Coupe du monde avec la France, plus facilement qu’avec l’Algérie par exemple, il hésitera longtemps. Même si son cœur ne lui dit pas forcément de faire ce choix. » La bataille entre le poids du CV et le fameux choix du cœur, avant que la question du niveau sportif du joueur entre réellement en considération.

Afin de pallier ces difficultés, la fédération algérienne (FAF) a donc décidé de passer la seconde dans sa course aux talents diasporiques. Rayan Aït-Nouri, Houssem Aouar, Farès Chaïbi, Yacine Adli, Amine Gouiri ou encore Yasser Larouci en tête de gondoles, pour accélérer le futur. Profitant du succès des Verts lors de la Coupe d’Afrique des nations 2019, la FAF s’était évertuée à jouer la carte de la séduction pour attirer de nouveaux éléments, dans le sillage d’une qualification à la Coupe du monde 2022. Mais les échecs successifs à la CAN 2021, puis en barrages face au Cameroun, ont considérablement freiné ces ambitions.

Le projet radar

Devant l’hésitation des joueurs ciblés, refroidis par cette période délicate, la fédération a dû revoir son programme à partir de 2021. Son nom ? « Cellule FAF Radar » . Derrière cette appellation aux allures d’opération militaire se cache d’abord un homme : Kheireddine Zetchi. Président de la fédération entre 2017 et 2021, le dirigeant a lancé ce programme de scouting visant à répertorier les joueurs binationaux évoluant en Europe, et susceptibles de garnir les rangs de la sélection A, mais également des catégories jeunes.

Pour Mansour Boutabout, cette initiative confirme ainsi les ambitions de la FAF, affichées dès le début du siècle. « Je suis moi-même un enfant de ce scouting, pose l’ancien attaquant. C’était au début des années 2000, je jouais à Sète, sans jamais savoir que la fédération cherchait à m’enrôler. La FAF venait tout juste de lancer ce processus pour combler les manques, car l’Algérie n’avait plus assez de joueurs après la guerre civile. Mais c’était un truc rudimentaire, plus ou moins abandonné par la suite. Aujourd’hui, ils ont repris les mêmes bases, mais avec un système beaucoup plus poussé. Il y a une dizaine de scouts en Europe, qui sondent tous les joueurs éligibles, quelle que soit la catégorie. » Fort de son élargissement aux U17, U20 et Espoirs, ce système s’est d’ailleurs illustré sur les quatre derniers mois, durant lesquels 30 des 68 joueurs convoqués dans ces catégories – soit près de la moitié – disposaient d’une double nationalité.

Vision à long terme

Un tour de force louable pour la FAF, désireuse d’anticiper ses prochaines générations et, surtout, d’empêcher de nouveaux cas « Fekir » , entre autres. « La fédération a préféré prendre les devants, en discutant avec les joueurs, avant même qu’ils ne soient professionnels, poursuit Boutabout. L’Afrique a trop souvent pâti des joueurs qui te disent un coup« oui »et l’autre« non ». Évidemment que l’équipe de France est la meilleure du monde, et que les jeunes nés à Paris rêvent de jouer une finale de Coupe du monde avec les Bleus. Mais quand tu sais que tu as ta chance ailleurs, et qu’en plus tu es légitime de représenter une autre nation par tes origines, je ne vois pas en quoi il y aurait la moindre hésitation. »

La victoire de l’Algérie en 2019, ou le parcours du Maroc et du Sénégal lors du dernier Mondial ont permis de légitimer nos sélections.

En s’investissant dans cette politique binationale, désormais appuyée par son nouveau président Djahid Zefizef, l’équipe d’Algérie a donc définitivement posé les bases de sa reconstruction, portée par les exploits du football africain ces derniers mois. « Aujourd’hui, les sélections africaines n’ont plus de complexes à avoir, conclut Boutabout.La victoire de l’Algérie en 2019 ou le parcours du Maroc et du Sénégal lors du dernier Mondial ont permis de légitimer nos sélections. Sans compter que chaque nation dispose d’une locomotive. Mahrez, Mané, Ziyech par exemple : tous ces mecs jouent dans de grands clubs et sont africains. Tout cela favorise un ruissellement pour attirer nos talents nés à l’étranger. » La révolution verte est en marche.

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Par Adel Bentaha

Propos de Mansour Boutabout recueillis par AB.

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